03 novembre 2018

icone "La Vierge au Buisson ardent" XVIe s.
Question

Est-ce que les protestants n’ont pas oublié le visuel dans l’expression de la foi ?

icone "La Vierge au Buisson ardent" XVIe s.

Question posée :

Bonjour Monsieur ,
Je pense que les protestants, la Suisse romande, certes par tradition et en réaction aux abus, ont oublié le visuel (canonique) dans l’expression de la foi, pour exprimer le mystère merveilleux de d’entrée de Jésus, l’émanation de la Sagesse éternelle de Dieu, dans la matière. Or le visuel est devenu prioritaire dans notre société. Les icônes, fresques etc.. sont malheureusement devenus des éléments décoratifs pieuses, d’un patrimoine chrétien d’hier..elles ont servi un peu à enseigner, mais grand dommage, elles n’ont pas été comprises pour leur utilité en Occident, pour prier/adorer Dieu, c’est à dire essayer de vivre le message de Jésus chaque jour !

Je joins cette icône de la Vierge créée à Moscou au XVIème, elle a été glorifiée et canonisée par l’Église au XVIIème siècle pour avoir aidé les habitants devant les orages, les incendies, les feux de l’ennemi.

Bien amicalement.

Réponse d’un pasteur :

Chère Madame

Merci pour vos encouragements.

C’est vrai que dans le christianisme il existe bien des langues différentes pour dire la Bonne Nouvelle, qui sont autant de pédagogies différentes. C’est ainsi qu’au moyen âge, en France, il s’est développé deux extraordinaires écoles avec Cluny et Citeaux. La première, Cluny, pour rendre la beauté du Royaume de Dieu a développé une architecture, un décors, une liturgie extraordinairement riche, cherchant à donner ainsi aux fidèles un avant goût de l’extraordinaire beauté du Royaume. La seconde, Citeaux, pour rendre la beauté du Royaume de Dieu a cherché le plus extrême dépouillement de son architecture, de sa liturgie, de ses chants, renvoyant le fidèle à l’intérieur de lui-même, dans l’intériorité, pour y rencontrer Dieu. Ces écoles ont raison toutes les deux, ce n’est qu’une question de pédagogie, le but est le même, Dieu, l’Evangile, le Christ, l’Esprit est le même mais cherché et prêché dans des langages différents.

Il en est de même pour cette question des images. Ce n’est pas que le protestantisme aurait oublié le visuel, car depuis le Décalogue, datant au moins du VIIIe siècle avant Jésus, il existait une école qui rendait Dieu dans un absolu manque de représentation. Il existait d’autres écoles, manifestement puisque dans le Temple de Jérusalem il y avait des statues d’anges. Cette alternative pédagogique existe donc depuis longtemps. Le Christ, en première analyse, n’utilisait pas les images dans sa pédagogie mais plutôt des actes et des paroles. Mais cela ne disqualifie pas pour autant une tradition utilisant une pédagogie par l’image. Chacun sa sensibilité.

Je ne pense pas non plus que le visuel ait plus de place aujourd’hui qu’à l’époque de Jésus ou de Moïse. Au contraire. Car bien plus de personnes sont aujourd’hui lettrées, l’imprimerie, d’abord, puis l’internet ont immensément développé l’écrit bien plus que l’image, étrangement.

Le protestantisme réformé est plutôt de la tradition de type Citeaux, et cherche donc à inviter à l’intériorité par l’absence d’images, par une réduction au maximum des gestes et sacrements, lieux saints et temps sacrés. Mais cela dit, le propre du protestantisme est de laisser libre chacun dans sa foi. Et si la pratique des icônes participe à l’éveil et l’évolution de la foi d’une personne en particulier c’est génial et cela ne fait pas d’elle une mauvaise protestante ! Bien au contraire, puisque c’est une pratique libre, sincère, délibérée de chercher à travailler sa propre foi. Par contre, ce qui serait choquant, et réellement contraire à l’esprit du protestantisme, à mon avis, serait pour un « bon protestant » de juger et critiquer cette personne pour sa pratique des icônes.

Par contre, ce qui est plus choquant pour bien des protestants, je pense, est le genre de concept qui a motivé le fait qu’une icône soit « glorifiée et canonisée par l’Église au XVIIème siècle pour avoir aidé les habitants devant les orages, les incendies, les feux de l’ennemi. » Car là il ne s’agit plus de pédagogies alternatives (comme pour Cluny et Citeaux), mais d’une théologie de la providence de Dieu qui est très étrangère à ce que pensent en général les protestants : avec une théologie centrée sur la grâce de Dieu, ce qui fait que Dieu n’a pas besoin de prière, ni d’intercession des saints, ni de rites, de prières, de sacrifices, de reliques, d’icônes… pour que lui, Dieu, se décide d’intervenir pour secourir son enfant.

Mais cela n’enlève rien à la qualité et l’intérêt potentiel des icônes pour votre foi, bien entendu. C’était la croyance de ces chrétiens orthodoxes du XVIIe siècle, voilà tout.

Avec mes amitiés
Dieu vous bénit et vous accompagne

Amitiés fraternelles

par : pasteur Marc Pernot

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