Quelques prières et méditations du « livre de Lézard »
Aimée Degallier-Martin (totem Lézard) a été éclaireuse à Genève au tout début du scoutisme (elle est née vers 1905), cheftaine dans les années 1920. Elle est auteure de trois livres de réflexions éthiques, de méditations et de prières très appréciées depuis des générations. De temps en temps, promis, je vous en mettrai d’autres (vous pouvez aussi m’en envoyer 🙂
Vous trouverez dans cette page :
- La Promesse
- Le bonheur
- Mourir
- Je vais prendre le temps
- Prière du soir
- Les deux joies
- La foi
- Etre vraie
- Répands la joie
- Adorer Dieu
- Etre soi-même une œuvre d’art
- Choisir la bonne direction et puis partir
- Arrête-toi un moment
- Partir le matin
- Laisse seulement cette petite lucarne ouverte sur le jardin du monde
- Simplicité
- La nuit.
- Tentation
- Solidarité
tirées des livres de Lézard
N’hésitez pas à proposer une prière qui vous a aidé à prier.
La Promesse
Devant un feu tranquille, viens faire ta Promesse.
Ce n’est pas difficile, ce n’est pas audacieux,
ce n’est pas présomptueux de promettre
qu’on veut faire tout son possible
pour servir Dieu, aider son prochain, obéir à la Loi.Ce n’est pas difficile parce que tu ne promets pas de ne jamais faillir,
tu ne promets pas de ne jamais désobéir, de ne jamais te tromper,
cela tu ne le pourrais pas, car tu n’es pas une sainte,
pas plus que moi, pas plus que nous.Tu promets seulement de faire tout ton possible… ce que tu peux,
comme tu peux, de ton mieux.Devant ce feu tranquille, viens faire ta Promesse.
La Promesse est une force,
une direction que tu donnes à ton effort.
Et l’effort te conduira d’effort en effort, à travers la vie,
jusqu’au but que tu t’es proposé.La Promesse est une force.
Quand tu l’auras faite, tu ne seras pas meilleure, tu seras plus forte.
Et s’il t’arrive un jour d’hésiter,
de ne pas très bien savoir si telle chose est faisable
ou si elle est de celles qui ne doivent pas se faire,
tu te souviendras qu’un soir, devant un feu tranquille,
à l’heure où les clartés se voilent,
où les bruits s’apaisent,
au milieu des camarades qui avaient le même idéal que toi,
tu as promis de servir Dieu, et tu n’hésiteras plus.
Tu sauras si la chose est faisable
ou si elle est de celles qui ne doivent pas se faire.La Promesse est une force.
Tu ne seras pas toujours aussi bien disposée qu’aujourd’hui.
Tu n’auras pas toujours cette joie débordante ou cette calme sérénité,
parce qu’il y a des tourments dans la vie,
de grandes lassitudes,
des chagrins d’enfants et des tristesses d’adultes,
de soudaines incertitudes.Alors, peut-être, par un triste matin d’une triste journée,
tu te diras : « A quoi bon tout cela ?… »
et puis tu te souviendras qu’un soir,
devant un feu tranquille,
à l’heure où les clartés se voilent,
où les bruits s’apaisent,
au milieu des camarades qui avaient le même idéal que toi,
tu as promis de servir Dieu. »
Le bonheur
Le bonheur n’est pas accroché à la lune,
Suspendu à quelque astre lointain,
Il n’est pas sur Jupiter, Mars ou Neptune,
Mais à portée de main.Le bonheur n’est pas au delà des mers,
Dans un monde céleste, merveilleux, incertain…
Il est sur notre propre terre,
A portée de main.Le bonheur n’est pas sur une île lointaine,
Quelque part sur l’Océan terrible :
Il est chez nous, dans la plaine,
Dans ta maison paisible.Le bonheur n’est pas dans un château grandiose,
Habité par des reines et des rois,
Il est dans ton jardin de roses,
Dans ta maison de bois.Le bonheur n’est pas dans une nuit vénitienne,
Faite de musique et d’amour,
Il est dans les choses quotidiennes,
Que tu retrouves chaque jour.Le bonheur n’est pas dans quelque grande ville,
Où l’on parle de richesses et de joie,
Il est dans ta chambre tranquille,
Tout près de toi.Le bonheur n’est pas dans les choses qu’on espère,
Et qu’on réclame du lendemain,
Il est dans celles qui nous entourent,
Et qui reposent entre nos mains.
Mourir
Penser à la mort.
Y penser simplement, à la fin de sa journée.
Elle n’est pas laide, elle n’est pas triste
grave seulement, entourée d’inconnu.
C’est la porte qui s’ouvre – un peu plus tôt pour les uns, un peu plus tard pour les autres sur le pays mystérieux, vers lequel nous allons tous.Pourquoi mourir? Pourquoi?
Personne ne peut répondre.
Personne ne sait ce qui suit la mort
Comme personne ne sait ce qui précède la naissance.
Devant le mystère de l’au-delà et de l’en-deçà de la vie, le plus intelligent et le moins intelligent sont égaux : muets, silencieux, tout petits.Il faut mourir.
La mort viendra pour toi et pour moi, demain ou après-demain, dans un mois ou dans une année…
La vie n’est pas longue, elle n’est pas éternelle, mais je l’aime telle qu’elle est, avec sa joie et sa souffrance, l’effort qu’elle exige et cette grave tristesse qui l’entoure.Penser à la mort.
Y penser simplement, à la fin de sa journée.
Elle n’est pas laide, elle n’est pas triste
grave seulement, entourée d’inconnu.
C’est la porte qui s’ouvre – un peu plus tôt pour les uns, un peu plus tard pour les autres sur le pays mystérieux, vers lequel nous allons tous.Mourir… s’en aller.
Es-tu prête ?
Es-tu assez forte pour supporter la plainte de ton corps ? l’angoisse de ta chair attachée à la vie ?
Es-tu assez forte pour t’en aller toute seule ?Si je devais mourir demain, il me semble, qu’en une vision rapide, je verrais autour de moi, tous ceux que j’ai fait souffrir, sans le vouloir il y a tant d’insouciance en nous, si peu de bonté. – Tous ceux que je n’ai pas pu aimer. Tous ceux que j’ai aimés sans jamais le leur montrer.
Cette richesse enfouie.
Cette joie perdue.
Ce bonheur qui aurait pu être et qui n’a pas été.
Et ce sera ma souffrance de la dernière heure, de sentir que je n’ai pas été ce que j’aurais pu être, ni fait ce que j’aurais pu faire.Pourquoi ne pas aimer ceux qu’on aime?
Pourquoi ne pas aimer aussi ceux qu’on n’aime pas? Pourquoi ne pas offrir tout ce qu’on a?
Jusqu’à l’épuisement du trésor,
Jusqu’au tarissement de la source ?
Pourquoi attendre?
Pourquoi compter, calculer, partager, réserver ?
Ne peut-on pas tout donner à tous, dans la mesure de ce que chacun réclame et si possible audelà?
