08 novembre 2023

Marc Pernot pendant la formation biblique sur la saga d'Abraham et Sarah (Genèse 12 à 22)
Texte Biblique

Une traversée de la Bible 3/9 – Histoire et romans : La saga d’Abraham et Sarah (Genèse 12 à 22)

Une traversée de la Bible : Les livres de la Bible : genres littéraires et textes célèbres
un mardi par mois de 18h30 à 19h30, au Chalet paroissial de Vandoeuvres, avec le pasteur Marc Pernot
Voir une introduction, le programme de ce cycle ici, ainsi que les épisodes déjà disponibles.

Séance du mardi 8 novembre 2023 – 3ème genre littéraire : 3ème Genre littéraire : Histoire et romans
La saga d’Abraham et Sarah (Genèse 12 à 22)

Vidéo :

 

Podcast audio de la séance

feuille distribuée aux participants

 

Histoire et/ou romans ?

La Bible nous parle souvent à travers des histoires. C’est très précieux car cela nous fait réfléchir mieux qu’une leçon de théologie et cela nous inspire pour vivre.

Ces histoires sont parfois basées sur des personnages et des faits historiques. Il y a des traces archéologiques sur David et Nabuchodonosor, par exemple. D’autres histoires mettent plus vraisemblablement des personnages construits, ces récits s’apparentent ainsi à des romans, par exemple pour les grands mythes (Genèse 1 à 11). La distinction entre les deux types de récits, historique et romanesques est plutôt poreuse. Même s’il y a un personnage et des faits historiques, le récit ne cherche pas à faire de l’histoire mais à faire réfléchir sur des questions de foi et de vie. Le lecteur est appelé à s’identifier aux personnages de l’histoire, justes ou pécheurs, fidèles ou rebelles à Dieu. David a historiquement existé mais dans ces récits, le personnage de David nous parle d’une part de nous-même.

Abraham est vraisemblablement une figure théologique et spirituelle, plus qu’historique. Cela n’enlève rien à son importance, au contraire. Ses péripéties explorent ce que pourrait être la foi et la bénédiction, ce qui est le sujet principal de la Bible : l’articulation entre Dieu et l’humain. C’est pourquoi cette figure est vraiment fondatrice, elle se retrouve dans de multiples passages du Nouveau Testament : dans les paroles de Marie (Lu 1:73), de Jean-Baptiste (Mt 3:9), de Jésus (Jn 8:56), de Paul (Ro 4:3-16)… Ce personnage est fondateur pour trois importantes religions actuelles.

Textes

Galates 4:22-26

Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, un de la femme esclave, et un de la femme libre. 23 Mais celui de l’esclave naquit selon la chair, et celui de la femme libre naquit en vertu de la promesse. 24 Ces faits ont une valeur allégorique [Elles sont allégoriques] ; car ces femmes sont deux alliances. L’une du mont Sinaï, enfantant pour la servitude, c’est Agar, – 25 car Agar, c’est le mont Sinaï en Arabie, -et elle correspond à la Jérusalem actuelle, qui est dans la servitude avec ses enfants. 26 Mais la Jérusalem d’en haut est libre, c’est notre mère…

Genèse 12

1Le SEIGNEUR dit à Abram : Va-t’en de ton pays, du lieu de tes origines et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. 2Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. 3Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi. 4Abram partit, comme le SEIGNEUR le lui avait dit…

Texte interlinéaire hébreu français de Genèse 12:1-4 ©Alliance Biblique universelle

Genèse 15

1 La parole de l’Éternel fut adressée à Abram dans une vision, et il dit : Abram, ne crains pas; je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande. 2 Abram répondit: Seigneur Éternel, que me donneras-tu? Je m’en vais sans enfants, tu ne m’as pas donné de postérité…

Genèse 16

1 Saraï, femme d’Abram, ne lui avait point donné d’enfants. Elle avait une servante égyptienne, nommée Agar. 2 Et Saraï dit à Abram : Voici, l’Éternel m’a rendue stérile; viens, je te prie, vers ma servante; peut-être aurai-je par elle des enfants. Abram écouta la voix de Saraï… 4 Il alla vers Agar, et elle devint enceinte. Quand elle se vit enceinte, elle regarda sa maîtresse avec mépris. 5 Et Saraï dit à Abram : L’outrage qui m’est fait retombe sur toi. [trad. NBS]

