30 septembre 2023

Frangment du paryrus Bodmer 6, du 4e siècle, en copte, numérisé par Bodmer lab-UNIGE - wikicommons https://iiif.unige.ch/iiif/2/1072205347_016/full/full/0/default.jpg
Bible

La Bible a été écrite en hébreu puis en grec pour l’ancien testament, les protestants ne gardant que les premiers, contrairement aux catholiques ?

Frangment du paryrus Bodmer 6, du 4e siècle, en copte, numérisé par Bodmer lab-UNIGE - wikicommons https://iiif.unige.ch/iiif/2/1072205347_016/full/full/0/default.jpg

Question posée :

Bonjour Marc ,
J’ai appris que la Bible a été écrite pour l’ancien testament :une première partie en hébreu puis deuxième partie en grec ,
le nouveau testament en grec
et que les protestants ne tenaient compte que dans l’ancien testament de la partie en hébreu …
Est ce bien cela? Et il y a une explication?

Avec toutes mes salutations fraternelles

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Bravo de vous intéresser à la Bible. C’est une bibliothèque riche et propre à se poser plein de questions. Et cette histoire des livres de la Bible est une longue histoire…

La liste des livres de la Bible chrétienne

En fait, tous les chrétiens sont d’accord sur la liste des livres de la Bible et leur statut. C’est simplement une question de choix pour l’édition. La liste des livres de la Bible hébraïque est commune aux juifs, chrétiens catholiques et protestants. La liste des livres du nouveau testament est la même pour les catholiques et protestants. Cette liste des livres s’appelle « le canon des écritures », il a été fixé peu à peu au cours des siècles, mais cela fait plus de 1500 ans que les principales églises sont d’accord sur ces listes.

Ensuite, il est vrai qu’il existe une liste supplémentaire de livres considérés comme « deutérocanoniques », c’est-à-dire littéralement, du 2e choix (« deutéro » : 2e, et « canon » : règle officielle), mais quand même presque dans le « canon ». Les catholiques et protestants sont d’accord là-dessus aussi. Ces livres sont plus tardifs que ceux du canon de la Bible Hébraïque, ils sont souvent écrits en grec ou en araméen. Ils sont présents dans les éditions catholiques de la Bible, quoique à part. Ils ont été supprimés des éditions protestantes de la Bible à partir de 1820 environs pour une raison plsu pratique que théologique : les protestants ont voulu à cette époque mettre la texte de la Bible à portée du plus grand nombre de personnes, même peu fortunées et  enlever les deutérocanoniques permettait de faire un livre moins épais, et donc moins cher.

Donc en réalité nous sommes tous d’accord, catholiques et protestants là dessus, mais ce n’est pas très étonnant car pour ce qui est de l’étude de la Bible, nous avons la même démarche, nous lisons les mêmes livres et les mêmes revues exégétiques, les spécialistes se rencontrent dans les mêmes colloques et facultés.

L’histoire de la constitution de la Bible juive

Pourquoi est-ce que cette liste supplémentaire des deutérocanoniques existe ? C’est dû à l’histoire du peuple juif, et à l’histoire de l’église chrétienne.

A l’époque de Jésus et depuis déjà des centaines d’années, ce que nous considérons comme la Bible était appelé « la Loi et les prophètes » (la loi : les 5 livres de la Torah). Tout cela était de l’hébreu, bien sûr. A côté de cela il y avait aussi des « écrits », en particulier les 150 Psaumes, importants déjà du temps de Jésus, et écrits en hébreu , en particulier ils étaient utilisés pour la liturgie du temple mais aussi en famille (Jésus et ses disciples chantent les Psaumes pour fêter la Pâque juive).

L’essentiel est donc en hébreu. Et je pense que seul l’hébreu était seul utilisé du temps de Jésus dans les synagogues en Israël.