Le jour viendra assez tôt où l’on ne pourra plus rien pour les autres, parce qu’ils seront partis… parce qu’on sera parti…
Je vais prendre le temps
Je vais prendre le temps de laisser poser mon regard sur les choses de tous les jours et les voir autrement, celles que chaque matin, je croise sans les voir.
Toutes les choses familières que je côtoie à longueur de jour, de mois, d’année…
Je vais prendre le temps de voir l’étrangeté des arbres, ceux de mon jardin, ceux du parc voisin, qui le crépuscule venu bruissent de mystère…
Je vais prendre le temps de poser mon regard sur les êtres que j’aime et de regarder autrement les miens, celles et ceux qui me sont les plus proches et que parfois je ne vois même plus, je n’entends même plus, tant le souci de mes affaires, de mon travail, parasitent mon cœur et mon corps…
Oui, je vais prendre le temps de les découvrir de me laisser surprendre encore et toujours par ceux que j’aime.
Oui, je vais prendre le temps de te rencontrer aussi, toi mon Dieu, au-delà des mots, des formules et des habitudes.
Oui, je vais aller à ta rencontre comme au désert et tu me surprendras, mon Dieu.
Oui, je vais prendre le temps de te rencontrer autrement.
Prière du soir
Merci de ce jour qui finit.
Merci de cette nuit qui vient.Mon Dieu,
Qu’elle berce le sommeil des hommes endormis
Qu’elle berce ceux que j’aime.
Qu’elle me berce moi-même,
Jusqu’à demain.Dans ce jour qui finit,
Tout n’a pas été beau ni bien fait, ni parfait.
Répare, si c’est possible, efface, change,
Et donne-nous la force de faire mieux demain.Dans ce jour qui finit,
Des hommes ont souffert.
Guéris, si c’est possible.
Diminue le mal ou le chagrin.
Fais que quelque chose vienne apaiser leur peine.
Fais que quelqu’un s’en aille les aider.
Et que cette nuit leur fasse du bien.Dans ce jour qui finit,
Nous n’avons pas été ce que nous aurions dû être.
Fais-nous meilleurs, mon Dieu, si c’est possible.
Moins durs envers les autres,
Plus doux, plus patients.
Fais-nous plus forts aussi, plus décidés,
plus exigeants pour nous-mêmes,
Plus vrais dans nos paroles,
Plus fidèles à nos promesses,
Plus actifs dans nos travaux,
Plus obéissants et plus soumis à ce qui est juste,
Plus rieurs aussi,
Et que demain soit plus beau qu’aujourd’hui, plus grand.Merci de ce jour qui finit.
Merci de cette nuit qui vient.
Qu’elle berce le sommeil des hommes endormis.
Qu’elle berce ceux que j’aime.
Qu’elle me berce moi-même,
Jusqu’à demain.
Les deux joies
Il y a la joie qui vient du dehors
Et il y a celle qui vient du dedans.
Je voudrais que les deux soient tiennes.
Qu’elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie.
Car lorsque les deux se rencontrent et s’unissent,
Il y a un tel chant d’allégresse que ni le chant de l’alouette
ni celui du rossignol ne peuvent s’y comparer.Mais si une seule devait t’appartenir,
si pour toi je devais choisir,
je choisirais la joie qui vient du dedans.Parce que la joie qui vient du dehors
est comme le soleil qui se lève le matin et qui, le soir, se couche.
Comme l’arc-en-ciel qui paraît et disparaît,
comme la chaleur de l’été qui vient et se retire.
Comme le vent qui souffle et passe.
Comme le feu qui brûle puis s’éteint…
Trop éphémère, trop fugitive…J’aime les joies du dehors.
Je n’en renie aucune.
Toutes, elles sont venues dans ma vie quand il le fallait…
Mais j’ai besoin de quelque chose qui dure,
de quelque chose qui n’a pas de fin, qui ne peut pas finir.
Et la joie du dedans ne peut pas finir.
Elle est comme une rivière tranquille, toujours la même, toujours présente.
Elle est comme le rocher,
comme le ciel et la terre qui ne peuvent ni changer ni passer.
Je la trouve aux heures de silence, aux heures d’abandon.
Son chant m’arrive au travers de ma tristesse et de ma fatigue.
Elle ne m’a jamais quitté.C’est Dieu – c’est le chant de Dieu en moi,
cette force tranquille qui dirige les mondes et qui conduit les hommes
et qui n’a pas de fin, qui ne peut pas finir.Il y a la joie qui vient du dedans
Et il y a celle qui vient du dehors.
Je voudrais que les deux soient tiennes.
Qu’elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie.
Mais si une seule devait t’appartenir,
si pour toi je devais choisir,
je choisirais la joie qui vient du dedans.
La foi
Je ne peux pas prier avec des mots,
mais chacun de mes désirs est une prière pour toi.Je ne peux pas confesser mes erreurs,
mais chacun de mes regrets est un aveu pour toi.Je ne peux pas joindre mes mains pour t’adorer, ni m’agenouiller,
mais chacune de mes joies est une adoration pour toi.Je ne peux pas t’offrir des sacrifices ni des privations,
mais chacun de mes actes est une offrande pour toi.Je ne peux pas te connaître,
mais je t’ai senti dans ce qu’il y a de meilleur dans le monde,
dans ce qu’il y a de plus beau,
et je t’ai choisi comme but de ma vie,
comme direction de mes efforts.Jour après jour, je chercherai à vivre mieux.
Permets seulement que ma volonté soit endurante
et que persévérant soit mon effort, jusqu’à la fin.
Etre vraie
Etre vraie,
Transparente comme l’eau du lac un jour de ciel bleu.
Etre forte,
Forte comme la roche que nul casseur de pierres ne peut briser.
Etre droite,
Droite comme le peuplier qui se dresse dans un champ.
Et simple,
Simple comme l’alouette qui n’a qu’un chant qu’elle porte au ciel dans un élan de joie.
Répands la joie
Répands la joie…
Répands la joie sur ton chemin, sur nos chemins.
Dis, ne veux-tu pas répandre la joie?
Oh ! oui, je le veux bien, mais d’où prendre la -joie ?
Je connais un pays; il se nomme la Loi.
Dans ce pays habitent la Vérité, la Volonté, l’intelligence, la Beauté, la Bonté et la Joie.
Commence par la Vérité.
Elle vogue sur un lac bleu, et la voile blanche de sa barque se détache sur un ciel bleu.
Attends patiemment; la Vérité ne se hâte pas toujours, mais elle vient toujours.
Lorsqu’elle t’aura vue et reconnue, elle te dira:
Sois vraie.
Que jamais un mensonge n’effleure tes lèvres, ni médisance, ni flatterie, ni inexactitude aucune.
Que ton oui, soit oui; que ton non, soit non; que ta promesse soit une promesse; ton témoignage, un témoignage; ton verdict, un verdict.
Obéis à cet ordre, et tu auras conquis ta première gerbe de joie.