Genèse 17

1Alors qu’Abram avait quatre-vingt-dix-neuf ans, le SEIGNEUR apparut à Abram et lui dit : Je suis le Dieu-Puissant. Marche devant moi et sois intègre. 2Je mets mon alliance entre moi et toi : je te multiplierai à l’extrême. 3Abram tomba face contre terre ; Dieu lui dit : 4Pour ma part, voici mon alliance avec toi : tu deviendras le père d’une multitude de nations. 5On ne t’appellera plus du nom d’Abram : ton nom sera Abraham, car j’ai fait de toi le père d’une multitude de nations…. [trad. NBS]

Texte interlinéaire hébreu français de Genèse 17:1-5 ©Alliance Biblique universelle

9 Dieu dit à Abraham : Toi, tu garderas mon alliance, toi et ta descendance après toi, dans toutes ses générations. 10 Voici mon alliance, telle que vous la garderez entre moi et vous — toi et ta descendance après toi : tout mâle parmi vous sera circoncis. 11 Vous vous ferez circoncire dans votre chair ; ce sera un signe d’alliance entre moi et vous…

15Dieu dit encore à Abraham : Quant à Saraï, ta femme, tu ne l’appelleras plus du nom de Saraï : son nom sera Sara. 16Je la bénirai : d’elle aussi je te donnerai un fils ; je la bénirai, et elle deviendra des nations ; les rois de plusieurs peuples sortiront d’elle. 17Abraham tomba face contre terre ; il rit

Texte interlinéaire hébreu français de Genèse 17:15-17 ©Alliance Biblique universelle

Genèse 18

1 L’Éternel apparut à Abraham parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. 2 Il leva les yeux, et regarda : et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna à terre. 3 Et il dit: Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe pas, je te prie, loin de ton serviteur. 4 Permettez qu’on apporte un peu d’eau, pour vous laver les pieds; et reposez-vous sous cet arbre. 5 J’irai prendre un morceau de pain, pour fortifier votre cœur…

Genèse 21

1 L’Éternel accomplit pour Sara ce qu’il avait promis. 2 Sara devint enceinte, et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse.

Genèse 22

1Après cela, Dieu mit Abraham à l’épreuve ; il lui dit : Abraham ! Il répondit : Je suis là ! 2Dieu dit : Prends ton fils, je te prie, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai. 3Abraham se leva de bon matin…

Texte interlinéaire hébreu français de Genèse 22:1-3 ©Alliance Biblique universelle

 

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5 Commentaires

  1. Lili dit :

    C’est très éclairant, franchement. Cela me semblait vraiment difficile de lire la fidélité d’Abraham comme quelque chose de positif dans cette volonté qui est la sienne de suivre l’ordre de sacrifier son fils. On se demande s’il n’est pas tombé sur la tête en donnant son accord et ce, sans aucune résistance de sa part. Avec tous les odieux préparatifs que cela comporte (seller l’âne, fendre le bois, réveiller son fils de bon matin, se mettre en marche, sachant pertinemment où l’on va…), eh bien cela ne le choque pas une seule seconde. Il se lève et hop, il y va.

    Et quelle tête peut bien faire Isaac lorsqu’il comprend ce qui va lui arriver ? Le récit lui laisse peu de place mais, quand même, le gamin demande à son père un fois arrivé sur le lieu du sacrifice « où est l’agneau pour l’holocauste ? ». Mais c’est juste affreux ! Si je devais entendre une voix qui me demande de sacrifier mon fils, je peux vous assurer que j’irais voir soit le psy, soit l’audioprothésiste.

    Alors cette idée qu’il lui est demandé « de le faire monter, de l’élever » et non de le sacrifier, mais quel soulagement ! Et c’est bien le rôle des parents – quels que soient ceux qui endossent cette fonction – « d’élever » leurs enfants. Il y a urgence à changer de théologie, effectivement. Mais quand même le revirement d’Abraham n’est pas assez spectaculaire, je trouve, d’autant qu’il faut une intervention extérieure – l’ange – pour lui faire comprendre que Dieu ne lui demande pas d’occire son fils bien-aimé. Peut-être cet ange peut-il être aussi interprété comme un doute qui vient à Abraham au tout dernier moment ? Un éclairage brutal de la raison devant la folie du geste à accomplir ? Ce sont des choses rares à observer.

    Cela m’a fait penser à un propos de Michel Bellet qui estime qu’il est difficile de réformer une mauvaise théologie et qu’il faut a minima en sortir pour entrer possiblement dans une autre plus satisfaisante. Ces deux actions étant tout aussi complexes l’une que l’autre. On en voit un exemple dans cette saga assez longue et riche en rebondissements.