Mais il est vrai que la langue grecque et araméenne ont fait leur chemin. Après l’exil à Babylone (587 avant Jésus-Christ), bien des juifs ne sont pas rentrés en Israël et sont restés en diaspora. Loin du temple de Jérusalem et autres lieux de cultes, c’est alors la synagogue et la lecture de « la Loi et les prophètes » qui devient le centre de leur pratique religieuse communautaire, avec la synagogue. Ensuite, le grec est devenu progressivement une langue commerciale importante, et bien des juifs n’étaient plus si à l’aise en hébreu. En particulier après l’invasion immense réalisée par Alexandre le grand, le grec devient la langue communément répandue pour le commerce, pour l’éducation, et les échanges culturels, dans l’empire grec puis Romain. Les livres essentiels de la Bible ont été traduits de l’hébreu en grec vers 300 avant Jésus-Christ, c’est la Bible des Septantes (LXX) qui n’était pas non plus terminée du temps de Jésus. Des textes ont continué à être écrits en araméen et en grec. Des textes sont alors écrits en grecs, certains en araméen, et deviennent populaires dans ces milieux juifs hellénisés, en plus, bien sûr, des livres qui restent les principaux (la Loi et les prophètes). Parme ces textes, certains vont être distingués comme pouvant entrer, selon certains juifs, dans la liste officielle, d’autres existent et n’ont pas été retenus mais sont restés (voir les « écrits intertestamentaires » édités par Gallimard dans la Pléiade).

Quand le judaïsme commence à s’organiser, ils cherchent à mettre d’accord les différents centres d’étude et synagogues sur la liste des livres de la Bible. D’un côté, une réunion à Yabné vers l’an 90, a fixé la liste de livres hébraïques que nous connaissons. les milieux de juifs de langue grecque vont joyeusement ajouter à ces livres les livres que nous appelons aujourd’hui deutérocanoniques. C’est ainsi que nous avons ces deux traditions, celles des juifs hébraïsants et celle des juifs étant passés au grec.

La constitution de la Bible chrétienne

Pour les chrétiens d’Israël, du temps de Jésus et de la première génération, « les écritures », c’est « la Loi et les prophètes » de la Bible hébraïque et ils même s’ils lisaient aussi les autres livres, il existait pour eux une différence radicale de statut entre les livres « des écritures » et les livres divers d’édification. Ensuite, le christianisme va se développer dans le monde de façon très rapide et importante, dan sun monde de culture plus grecque qu’hébraïque et c’est la bible des LXX qui va être la référence des églises chrétiennes un peu partout. D’ailleurs le courant de chrétiens pratiquant la loi juive (les judéo-chrétiens) va progressivement disparaître au IIe siècle. L’église chrétienne, et l »église romaine au IVe siècle va produire une traduction en latin (la vulgate) qui reprend l’ensemble des livres de la Bible hébraïque et grecque. Et les écrits chrétiens du Ier siècle vont être eux aussi triés pour sélectionner une liste des plus importants qui sera commune à une majorité d’églises, cette liste va évoluer à la marge encore quelques siècles mais elle est aujourd’hui bien fixée et commune à toutes les églises chrétiennes. Les écrits chrétiens sont tous écrits en grec, même s’il existait encore au IIe siècle une première version de l’évangile selon Matthieu écrite en hébreu, plus ancienne que tous les autres évangiles, et malheureusement perdue.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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4 Commentaires

  1. Hervé dit :

    Je vous remercie ,Marc , pour ce message d’une qualité et de ressources infinies.
    Cela me fait un réel enchantement de lire , relire , approfondir tout ce que vous me transmettez au sujet de la Bible et me permets de poursuivre et d’alimenter mon cheminement .
    Je suis aussi avec intérêt votre « paroisse en ligne » qui m’apporte énormément, (n’ayant pas trouvé de paroisse où je réside qui m’interpelle… mais ..Qui cherche trouve ?.)
    Recevez mes sincères salutations fraternelles .

  2. Michel dit :

    Il est intéressant de noter que la plupart des citations de l’Ancien testament (AT) dans le Nouveau (NT) proviennent de la Septante (LXX), y compris dans l’épître aux Hébreux (on s’attendrait qu’on cite la version hébraïque de l’AT quand on parle à des Hébreux dans le NT…!).

    Je suppose que cela est dû au fait qu’il y a beaucoup plus de vocabulaire grec qu’hébreu, et qu’ainsi on peut mieux préciser ce que l’on veut dire, sans trop de risque d’être mal compris.

  3. Jean-Luc Lussetucru dit :

    Bonjour,

    merci beaucoup pour cet article.