Ensuite pars à la recherche de la Volonté.
Elle habite la forêt de chênes.
Elle est grande comme les chênes et forte comme les chênes.
Autour d’elle, tu verras toutes les énergies du monde ligotées par elle; bâillonnées par elle ; dominées par elle qui s’en sert.
A son service.
Ne crains pas sa rude apparence; elle est bonne ; elle te dira simplement:
Domine-toi.
Quand la colère te secoue, quand un mot va s’échapper de ta bouche, et souiller de son odeur infecte le sillon d’air qu’il parcourra, domine-toi.
Quand la colère te secoue, quand ton bras se lève pour frapper, quand ton pied tremble sur le sol, domine-toi.
Quand la folie te grise, quand le délire te pousse de sottise en sottise, domine-toi.
Quand la tristesse t’enveloppe de ses linges mouillés, quand tu veux pleurer, domine-toi.
Quand tu veux crier, domine-toi.
Obéis à cet ordre, et tu auras conquis la seconde gerbe de joie.
Puis prend le chemin de la roche dite la «Grise».
C’est là que rêve l’intelligence.
Son front est soucieux; son regard semble scruter l’Infini.
Elle est belle; elle est bonne aussi.
Ne crains pas de l’importuner; elle te dira doucement:
Comprends. Respecte.
C’est-à-dire regarde;
C’est-a-dire observe; sonde et fouille; tourne et retourne l’objet trouvé.
Médite la parole entendue.
Cherche à saisir ce quelque chose qui te semble étrange.
Cherche à l’assimiler, à le faire tien.
Si tu ne peux pas, reconnais modestement ton impuissance, et respecte au moins;
Ne condamne pas tout de suite;
Ne rejette pas tout de suite;
Ne te détourne pas tout de suite.
Obéis à cet ordre et tu auras conquis la troisième gerbe de joie.
Le chemin qui te reste à faire n’est point pénible: il conduit à la prairie verte, la radieuse, où vivent ensemble la Beauté et la Bonté.
Dans les hautes graminées, elles cheminent et les semences de pissenlit s’envolent à leur passage; et les bardanes s’accrochent à leurs robes et les pavots
s’effeuillent dans leurs cheveux flottants.
Elles chantent; et leur voix est pleine d’éclat et de douceur.
Assieds-toi.
Attends qu’elles approchent.
Elles se pencheront sur toi et tu n’entendras qu’un murmure:Recherche le beau.
Aide sans te lasser.
Obéis à cet ordre en apparence si simple et pourtant compliqué.
Il faut un effort pour toute chose: c’est une vérité vieille comme le monde.
Obéis à cet ordre, et tu auras conquis deux gerbes encore de joie.
Et riche de cette richesse, tu t’en iras enfin trouver la Joie sur le sommet lumineux.
Tu la verras, la rieuse gamine dansant dans un rayon de soleil.
Elle rira en te voyant chargée comme un baudet.
Elle te prendra par la main et te dira :
Maintenant va et répands la joie.
Que ton regard soit un regard de joie.
Que ton sourire soit un sourire de joie.
Que ta parole soit une parole de joie.
Que ton geste soit un geste de joie.
Inonde ceux qui t’entourent de joie; on en manque tellement dans le monde…
Ne crains pas d’en donner trop;
Ne crains pas d’en manquer surtout.
Obéis à cet ordre et tu auras ‘conquis la Joie même, rieuse gamine qui cheminera toujours à tes côtés.
Dis, ne veux-tu pas répandre la joie?
Oh ! oui, je le veux bien.
Adorer Dieu
«
Dieu est Esprit,et il faut que ceux qui ‘L’adorent,
L’adorent en esprit et en vérité
. »(Évangile selon Jean 4:24)
Je n’irai pas adorer mon Dieu dans telle ou telle chapelle, dans tel ou tel lieu saint…L’Eglise de Dieu sera mon église et Dieu seul me parlera de Dieu, dans Son Eglise.
Mais où est-elle, Son Eglise?
Elle est là où règne la bonté.
Elle est là où chante la beauté.
Elle est dans la nature; sous la verdure; à l’ombre des grands arbres; au soleil qui jaunit le blé, qui rougit les pommes, qui brunit les feuilles.
Elle est là où règne la justice.
Elle est là où chante la paix; au foyer paisible; près du feu qui s’éteint; près de la flamme qui s’élance.
Elle est au cimetière.
Elle est où l’on pleure; sous les saules pleureurs, les ifs et les cyprès.
Elle est là où règne la vérité.
Elle est là où chante la force joyeuse; l’action virile.
Elle se dresse en pleine lumière, immense.
Comment ne la vois-tu pas ?
Elle remplit le monde…
Elle est dans ton cœur.
Elle est dans mon cœur.
Elle est partout, et ses orgues puissantes résonnent dans l’espace, et ses cloches rieuses s’égrènent dans les airs; on les entend aux deux pôles comme ici
et comme là.Arrête-toi; écoute…
Dieu seul te parlera de Dieu dans Son Eglise.
J’irai dans l’Eglise de Dieu.
Quant au culte que je rendrai à mon Dieu, ce sera une prière; et puis un chant de joie.
Mais ma prière ne sera pas une suite de mots.
Pourquoi des mots? – Nos jours en sont si pleins.
Ma prière ne sera pas une succession de phrases.
Pourquoi des phrases ? – Nos jours en sont tout pleins.
Ma prière, ce sera toute ma vie
Et toute ma vie sera une prière dont chaque mot sera un acte, un effort vers le mieux.
Et si cela t’étonne.
Ne t’étonne plus.
Je ne donne pas le beau nom de prière au triste effort qui s’accomplit de mauvaise grâce et de mauvaise humeur, parce que les circonstances nous l’ont
imposé.Je donne le beau nom de prière à l’effort ailé, librement choisi, voulu et accompli;
A l’effort joyeux qui entraîne vers un quatrième effort, et d’effort en effort à l’infini.
Mon culte sera une prière et ma prière, ce sera toute ma vie, et ma vie sera un effort.
Effort vers la beauté.
Oh! beauté, que ton règne vienne.
Effort vers la bonté.
Oh! bonté, que ton règne vienne.
Effort vers la joie.
Oh ! joie, que ton règne vienne.
Effort vers l’intelligence et la compréhension; la justice et la vérité.
Un grand effort…
Ne parle pas.
je connais tes objections.
Je sais ce que tu vas dire.
Ces efforts, tu les as faits.
Tu les as faits dix fois; tu les as faits cent fois.
Tu les as faits bien plus de cent fois ; et toujours en vain.
Car la beauté est restée lointaine.
La bonté tu ne l’as pas atteinte.
Et la joie tu ne l’as pas trouvée.
Maintenant tu es lasse, lasse, lasse et fatiguée…
Tu ne veux plus faire d’efforts.
Et pourtant il faut que tu recommences.
Qu’importe si les premiers efforts ont échoué.
Qu’importe si les seconds sont destinés encore à échouer.
