03 février 2024

Photo représentant le Christ tendant le pain rompu et la coupe de vin, avec posée sur la table sa future couronne d'épine - Photo de Rey Proenza sur https://unsplash.com/fr/photos/une-personne-tenant-un-verre-a-vin-et-un-verre-a-vin-O98dk75B_t4
Question

Je prends la communion chez les protestants, mon curé m’a dit que je ne pouvais bénéficier de la présence de Jésus.


Question posée :

Bonjour Pasteur,

Je viens de découvrir votre site en cherchant une explication sur le verset 1 jean 3,20. J’ai beaucoup aimé ce que dit le pasteur Marc Pernot. J’ai mis l onglet sur mon téléphone les simples versets de la Bible. Je viens de trouver une mine d’or ! Merci infiniment !!!
Je me pose énormément de questions concernant la Cène, la communion protestante. J’étais de confessions catholique où j’ai grandi avec l’eucharistie au centre de la messe. Et depuis 10 ans je suis dans une église protestante où nous partageons la Cène deux fois par mois. Quand j ai dit à mon curé que j allais chez les protestants, il m à répondu que je ne pouvais plus avoir les effets de l eucharistie et donc de la présence de Jesus ! Je ne suis pas d accord avec tout ça. Pour moi l église protestante me rapproche de la Bible et donc de la vérité, j’y suis nourrie et je sais que Jésus est bien présent dans ma vie. J’ai appris à prier avec mes frères et sœurs et à étudier la Parole de Dieu. Je voudrais avoir votre avis et des explications sur la Cène. Dans l attente d’une réponse de votre part,
Que Dieu vous bénisse abondamment.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

C’est excellent de chercher comme vous le faites avec profondeur, sincérité et ouverture. A mon avis, c’est ce que Jésus cherchait à susciter en particulier avec ses « paraboles », ces curieuses petites histoires toujours un petit peu déstabilisantes. Je sais que cela demande de l’énergie et du courage de chercher, mais à vrai dire c’est toujours un certain effort d’approfondir, quelque soit le domaine.

Le verset que vous avez cherché est un de mes préférés « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. (1 Jean 3:20). Tant de fois, on entend une personne culpabiliser les autres, c’est hélas vrai dans le monde et même dans l’église. Jean fait l’inverse dans cette lettre où il a cette théologie condensée « Dieu est amour » (1Jean 4:8 et 4:16) .

La question de la communion dans l’église catholique ou protestante est une question épineuse du point de vue de la pratique. D’un point de vue purement théologique, cela ne devrait pas poser de difficulté selon ce que j’ai constaté en discutant à plusieurs reprises avec des théologiens catholiques très affutés. La différence semble reposer sur un malentendu.

L’eucharistie catholique et la transsubstantiation

La doctrine catholique de l’eucharistie parle de transsubstantiation, et que cela garantit la « présence réelle » du Christ dans le pain et le vin consacrés : la substance du pain et du vin est transformée en corps et sang du Christ par l’Esprit Saint. Le malentendu est que la notion de substance en français courant d’aujourd’hui n’a pas le même sens que dans la définition de cette doctrine. On entend aujourd’hui derrière ce terme de substance la matière du pain et du vin. Or, les théologiens qui ont eu cette pensée savent très bien que du point de vue matériel le pain de l’hostie reste du pain, et le vin reste du vin. Il n’y a aucune chance de trouver de l’hémoglobine ni de l’ADN de Jésus si l’on analyse une hostie consacrée. Bien sûr. Mais dans la doctrine ce n’est pas la question, le terme de « substance » désigne la réalité profonde de la chose, la matière étant du domaine de l’apparence. De même, quand dans une manifestation le drapeau d’un pays est brûlé, la matière est en coton, mais au fond c’est le pays qui est attaqué, réellement. En ce qui concerne l’hostie, que ce soit matériellement du pain est un fait, mais elle devient tout autre chose par la consécration. Dès lors, la présence réelle du Christ n’est pas matérielle. Aucun théologien catholique ne l’affirme.