    I. Importance de la langue araméenne, la troisième langue biblique

    Je ne suis pas historien, donc mon avis n’a que peu de crédit à lui seul, je fonde mon avis sur celui des auteurs juifs (peut-être messianiques) francophones Joachim Elie et Patrick Calame de « Les évangiles, traduits du texte arméen », et j’invite à rechercher d’après des sources historiques de premier plan. Mais en tout cas je pense que l’araméen était très utilisé hors de la Judée, territoire de la tribu de Juda incluant notamment Jérusalem, en particulier en Galilée, où se situe Nazareth. Il me semble que l’évangéliste de l’évangile selon Jean insiste sur une opposition à Jésus venant non seulement des pharisiens et des saducéens comme l’indiquent aussi les évangiles selon Matthieu, Marc, et Luc, mais venant aussi des judéens eux-mêmes, et non des juifs, Jésus et ses disciples étant de religion juive, ou en tout cas du peuple hébreu, ethniquement pour la plupart, mais surtout pour tous au sens religieux. Les deux interprétations et traductions de ioudaoi : juif ou judéen sont possibles du fait qu’il s’agit du même terme en grec, d’autant plus que le grec biblique était (en majuscule) non accentué à l’époque de la rédaction.

    Les juifs y compris contemporains ont DEUX langues sacrées, et non pas une : l’hébreu et l’araméen. Ce fait n’est pas assez (re)connu.
    Le Talmud de Babylone (le plus lu) est composé de deux parties : Mischna (compléments de loi orale, en hébreu) et Guémara (commentaires). La Guémara, partie la plus longue, et toujours en croissance au cours des siècles, est sauf erreur de ma part… en araméen (pour ce qui est du texte source, original, avant traduction).
    Le livre de Daniel du canon hébraïque contient plusieurs chapitres en araméen.

    Surtout il semble (difficile à démontrer a posteriori, mais il s’agit d’un usage classique par la suite, l’hébreu étant devenu une langue liturgique, et non une langue courante) que les juifs notamment de Galilée utilisaient un Targum (traduction araméenne de la Bible hébraïque, avec parfois des périphrases et variantes) à la synagogue en complément de la Bible hébraïque : lecture en hébreu, puis lecture d’un targum en araméen, de façon à pouvoir être compris par le plus grand nombre de personnes.
    En revanche les pharisiens de Judée utilisaient probablement (difficile à démontrer a posteriori) l’hébreu uniquement dans les synagogues, et en tout cas il semble qu’ils refusaient souvent d’enseigner le grec à leurs enfants : Flavius Joseph, auteur du Ier siècle, d’ascendance pharisienne (aisée) sauf erreur de ma part, n’avait pas appris le grec durant son enfance.

    L’araméen souffrirait peut-être d’un discrédit en tant que langue du fait de la tribu Aram dans la Bible, parfois opposée ou au moins distincte et divergente du peuple hébreu selon la Bible hébraïque ?

    II. Liberté de canon biblique personnel et même ecclésial à l’intérieur du canon actuel

    Je propose une nouvelle considération de la notion de canon biblique.
    Sans rajouter de nouveau livre, sauf éventuelle découverte archéologique majeure, théologiquement intéressante et dûment datée autour de l’époque de Jésus Christ, ou éventuellement sélection/recompilation à partir de livres existants… je suggère d’attribuer chacune et chacun librement un statut à chaque livre biblique après lecture ou relecture ou rerelecture : actif ou inactif pour soi, c’est à dire source de lecture studieuse inspirante. Pour ma part j’active les quatre évangiles, et les livres autour du Christ permettant de mieux les comprendre (au sens de l’épisode d’Emmaus par exemple, invitant à la relecture des Écritures concernant Jésus Christ), et ne contenant pas ou alors pour des textes vraiment majeurs vraiment relativement peu « d’énormités inacceptables » au sens moral contemporain (sauf s’il s’agit d’histoires de personnages), en faisant attention aussi à la façon globale dont c’est dit et dans quel contexte : parfois Jésus lui-même parle de façon quelque peu insultante selon des critères contemporains exigeants, mais après interprétation, je trouve personnellement que ça passe encore, l’insulte (chien par exemple) est une reprise d’une insulte diffusée dans la culture de l’époque à laquelle Jésus se réfère pour qu’elle soit dépassée… cela pourrait encore avoir valeur d’enseignement.