N’y a-t-il pas déjà de la beauté dans l’effort vers la beauté?
N’y a-t-il pas déjà de la bonté, dans l’effort vers la bonté?
N’y a-t-il pas déjà de la justice, dans l’effort vers la justice?
Et surtout, surtout, n’y a-t-il pas déjà de la joie dans tout effort quel qu’il soit?
Tu es lasse, lasse, lasse et fatiguée…
Tu ne veux plus faire d’efforts.
Il faut pourtant que tu recommences…
Mais repose-toi d’abord.
Pourquoi as-tu tant couru?
Pourquoi ne t’es-tu jamais arrêtée?
Regarde: pourquoi y a-t-il des champs au bord de la route, si ce n’est pour s’y asseoir?
Pourquoi y a-t-il de l’ombre, si ce n’est pour s’y coucher?
Tu as été trop orgueilleuse.
Tu as été trop ambitieuse.
Tu as eu trop d’amour-propre.
Tu as voulu tout faire toi-même; tu as toujours voulu tout faire toi-même, sans jamais accepter l’aide de personne.
Et ,quand la vie même t’offrait un repos;
Et quand la nature t’invitait au repos;
Et quand les circonstances de ta vie te permettaient un repos, tu ne l’as pas accepté.
Pourquoi ne l’as-tu pas accepté?
L’essentiel, ce n’est pas que nous fassions toute chose.
L’essentiel, c’est que toute chose se fasse.
Il y a du foin à rentrer.
L’essentiel, ce n’est pas que tu rentres le foin.
L’essentiel, c’est que le foin soit rentré.
Ou crois-tu être la seule à savoir rentrer le foin ?
Il y a une maison à construire.
L’essentiel, ce n’est pas que tu construises la maison.
L’essentiel, c’est que la maison se construise.
Ou crois-tu être seule à savoir construire une maison?
Il y a un malade à soigner ?
L’essentiel, ce n’est pas que tu guérisses le malade.
L’essentiel c’est que le malade soit guéri.
Ou crois-tu être seule à savoir soigner?
Ah! s’il n’est personne pour rentrer le foin, tu le rentrera et même si tu tombes de fatigue.
S’il n’est personne pour construire la maison, tu la construiras, et même si tu tombes de fatigue.
S’il n’est personne pour guérir le malade, tu le soigneras et même si tu tombes de fatigue.
Mais de nombreux candidats se présentent, forts et joyeux, pourquoi par amour-propre leur refuser la joie du travail, de l’aide et du service?
Tu es lasse, lasse, lasse et fatiguée…
Tu ne peux plus faire d’efforts.
Il faut pourtant que tu recommences, mais repose-toi d’abord.
Dépose ton orgueil, source de ta fatigue, et puis recommence, et dis avec moi :
Mon culte sera une prière et ma prière, ce sera toute vie, et toute ma vie sera un effort et puis un chant de joie.
Un chant de joie.
Chaque matin. je sens la vie renouvelée en moi et je ne peux faire autrement que de chanter ma joie, de pouvoir vivre encore.
Car la vie, ce n’est pas une chemise de crin, un cilice, une haire impitoyable qui nous déchire la chair.
Et le monde, ce n’est pas une vallée de larmes seulement.
La vie est un privilège et le monde est divin.
Ne parle pas.
Je connais tes objections.
Je sais ce que tu vas dire .
La souffrance…
La souffrance physique et la souffrance morale.
La fatigue…
La fatigue physique et la fatigue morale.
La saleté…
La saleté physique et la saleté morale.
La tristesse, la misère et la maladie.
Oui, tout cela existe, je le sais bien.
La vigne vierge ne recouvre pas toutes les maisons et les giroflées ne fleurissent pas devant toutes les portes.
Et pourtant la vie est un privilège et le monde est divin.
Sors de ta chambre étroite.
Sors de ta maison étroite.
Sors de ta ville étroite et arrête-toi dans les champs.
Les champs silencieux aux larges espaces.
Ecoute… Regarde…
Les forces mystérieuses travaillent dans le silence et la beauté.
Dieu se révèle dans le silence et la beauté.
Reste en contact avec la nature, et tu seras en contact avec Dieu.
Reste en contact avec l’univers tout entier: et j’entends par univers toute créature vivante que ce soit un brin d’herbe, une fleur, un animal ou l’homme;
et tu seras en contact avec Dieu.Car le monde, c’est l’Eglise de Dieu, et Dieu parle dans son Eglise.
J’irai dans l’Eglise de Dieu.
Je resterai dans l’Eglise de Dieu!
Et le culte que je rendrai à mon Dieu, ce sera une prière, et ma prière, ce sera toute ma vie, et ma vie sera un effort.
Effort vers la beauté.
Oh ! beauté, que ton règne vienne !
Effort vers la bonté.
Oh! bonté, que ton règne vienne !
Effort vers l’intelligence et la compréhension, la justice et la vérité.
Un grand effort, et puis un chant de joie.
Je puis me tromper.
Offrir à Dieu son effort et sa joie, ce n’est peut-être pas encore l’adorer en esprit et en vérité; mais qui peut nous dire ce que signifie « adorer Dieu en esprit et ·en vérité. » (Jean 4:24)
J’adore Dieu, comme je peux et comme je crois.
Adorons Dieu comme nous pouvons et comme nous croyons et Dieu sera adoré en esprit et en vérité.
Etre soi-même une œuvre d’art
« Etre soi-même une œuvre d’art. »
Tu as lu ces mots, l’autre soir, sur le toit, et maintenant ils me poursuivent.
Etre soi-même une œuvre d’art… quelque chose qui se dresse et s’impose par la pureté de sa forme et la vérité de son fond.
Quelque chose qui conserve sa valeur propre même quand on le jette au fumier ou qu’on l’éclabousse de sa boue.
Quelque chose qui ne change plus.
Quelque chose d’achevé.
Je voudrais être une œuvre d’art.
Quelque chose qui élève comme le son des cloches.
Quelque chose qui apaise comme le ciel plein d’étoiles.
Quelque chose qui réchauffe comme le soleil.
Quelque chose qui réjouisse comme la fleur des champs
ou la petite bête vivante. –
Je voudrais être une œuvre d’art.
Mais dis-moi quelle sera la main qui travaillera mort argile et quelle sera la force qui remaniera ma terre ?
Etre soi-même une œuvre d’art…
Choisir la bonne direction et puis partir
Choisir la bonne direction et puis partir.
Suivre la rivière jusqu’à sa source;
Sauter par dessus les racines des aulnes ;
Glisser par dessus les branches des saules.
Ecarter les ronces ‘qui s’accrochent aux vêtements,
Et l’églantier qui frappe au visage.
Suivre la rivière, remonter son cours;
Sauter de pierre en pierre ;
Laisser l’eau pénétrer dans ses souliers ;
Baigner dans l’eau fraîche ses pieds chauds.
Retrousser les jupes ;
Inonder les bras et les jambes ;
Et puis continuer sa course le long de la rivière jusqu’à sa source.