La Cène protestante et la présence du Christ

C’est très proche de ce que dit la théologie protestante. La présence du Christ est spirituelle. Seulement, pour nous, cette présence n’a pas absolument besoin du rite pour être vraie, c’est ce que promet Jésus dans les tout derniers mots de l’Evangile selon Matthieu « Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28:20). C’est une présence spirituelle, non matérielle. On ne peut pas croiser Jésus de Nazareth en chair et en os à un coin de rue, mais dans un autre sens on peut le rencontrer et en vivre spirituellement, et on peut reconnaître son visage dans celui de nos frères et sœurs. Nous pouvons le savoir intellectuellement, cela ne fait pas tout, car nous ne sommes pas un pur intellect. Nous sommes aussi un corps, une sensibilité, une foi, une personnalité, un amour, une espérance, une personne qui a une histoire complexe… C’est pour cela que la communion est utile. Nous savons que Christ est avec nous tous les jours, mais en prenant le pain et le vin de la Cène cela fait participer notre être plus entièrement, avec le déplacement à ce rendez-vous, ce lieu, cette liturgie, chants, lectures, avec ces personnes diverses, ces paroles millénaires rappelées, et le fait de prendre matériellement ce petit bout de matière évoquant le Christ, de la mâcher, d’en sentir la texture et le gout, le fait de l’assimiler et de rendre grâces, de retourner à sa place : bien des personnes y sont beaucoup plus sensible qu’elles ne pourraient l’expliquer. Ce bout de pain et cette gorgée de vin sont de la matière du point de vue de l’apparence, et au fond elles sont de la parole, une parole sensible à notre chair qui nous dit que Christ est réellement présent avec nous jusqu’à la fin du monde.

Le sacré et la sacralisation de la religion

Ensuite, c’est vrai que la sensibilité protestante se méfie de sacraliser quelque doctrine, rite, lieu, temps ou chose que ce soit, et de les penser comme des moyens parfois utiles, parfois dangereux. Que ces moyens renvoient à Dieu qui est d’une tout autre dimension que ces « choses ».

  • C’est le cas pour la Bible, nous ne disons pas que c’est la « Parole de Dieu » (comme on peut l’entendre dans d’autres églises fondamentalistes), on dirait plutôt que c’est dans la lecture et l’interprétation personnelle de ces textes que, grâce à l’Esprit, peut survenir le fait que Dieu nous parle au fond de notre conscience.
  • C’est vrai que du coup seuls les deux principaux gestes, celui du baptême et celui de la communion sont conservés et avec une insistance sur le fait que ce sont des signes d’une réalité spirituelle qui est d’un tout autre ordre. Ces gestes sont des paroles mises en actes, un signe d’une réalité spirituelle comme la grâce de Dieu, le salut en Christ. Mais la grâce de Dieu sur la personne précédait le baptême et aurait été conservée sans le baptême, seulement est-ce que cette grâce aurait été dite de façon si puissante sans ce geste ? Le Christ aurait été avec nous même sans la Cène, mais ce serait peut-être resté un peu plus facilement de l’ordre d’une belle idée assez abstraite.

C’est, je pense plus une différence de pédagogie et de style entre le protestantisme et le catholicisme sur cette question, pour ce qui est du fond nous sommes infiniment proche, rassemblés par Dieu, par le Christ, par ce patrimoine que sont les évangiles, par le fait de prier. Dans le parcours de foi du fidèle, l’église catholique place l’Eucharistie comme signe de communion avec l’église, alors que l’église protestante place la Cène comme une nourriture pour les pécheurs que nous sommes tous afin de nous aider à entrer dans une plus grande communion avec Dieu en Christ.

Prédication protestante et Eucharistie catholique ?