    En refusant de rentrer dans un tri des versets lorsque globalement le livre contient trop de contenu soit inacceptable aujourd’hui, et souvent en plus avec lequel après réflexion et même lecture des articles de Marc sur ce site, je ne suis pas en accord sur le fond (après comparaison avec les évangiles par exemple), j’en arrive alors après relecture à n’activer comme canon personnnel dans le canon du Nouveau Testament que les quatre évangiles, l’épître (-sermon-homélie-encyclique-traité) 1-Jean, l’épître (-sermon-homélie-encyclique-traité) dite « aux Hébreux », les deux autres épîtres attribuées à Jean l’Ancien 2-Jean et 3-Jean, et Actes des apôtres, historique et (extrêmement) surréaliste (selon moi) et théologiquement pouvant faire réfléchir, soit 9 livres seulement. Et de même de la Torah je ne garderai comme actif que Genèse (début au sens figuré, allégorique) et Exode, des Prophètes que Esaïe, Jonas, Osée, Zacharie et Michée (les plus en lien direct avec les évangiles selon moi), une sélection de Psaumes (acceptables et/ou cités dans les évangiles), Proverbes (à ne pas prendre trop à la lettre, mais avec souplesse, comme témoignage d’expérience peut-être parfois ou souvent inspirant d’une belle manière on espère…), soit neux livres seulement. Job et Cantique sont beaux aussi, en option, pas ou peu directement en lien avec Jésus Christ il me semble et sauf erreur de ma part cependant sauf à se choisir une théologie faisant intervenir une symbolique de mariage entre le Christ et/ou Dieu ou l’action immanente de Dieu et l’Église ou le peuple hébreu… Disons 20 livres bibliques activés, et 46 autres « dormants » parmi les 66 du canon protestants (39 de la Bible hébraïque, 24 selon le canon juif qui regroupe différemment, mais cela correspond au même contenu, et 27 du Nouveau Testament).

    J’ajoute qu’en ce qui me concerne, le passé de Saul qui tenait les vêtements des lapidateurs de chrétiens comme relaté dans les Actes des Apôtres joue en défaveur de Paul, même pardonné, comme théologien, autoproclamé apôtre inspiré au moins sur son chemin de Damas par Jésus Christ ressuscité. Même 1-Corinthiens parle d’amour, mais aussi du statut de la moitié des femmes, et des personnes en situation sociale de domination et de dépendance (esclaves)… en des termes qui ne sont pas à la hauteur selon moi, de cet amour. Sa conception en débt de cet épître de l’unité fait peur… et reste très contemporaine pour certaines Églises j’ai l’impression. Et contredit Jésus qui vient apporter non la paix mais la division, jusqu’à chaque personne, c’est cela la seule maille d’unité. Unité, communion avec Dieu, en tant qu’enfants de Dieu, et non unité illusoire voire dangereuse, soumettante pour chaque individu, d’institutions humaines. A tout prendre, dans les écrits pauliniens la première moitié ou un peu plus de l’épître aux Romains me paraît la meilleure, et la fin de Romains la plus et la mieux argumentée, la moins inacceptable, mais je ne la conserve pas non plus in fine. Et le discours de Paul aux Athéniens en Actes 17, peut-être un des plus intéressants textes des Actes.

    A mon sens, les questions de christologie, de nature de l’Esprit Saint, de mariologie, restant tout autant ouvertes dans ce contexte. Mais avec moins de livres, il devrait y avoir moins de contraintes. Il me paraît possible de développer une théologie et de vivre pleinement une vie d’Église, chrétienne, avec une mini-Bible d’environ 20 (ou 24…) livres tirés du canon biblique actuel, avec notamment les livres les plus centrés sur l’enseignement de Jésus Christ, sans s’interdire bien sûr de lire au moins une fois voire deux ou trois les autres livres bibliques, et même les deutérocanoniques…

    merci en tout cas,
    pardon d’avoir été si long,
    cordialement,

  4. Jean-Luc Lussetucru dit :

    ajout au canon : + peut-être Ruth (une étrangère ancêtre des rois David et Salomon, hébreu au sens religieux, et non ethnicité du peuple hébreu), 1-Rois (contruction du Temple, majeure partie du cycle ou geste du prophète Elie apparaissant dans l’épisode de la transfiguration dans les évangiles), Esdras (reconstruction du Temple, contexte historique important à l’action de Jésus Christ selon les évangiles et l’épître aux Hébreux notamment)…

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