S’asseoir sur un tronc au milieu du lit;
Poser son sac sur .ses genoux et rester là, immobile, pendant que le martin-pêcheur passe comme une flèche bleue; pendant que les hydromètres filent sur
l’eau claire comme de longues araignées à quatre pattes.Manger son pain et son chocolat pendant que l’écureuil grignote ses bourgeons et pendant que le pic-vert frappe sur l’écorce.
Ecouter les bruits de la vie, dans ce coin perdu où les hommes s’arrêtent à peine;
vie de la cantharide qui se balance sur le pâturin ;
vie de la grenouille qui se berce sur les feuilles lisses du populage;
vie des iules qui dorment enroulés .sous les pierres et des vers qui se traînent sur le sol ;
vie des tritons, des oiseaux, des punaises, des lézards ;
vie de ces tout petits qui dansent et qui sautent, qui volent
et qui grouillent, qui naissent et qui meurent comme nous… comme nous.
Vies inconnues qui s’écoulent là, enveloppées du souffle chaud de l’été et du parfum des fleurs qui éclosent.
Ecouter, sentir, regarder, et puis reprendre encore la course, le long de la rivière, jusqu’à sa source.
Comme c’est Iong.
Comme c’est dur parfois!
A mesure que le lit devient plus étroit, les plantes sont plus nombreuses, plus serrées, et les pierres sont plus pointues.
On s’écorche le bras.
On se tord le pied.
Ça ne fait rien.
Amoureuses de l’effort et de la nature inculte nous irons jusqu’au bout; nous remonterons la rivière jusqu’à sa source…
Jusqu’à sa source.
Arrête-toi un moment
Arrête-toi un moment et viens t’asseoir ici.
Regarde la ligne tranquille de la campagne qui s’étend devant toi.
Repose-toi.
Dis, ne veux-tu pas te reposer?
Comme tu as travaillé aujourd’hui et comme tu t’es dépêchée!
Je t’ai vue aller et venir le balai à la main.
Tu as enlevé toutes les toiles d’araignées de la maison et toute la poussière.
Tu as lavé les vitres des fenêtres et les carreaux de la cuisine.
Et tu t’es tellement dépêchée; parce que tu voulais encore faire briller les marmites et les casseroles.
C’était trop!
Pourquoi mettre tant de choses dans une seule journée?
N’y a-t-il pas demain ?
Le soir est venu.
Le soleil s’est couché dans un ciel d’or; mais tu ne l’as pas vu.
Tu n’as rien vu.
Tes occupations t’absorbaient trop à l’intérieur de ta maison.
Maintenant que tu es lasse et que l’heure du repos est venue, sors de tes chambres étroites, et viens t’asseoir ici, près du buisson fleuri, devant ce
grand espace tranquille, seule, en face de la nuit qui tombe.Dis, ne veux-tu pas venir?
L’ordre et la propreté sont nécessaires.
Tu n’as .pas perdu ta journée.
Ce que tu as fait, tu l’as très bien fait.
Mais n’oublie pas, n’oublie pas, je t’en prie, que l’homme ne peut pas vivre d’ordre seulement et de propreté.
A ton âme qui a soif de beauté, accorde une heure d’harmonie.
A ton intelligence qui a soif de connaître, accorde une heure d’étude.
A ton cœur qui a soif d’aimer, accorde une heure d’amour.
A ta conscience qui a soif de Dieu, accorde une heure de silence.
Partir le matin
Partir le matin sans avoir prévu le départ.
Mettre dans son sac ce qui se trouve dans l’armoire de la cuisine ; un bout de pain, un morceau de fromage.
Et puis s’en aller, au hasard, sans rien demander au jour qui s’éveille et qui vient à nous avec sa richesse inconnue.
S’en aller au hasard… .
Laisser les oiseaux voltiger devant soi; ne pas effrayer le merle qui chante sur la haie; ne pas arracher l’aubépine qui nourrit les abeilles; ne pas
écraser la chenille qui rampe sur le sol.S’en aller au hasard, seul et silencieux à travers les vignes dont la terre lourde s’attache aux souliers; à travers les champs mouillés où la vanesse
précoce cherche les premières fleurs ; le long des lisières du bois où, sous les feuilles mortes de l’an dernier, glisse l’orvet et sommeille le crapaud.S’en aller au hasard sans avoir rien prévu.
Vaincre d’un bond l’obstacle de la route.
Dans un élan de joie, bondir par dessus la pierre.
Prendre pour refuge l’arbre qui se présente et pour siège, la borne du chemin.
Ne pas craindre la pluie qui ruisselle et que le vent souffle sur nos visages.
Ne pas craindre les grêlons qui tombent avec un bruit de perles sur la route dure et sur les feuilles.
Ne pas avoir peur du froid qui fait mal aux mains, ni du chaud qui rend si lourdes et si tristes les plantes assoiffées.
Etre plus fort que la souffrance,
Plus fort que la pauvreté,
Généreux comme un pommier couvert de fruits.
Apaisant comme un champ de blé mûr.
Se tenir parmi les hommes, comme l’église au milieu du village.
Chanter son chant à travers le monde comme la cloche du clocher.
S’en aller au hasard, sans rien demander à la vie, si ce n’est sa beauté et son lent écoulement.
S’en aller au hasard… sans rien demander.
Mais accepter, heureux l’offrande de l’heure qui passe, heureux, heureux, le don du jour.
Laisse seulement cette petite lucarne ouverte sur le jardin du monde
Je ne te demande rien.
Ferme toutes les portes si tu veux, et toutes les fenêtres.
Laisse seulement cette petite lucarne ouverte sur le jardin du monde, afin que je puisse le contempler, et que le parfum de ses fleurs puisse arriver
jusqu’à la chambre étroite que tu m’as destinée.Je ne te demande rien, si ce n’est cette petite lucarne ouverte sur le jardin du monde.
Simplicité
« Que je fasse seulement de ma vie une chose simple et droite, semblable à une flûte de roseau, que tu puisses emplir de musique. » Tagore.
Faire de sa vie une chose simple et droite.
Etre soi-même simple et droit.
Je ne veux pas faire de culte, ce matin.
Le plus beau culte que nous puissions offrir à Dieu, c’est notre joie, et puis ce grand effort qui nous pousse, jour après jour, à vivre mieux.
Montez vers les sapins; et lorsque vous serez seules et tranquilles, offrez à Dieu l’adoration qui chante en vous et la joie bondissante qui rend vos jours
légers. ·Le plus beau culte que nous puissions offrir à Dieu, c’est notre joie, et puis ce grand effort qui nous pousse, jour après jour, à vivre mieux.
Mais puisque nous sommes ensemble et puisque c’est dimanche, oublions un instant ce que nous avons à faire, tous nos travaux et tous nos jeux, et pensons à
notre vie.Cette vie que nous avons reçue, dont une partie est déjà vécue, dont une autre nous reste à vivre encore, et qui s’écoule, heure après heure, si doucement,
que parfois nous oublions qu’elle doit finir.Ta vie …
Dis-moi, que veux-tu faire de ta vie?