Si vous êtes sensible à l »Eucharistie catholique, c’est merveilleux, vous pouvez participer aussi souvent que cela vous convient à la messe, le dimanche ou en semaine. Et si les prédications ou les ateliers d’étude de la Bible offertes dans l’église protestante vous enrichissent et stimulent votre cheminement vers Dieu, alors c’est excellent, toute personne est bienvenue, votre participation est un enrichissement. Rien ne vous oblige de changer de confession chrétienne pour autant. On se convertit à Dieu, en Christ. Les institutions, les paroisses sont au service de cela. Rien n’empêche donc de panacher les deux, de prendre ce qui vous convient d’un côté ET de l’autre. Ensuite, il n’est pas utile de choquer, ni de comparer en pensant c’est mieux là-bas qu’ici. C’est personnel : on peut dire simplement qu’aujourd’hui cet élément nous a nourri, que cela nous a rejoint.

Bravo pour votre démarche excellente. Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

PS. Pour aller plus loin, si vous le voulez, voir dans le petit dictionnaire de théologie :

 

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19 Commentaires

  1. Bernard dit :

    Monsieur le Pasteur,

    Ces quelques mots pour vous remercier de la sagesse exposée dans votre réponse à cette question sur le lien entre sainte cène et eucharistie

    Je suis catholique, mais je fréquente la paroisse protestante de Bruxelles, Eglise du Musée, de tradition libérale, que vous devez connaître.
    J’y suis heureux et suis nourri dans ma foi de chrétien, cherchant à suivre Jésus et à agir comme lui.

    Par ailleurs, je lis souvent vos prédications, et je veux vous exprimer ma gratitude pour ce que vous transmettez.

    Soyez béni dans votre activité pastorale !

    1. Marc Pernot dit :

      Cher Monsieur
      Merci pour cet encouragement et pour votre démarche fort touchante de sincérité et d’ouverture. Heureusement qu’il y a ainsi des traits d’union entre les églises, entre les paroisses, entre les personnes dans leur foi et dans leur recherche. C’est une bénédiction.
      Dieu vous bénit et vous accompagne

  2. Henry dit :

    Et… si ce n’était au fond pas une question théologique, mais une question de lutte pour un pouvoir hégémonique des plus humaine qui soit ?
    Ce n’est pas un problème pour nous… c’en est un pour l’ ECAR.
    Accepter que la communion « chez les autres » ait la même valeur, c’est renoncer au pouvoir de punition sur le fidèle.
    N’oublions pas que pour l’ECAR une des pires punitions est l’excommunication.
    Donc un prêtre se doit, si son paroissien va chez les hérétiques de le condamner et de l’excommunier sinon de jure, au minimum dans les faits.
    Ce cadre étant posé, il y a des curés rebelles (et pas très catholiques 🙂) qui donnent la communion a des divorcés malgrès les doctrines.
    Reconnaitre une valeur (sans parler de même valeur) aurait beaucoup d’implications politiques, ce serait reconnaitre que la doctrine de l’ECAR n’est pas supérieure aux autres, que les autres ne sont pas forcement « dans l’erreur » .
    Ce serait reconnaitre, comme le disait François Goguel  » qu’ il y a plusieurs demeures dans la maison du Père, et donc plusieurs chemins pour accéder a cette maison. »
    Ce serait donc renoncer a prétendre détenir « la plénitude de la vérité » ce serait donc aussi renoncer a l’exclusivité de la « succession apostolique »
    Malheureusement une majorité de catholiques ne connaissent pas les bases du catholicisme romain.
    Ceci induit au final de grandes souffrances individuelles, car faute de connaitre les données d’un problème on ne peut le résoudre et en l’occurrence faire un choix éclairé.
    Dans le cas présent sur un plan doctrinal, le curé DOIT refuser la communion a cette personne qui a de mauvaises fréquentations. commet un péché, est dans l’erreur et tout et tout.
    Si la personne comprend cette règle, elle devient libre de l’accepter ou de le refuser et de déterminer ce qui lui convient a elle.
    Et donc, en l’occurrence de se determiner non pas en fonction de ce que dit le curé, le pasteur, la cousine Berthe ou le collègue de bureau, mais uniquement en fonction du sens qu’elle donne , elle même , au fait de prendre la communion, et avec qui.
    Heureusement, et comme partout, certains curés utilisent la doctrine avec discernement 🙂 quitte a se faire remonter les bretelles par l’evéque 🙂

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