    Cela m’a rappelé aussi le mythe d’Iphigénie repris par Jean Racine : cette dernière est toute contente de revoir son père à Aulis, là où l’armée grecque a dû s’arrêter faute de vent. Son père, Agamemnon, ayant consulté l’oracle, apprend qu’il doit sacrifier sa fille. La nouvelle d’un sacrifice à réaliser se répand alors partout et la jeune fille demande ingénument à son père si elle pourra assister à ce spectacle réjouissant. Il lui répond : « Vous y serez, ma fille. Adieu.». Affreux, même s’il a montré bien de la résistance et s’est plaint du sort que les dieux lui avaient réservé, cela ne produit aucune conversion de sa théologie. Alors le malheur prévu se réalise.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Lili
      Merci beaucoup !!!
      Girard fait ses choix gras de cette histoire de sacrifice, et c’est assez éclairant.
      Il me semble que Iphigénie n’est pas toujours sacrifiée dans tous les versions de cette légende, un sacrifice cultuel peut en tenir lieu et cela rappellerait le non sacrifice d’Isaac. Ou qu’il faille la sacrifier et cela fait penser à un autre épisode encore plus épouvantable : Jephté sacrifiant sa fille (Juges 11).

      Je ne connaissais pas ce témoignage de Maurice Bellet, il a sans doute raison, il me semble que cela parle du passage d’une théologie à une autre, donc conception de Dieu à une autre, d’une conception du salut à une autre… Il me semble plus essentiel de changer notre rapport avec la théologie pour une façon de faire de la théologie qui soit adogmatique, ne sacralisant pas un seul point de doctrine, considérant plutôt notre pensée d’aujourd’hui comme notre approximation provisoire d’une réalité qui nous dépasse. C’est une vision plus modeste et plus fluide, dont le degré de vérité est relatif. Avec ce rapport à la théologie, on est prêt à affiner, à remettre en cause, à user sans cesse tel ou tel point de notre pensée théologique sans que ce soit un drame, mais au contraire la joie d’une découverte. Je reconnais que quand une personne abandonne une façon de penser où la doctrine est considérée comme une vérité éternelle, à une façon de pensée plus libre, cette personne passe par un petit temps de vertige, c’est peut-être ce que dit Bellet, mais que rapidement elle en ressent un bénéfice assez conséquent.

      1. Lili dit :

        J’ai retrouvé ce passage avec Michel Bellet, à 21 mn 37.

        https://www.ktotv.com/video/00056190/verite-maurice-bellet

        A le réécouter, j’ai un peu trahi sa pensée 🙁 parce qu’il n’évoque pas exactement de bonnes/mauvaises théologies mais de bonnes ou de mauvaises « entrées dans la foi chrétienne » selon qu’on a été alimenté par des théologies plus ou moins doctrinaires, ce n’est pas tout à fait la même chose. Avec l’idée qu’il faudrait sortir de la religion apprise, mais c’est « à la limite, pour certaines personnes », comme il le dit. Je ne me rappelais plus assez précisément.
        Il ne va pas aussi loin que vous, en tout cas ici, car il ne défend pas de théologie adogmatique – je ne pense pas qu’il irait jusque-là d’ailleurs, pour ce que j’ai cru comprendre de ses conceptions, du moins. Mais ce monsieur reste passionnant avec des distinctions fines qui montrent à quel point il s’est intéressé au monde et aux autres. « Joie de la découverte », comme vous le signalez.

        Quant à l’épisode de la fille de Jephté, eh bien mais c’est un calque presque parfait du mythe d’Iphigénie, effectivement. Leur trame narrative se superpose entièrement jusque dans certains détails. On peut donc être d’Athènes et de Jérusalem sans qu’il y ait trahison ? c’est ce que laissent penser ces mythes peut-être.

        1. Marc Pernot dit :

          Merci !
          Grecs comme Hébreux retravaillent les mythes, parfois les mêmes. Il y avait aussi beaucoup d’échanges. Le monde est petit, aujourd’hui comme hier.
          Ces histoires ne nous font pas la leçon, nous proposant d’agir comme Agamemnon, Jephté, ou Abraham. La lecture et l’étude de ces histoires sont des ateliers pour nous découvrir nous-même et choisir comment nous voulons vivre mieux.

  2. Pascale dit :

    Pour ma part, dans cette mise en récit du sacrifice, je ne vois pas une méprise de la part d’Abraham, mais un réel sacrifice qu’il a à faire pour élever son fils, le faire grandir. Peut-être qu’il avait trop d’emprise sur lui, que sa relation était trop fusionnelle et que c’est cela qu’il doit sacrifier pour ne pas l’empêcher de vivre sa vie, d’être lui-même fécond. L’offrir à Dieu est alors une façon de lui rappeler que son fils ne lui appartient pas, de lui rappeler quelle est la véritable source de bénédiction. Cela peut nous interroger sur notre propre façon d’aimer ceux qui nous sont proches.

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