Le poète répond: « Que je fasse seulement de ma vie une chose simple et droite, semblable à une flûte de roseau que tu puisses emplir de musique. »
Faire de sa vie une chose simple et droite.
Etre soi-même simple et droit.
Simple, comme les fleurs des champs et comme les herbes.
Elles poussent les unes à côté des autres. Leurs corolles et leurs tiges se confondent, mais elles ne changent pas de type, ni de couleur, ni de parfum: le
trèfle rouge reste rouge; et la sauge bleue reste bleue; et le barbadian jaune reste jaune; et les petits cœurs de brises tremblent toujours, tandis que
les avoines plus ,hautes s’inclinent; tandis que les dactyles, plus fermes se dressent.Et depuis le jour où elles sont sorties de graine et de terre, jusqu’au jour où elles s’effeuillent et se fanent, les fleurs et les herbes restent fidèles
à elles-mêmes, au type qu’elles ont reçu.Et si vous les cueillez, ou si quelqu’un d’autre passe pour les prendre, c’est toujours la même chose. Les fleurs ne changent pas, ni les herbes. Elles
offrent leurs corolles épanouies à la main sale qui se tend pour les prendre, et à la main propre. Elles gardent la même couleur et le même parfum devant
un pauvre et devant un riche; devant un enfant et devant un adulte.Les fleurs ne changent pas; ni les herbes.
Elles sont ce qu’elles sont: trèfle rouge ou scabieuse mauve; sainfoin rose ou genêt jaune; clochette bleue ou marguerite blanche.
Et vous aussi soyez simples connue les fleurs des champs et comme les herbes.
Restez fidèles à vous-mêmes.
N’ayez qu’une couleur à travers la vie; un seul et même parfum.
Ne changez pas chaque jour.
Ne soyez pas rouges dans votre famille; bleues avec vos amis et jaunes à votre travail.
Soyez simples… .
Toujours la même chose; partout la même chose.
Ne venez pas à moi, souriantes et gracieuses si une heure auparavant vous avez été détestables avec quelqu’un d’autre.
Ne soyez pas actives et travailleuses ici, au camp, et puis, molles et paresseuses chez vous, à la maison.
Ne soyez pas bonnes avec les uns; mauvaises, avec les autres. Polies, ici – grossières, là. Douces aujourd’hui et violentes demain. Propres le dimanche –
et sales les autres jours.Regardez les fleurs des champs.
Elles n’ont qu’une couleur à travers toute leur vie ; un seul et même parfum.
Soyez simples.
Toujours la même chose ; partout la même chose.
Qu’on ne vous rencontre par un jour avec deux tresses, une petite robe et des sandales, et le lendemain, avec une coiffure compliquée, des frisons et des
frisottons; des souliers à hauts talons et une robe étrangement serrée.Soyez simples.
N’ayez pas deux vies.
Ce que tu ne peux faire devant tes camarades et devant tes chefs, il ne faut pas non plus que tu le fasses derrière leur dos.
Et ce que tu ne peux dire à haute voix, il ne faut pas non plus le chuchoter en cachette.
Soyez simples.
Ne soyez pas doubles.
Ne changez pas selon le lieu où vous vous trouvez et suivant les personnes avec lesquelles vous êtes.
Regardez les fleurs des champs et les herbes.
Qu’elles soient seules ou qu’elles soient plusieurs, qu’on les regarde ou qu’on ne les regarde pas, c’est toujours la même chose.
Elles n’ont qu’une couleur à travers toute la vie; un seul et même parfum.
Etre toujours la même chose, et faire de sa vie une chose simple et droite semblable à une flûte de roseau où passent les sons les plus doux et les notes
les plus graves.Il n’y a là, ni contours, ni détours, ni secrets: rien qu’une ligne droite et le souffle qui passe…
« Que seulement je fasse de ma vie, une chose simple et droite, semblable à une flûte de roseau que tu puisses emplir de musique. »
La nuit
S’asseoir dans l’herbe; tout simplement s’asseoir.
Laisser la nuit chanter en nous.
Aspirer la fraîcheur de l’heure tardive.
Sonder l’obscurité ‘qui enveloppe les choses.
Ne rien voir.
Entendre seulement le cri du grillon; la longue stridulation des sauterelles; et puis, au loin, un rossignol qui chante.
Tout est tranquille.
S’étendre dans l’herbe; tout simplement s’étendre.
Laisser la sérénité de la nuit pénétrer jusqu’à l’obscure inquiétude de notre âme.
Laisser le repos s’emparer de notre corps fatigué.
S’abandonner au sommeil dans un coin perdu, entre le ciel étoilé et le sol odorant.
S’abandonner.
S’endormir dans l’herbe; tout simplement s’endormir.
Laisser les heures d’inconscience reposer nos âmes et nos corps.
Laisser la fraîcheur et l’obscurité caresser nos membres chauds.
Laisser l’oubli emporter nos pensées.
Laisser tout s’achever.
S’endormir…
Il faut cela. .
Il faut cela à l’homme afin que le matin le trouve debout, fort et souriant en face du travail de la journée nouvelle.
Fort et souriant en face de ce monde matinal, si pur, qui vient à lui; et qui s’offre à lui si ‘simplement, dans sa beauté tranquille.
Fort et souriant.
Oh ! vie, je t’aime.
Telle que tu es, je t’aime.
Et j’accepte de te vivre jusqu’au bout.
Telle que tu es, j’accepte.
Tentation
Quand j’étais petite, je m’arrêtais devant la porte de l’armoire, et je me demandais si je prendrais ou si je ne prendrais pas un morceau de sucre. .
Maintenant je ne m’arrête plus devant la porte de l’armoire pour savoir si je prendrai ou si je ne prendrai pas un morceau de sucre.
Mais il est d’autres armoires devant la porte desquelles je m’arrête, et devant la porte fermée desquelles j’hésite…
La tentation… c’est un désir qui nous vient, faible ou fort, et qui nous invite à faire ce ‘que l’intelligence et la conscience ne nous permettent pas de
faire ; à aller là, où l’intelligence et la conscience ne nous permettent pas d’aller; à prendre, ce que .l’intelligence et la conscience ne nous
permettent pas de prendre. .La tentation vient parfois comme une brise légère qui nous flatte et qui nous caresse.
Elle vient parfois comme un coup de bise glaciale qui nous détruit.
Elle vient chez le petit enfant comme elle vient chez l’homme adulte, comme elle vient chez le vieillard. Elle est venue chez les meilleurs parmi les
hommes, les plus sages et les plus intelligents.Elle est venue chez toi.
Elle est venue chez moi.
Si souvent, elle est venue chez toi et chez moi.
La tentation: un mauvais désir.
Apprendre depuis tout petit à être plus fort que ce désir; à le repousser de toute la violence de son énergie ; à fermer les deux yeux pour ne pas le voir
; et les deux oreilles pour ne pas l’entendre.Savoir se dominer; être maître de son corps, de son cœur, de sa souffrance et de sa joie; de son émotion et de son désir.
Savoir se dominer: quand on a soif, passer sans boire devant une fontaine qui coule.
Quand on a faim, ne pas sortir son pain du sac, avant l’heure du repas.
Quand on est fatigué. ne pas s’asseoir au bord du chemin, mais marcher encore, avec les autres, jusqu’au lieu de la halte.
Se lever tôt le matin, quand on voudrait rester tard au lit.
Se coucher tôt le soir, quand on voudrait veiller jusqu’à minuit.
Rester dehors dans la neige et la bise, alors même que les pieds et les mains ont froid.
Traverser seul le pâturage pendant que la pluie ruisselle et que le tonnerre roule d’un bout à l’autre de l’horizon.
Rester seul devant la tente, alors que l’obscurité descend.
Ne pas avoir peur de la chouette qui crie ; ni de l’araignée qui monte le long de la jupe; ni de la punaise qui tombe dans la soupe ; ni de la guêpe qui
bourdonne autour de la tartine.Ne pas avoir peur : ni de la souris qui traverse la chambre comme une petite boule grise; ni du chien qui bondit hors de sa niche; ni de la vache qui
s’approche en baissant la tête; ni de cette ombre incertaine qui semble se mouvoir entre les arbres.Ne pas avoir peur; ni d’aujourd’hui ni de demain.
Ne pas avoir peur.
Savoir se dominer : penser aux autres quand on voudrait penser à soi.
Prendre une poignée de cerises dans le plat qui circule en songeant que vingt camarades doivent encore se servir.
Tendre son assiette, quand toutes les assiettes ont déjà été remplies.
Faire un jeu, parce que les autres ont envie de le faire.
Aller chercher de l’eau, parce qu’il en est une qui a soif.
Allumer un feu, parce ‘que quelques-unes ont froid.
Essuyer la vaisselle, nettoyer les marmites, coudre sa blouse, couper du bois, faire un tas de choses qu’on voudrait ne pas faire afin d’être plus fort que
sa paresse, sa négligence, sa gourmandise, sa sottise et son désir.Il nous vient alors de cette rude discipline, à travers les mois et les années, comme une armure, un vêtement d’airain contre lequel la tentation vient se
briser.Domine-toi.
Et puis recherche le beau.
Aimer ce qui est beau, ce qui est simple et pur.
S’entourer de ce qui est beau, de ce qui est simple et pur.
Vivre au milieu de ce qui est beau, de ce qui est simple et pur.
Vivre au milieu de ce qui est beau, de ce qui est simple et pur, c’est construire un mur de vieille roche contre lequel la tentation viendra se briser.
« La morale, c’est l’art transporté dans sa vie. »
Un homme moral, c’est un artiste, un génie peut-être qui fera de sa vie une œuvre d’art; comme les grands hommes et les saints ont fait de leurs vies des
chefs-d’œuvre que nous étudions et que nous contemplons.Faire de sa vie une œuvre d’art, c’est introduire dans sa vie la loi morale.
Introduire dans sa vie la loi morale, c’est encore construire un mur de vieille roche, contre lequel la tentation viendra se briser.
Domine-toi.
Recherche le beau.
Solidarité
La solidarité c’est la pensée et puis l’action qui s’en vont d’un homme à un autre homme, et qui les unissent tous par le besoin qu’ils sentent les uns des
autres; par la responsabilité qu’ils ont les uns des autres et par la force qui leur vient lorsque tous ensemble, ils travaillent à une même chose.Tu étais seule dans ton jardin et tu cueillais les haricots qui avaient mûri le long des échalas.
Tu cueillais, tu cueillais, mais il en restait toujours.
Si seulement les moineaux étaient descendus du cerisier pour venir à ton aide, combien plus vite le travail se fût achevé! Mais tu étais seule.
C’était un jour de fête.
Le repas de fête était terminé.
Toute la famille: parents, enfants, amis s’en étaient allés s’asseoir à l’ombre des noyers, sur l’herbe courte et fraîche.
Tu étais seule dans ta cuisine; l’air chaud était encore imprégné des senteurs de la cuisson.
Il y avait là des piles « d’assiettes, des fourchettes, des cuillères, des couteaux, et puis, les marmites dont on s’était servi : tout un monde de la gente
vaisselle, et qu’il fallait laver.
Tu lavais, tu lavais, mais il en restait toujours !Si seulement un camarade avait quitté le jardin pour venir à ton aide, combien plus vite le travail se fût achevé!
Mais tu étais seule.
Ne pas permettre qu’un seul fasse tout.
Ne jamais permettre qu’un seul fasse tout; qu’un’ seul ait le souci, la responsabilité de tout.
Résolument se lever et demander sa part de fatigue.
Partager.
Etre tout seul devant un long et dur travail, cela est si décevant. .
Oui, certes, le travail sera fait, puisqu’il le faut; mais quand sera-t-il fait?
Etre seule devant un long et dur travail, cela est si décevant.
S’unir.
Etre vingt au lieu d’un.
Avoir quarante mains au lieu de deux.
Vingt cerveaux au lieu d’un seul, pour réfléchir et penser.
S’unir.
Se mettre tous ensemble pour accomplir un même travail; pour défendre une même idée; pour poursuivre un même but; pour vivre une même vie.
Seule, que peux-tu faire, dis-moi, toute seule?
Rien ou presque rien.
Tu ne sais pas même préparer le pain que tu manges; ni faire les souliers qui te chaussent . Et la nuit, quand tu allumes une allumette pour éclairer
l’obscurité de ta chambre, songes-tu que cette petite allumette a passé dans bien des mains d’hommes avant d’être arrivée dans la tienne?Seule, que peux-tu faire, dis-moi, toute seule?
Rien ou presque rien.
Mais appelle tes compagnons; fais-leur part de ton projet ; demande-leurs ce qu’ils pensent et ce qu’ils peuvent ; partage le travail selon les capacités
de chacun; et tous ensemble, construisez le château de vos rêves qui ne sera jamais construit si tu attends le jour de le construire toute seule.Regarde les abeilles : elles se mettent des centaines pour habiter une même ruche.
Seule, une abeille ne parviendrait jamais à faire le miel, parce qu’elle ne peut pas faire tous les métiers à la fois.
Toutes les abeilles ne savent pas fabriquer la cire, mais celles qui le savent, construisent les cellules qui composent le rayon.
Toutes les abeilles ne savent pas butiner ; mais celles qui le savent, s’envolent dans les champs pour récolter le suc des fleurs.
Toutes les abeilles ne savent pas élever les petits; mais celles qui le savent, demeurent dans la ruche et deviennent nourrices.
Toutes les abeilles ne savent pas préparer le repas de la reine; mais celles qui le savent, préparent ce repas spécial et deviennent servantes.
Toutes les abeilles ne savent pas être reine; mais celle qui le sait, devient reine, mère de la ruche, celle qui perpétue la race.
Regarde les fourmis : elles se mettent des centaines pour construire une fourmilière. Mille et mille ont apporté leur paillette de bois, leur aiguille de
sapin, leur grain de terre.Maintenant la fourmilière s’élève solide contre le tronc d’un arbre.
Rien ne bouge.
Il semble que tout repose, et pourtant, à l’intérieur, le travail se poursuit: dans les galeries, telle fourmi s’occupe des larves ; telle autre des
pucerons ; telle autre, des provisions d’hiver ; telle autre, des cultures de champignons.Il en est de même pour les hommes ; ils ne font pas tous la même chose, mais ils font tous quelque chose.
Il y en a qui cassent des pierres et qui maçonnent des murs.
Il y en a qui sèment le blé et qui récoltent le fruit.
Il y en a qui pétrissent le pain, et d’autres qui sortent le charbon de la. terre.
Il y en a qui étudient et qui enseignent.
D’autres qui soignent et qui guérissent.
D’autres qui chantent.
D’autres qui prient.
D’autres qui parlent.
Il en est qui peignent et qui sculptent.
Il en est qui coupent et qui taillent.
Il en et qui brodent et qui tissent.
Il en est qui pensent.
Il en est qui cherchent.
Il en est des mille et des mille et tu ne peux te passer d’un seul, parce que tu as besoin de tous les hommes qui existent ou qui ont existé, et qui, à
travers les siècles, ont conçu, fabriqué ou forgé tout ce que tu as ; tout ce que tu aimes ; tout ce dont tu as besoin.Et voilà pourquoi, si la Solidarité passait en ce moment dans ce lieu, elle te dirait :
« Eclaireuse, ne travaille pas seulement pour toi, mais pour ton groupe; pas seulement pour ton groupe, mais pour ta section; pas seulement pour ta
section, mais pour toutes les sections, pour toutes les éclaireuses du monde; pas seulement pour toutes les éclaireuses du monde, mais pour tout le
monde… afin de t’acquitter un peu de la dette que tu as contractée envers les hommes connus ou inconnus qui, sans que tu le veuilles et sans que tu le
saches, travaillent pour toi, jour après jour, parfois si durement.– Travailler pour tout le monde, comment fait-on cela? Je n’ai ni intelligence, ni talent, ni habileté aucune; que puis-je faire pour les hommes? moi qui
ne sais rien!– Tu ne sais rien? Qui te l’a dit?
Ne sais-tu pas respecter la propriété d’autrui?
Quand tu vois un pommier couvert de pommes, et qui ne
t’appartient pas, ne laisses-tu pas les pommes sur le pommier?
Et quand tu vois un rosier couvert de roses, et qui ne t’appartient pas, ne laisses-tu pas les roses sur le rosier?
Adam seul, dans le jardin du Paradis, avant que Dieu eût créé Eve, avait le droit de prendre tous les fruits de tous les arbres; toutes les fleurs de tous
les champs; tous les oiseaux, tous les animaux, les grands et les petits, parce qu’il était seul sur terre, et parce que toute la terre lui appartenait.Maintenant, il y a des milliers et des milliers d’hommes entre lesquels il faut partager les choses de la terre, et on ne doit pas prendre ce qui ne nous
appartient pas.En respectant la propriété d’autrui, tu travailles à maintenir l’ordre et la bienveillance parmi les hommes et tu es solidaire des hommes.
N’as-tu pas des égards pour autrui?
Ne sais-tu pas être polie et respectueuse ?
Ne sais-tu pas te conduire en honnête femme?
Adam seul, dans le jardin du Paradis, avant que Dieu eût créé Eve, aurait pu faire toutes les folies qui lui passaient par la tête; il aurait pu parcourir
de nuit les chemins de la terre déserte, et chanter les chansons les plus tapageuses. Cela n’eût dérangé personne; les feuilles des arbres se seraient
peut-être étonnées, et les étoiles du Ciel ; mais aucun petit enfant n’eût été réveillé, aucun malade ne se fût effrayé puisqu’Adam était seul.Mais maintenant, il y a des milliers et des milliers d’hommes et qui vivent très près les uns des autres; nos maisons se touchent, et d’appartement à
appartement, nous entendons ce qui se passe chez nos voisins, et le bruit du dehors nous arrive par les fenêtres.La nuit a été faite pour le repos; respectons le repos de la nuit; soyons silencieuses comme elle.
Nous ne devons pas faire toutes les folies qui nous passent par la tête à cause des autres ; par égard pour les autres ; par respect pour les autres ; et
parce que nous sommes solidaires les uns des autres.Partager…
Ne sais-tu pas partager? donner aux autres un peu de ce que tu possèdes?
Trouves-tu qu’il est juste que quelques-uns aient tout et d’autres rien?
Quand tu rentres à midi de ton travail, tu trouves ton repas, si simple soit-il. Le soir, lorsque tu es fatiguée, tu peux te coucher sur un lit, si petit
soit-il; et, pour sortir, tu as une robe, un manteau, des souliers.Eh bien! aujourd’hui, il y a, dans des pays qui ne sont pas très éloignés du nôtre, des enfants de ton âge et d’autres plus petits, qui n’ont pas de
nourriture, qui n’ont pas de vêtements et qui n’ont pas de lit.Etre solidaire, c’est ne pas permettre qu’il y ait quelqu’un qui n’ait rien du tout.
Etre solidaire, c’est penser aux autres; c’est donner, partager, aider.
Et si tu trouves encore que tu ne peux rien faire pour le monde, parce que tu n’es ni un homme de science, ni un homme de lettres, ni un artiste génial, ni
aucune espèce de grand homme, je te dirai ceci:Tu es une femme.
Un jour, tu seras mère; et tu auras un petit enfant qui sera tien, et qui te ressemblera parce que la nature veut que les enfants ressemblent à leurs
parents.Veux-tu donner au monde un enfant comme toi ?
Non. – Alors fais de toi ce que tu voudrais que ton enfant soit.
Forme ton caractère et façonne ton âme; tu ne peux mieux travailler pour le monde afin de t’acquitter un peu de la dette que tu as contractée envers les
hommes connus ou inconnus, qui, sans que tu le veuilles et sans que tu le saches, travaillent pour toi, jour après jour, parfois si durement.
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Bonjour,
Merci pour ce partage.
Voici un autre poème de Lézard que j’affectionne particulièrement : cultive ton jardin
« Cultive ton jardin
Et laisse les autres cultiver le leur.
Les goûts sont différents.
L’un plantera des fleurs;
L’autre sèmera du blé;
Un troisième laissera pousser l’herbe.
Ne juge pas.
Ce n’est pas à toi de le faire.
Mais fait ton jardin si beau
Qu’en passant près de lui,
L’envie nous vienne d’en posséder un semblable.
N’est-ce pas là l’essentiel,
Que ton jardin soit beau ? »
Grand grand merci. Je vais le mettre en ligne, c’est inspirant.