Le Salvator Mundi de Léonard de Vinci
Prédication

Vraiment ? S’arracher un œil ? C’est ce que Jésus nous demande de faire ? (Prédication sur Marc 9:41-51)

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Le Salvator Mundi de Léonard de Vinci

Jésus sauveur du monde, sauveur de chaque personne, et pour cela, aide la personne à se débarrasser de ce qui la tue.

S’arracher un œil, se couper un pied ou une main pour être plus en forme ? Voila une solution bien étrange de nous améliorer ! Si on appliquait ce texte à la lettre, nous serions ici tous polyhandicapés.

Est-ce bien cela que Jésus veut pour nous ?

Évidemment non. Son plan est plutôt de guérir les mains sèches, de faire danser les paralytiques, de rendre la vue des aveugles. Et même de ressusciter les morts, pas de nous jeter dans la mer avec une énorme roue en pierre autour du cou. Quelle horreur.

Son programme de campagne, c’est : tout le monde en pleine forme. Spirituellement, mais aussi physiquement. En forme dans toutes les dimensions de notre être.

Mais que dit vraiment ici Jésus ?

Il nous dit que l’essentiel de l’essentiel est de pas être source de chute. Au moins cela : ne pas être un facteur de négativité. Ne pas nous laisser entraîner vers le bas, surtout ne pas entraîner vers le bas les autres. Ne pas laisser une part de nous-mêmes nous tirer vers le bas.

Jésus nous invite à inverser la courbe du bilan de notre action : qu’il ne soit pas négatif mais positif. Au moins un tout petit peu positif, Jésus ne place pas la barre si haut : « donner une fois un verre d’eau en son nom à quelqu’un ».

M’arrive-t-il d’être une source de chute ? C’est donc la première question. Essentielle. Évidemment que cela nous arrive. À tous.

Les vrais méchants n’ont aucun remord du mal qu’ils font. Ils ne s’en rendent parfois même pas compte.

Ils sont comme insensibilisé.

Jésus nous invite à ouvrir les yeux. Il est plein de compassion, en réalité, pour celui qui fait du mal quand il dit cette phrase terrible : « mieux vaudrait pour lui qu’on lui mette autour du cou une meule de moulin, et qu’on le jette dans la mer. » Ce n’est pas ce que veut Jésus, bien sûr.

Ensuite il décline cela, en montrant que c’est souvent seulement une dimension de la personne humaine qui est source de négativité. Nos mains, et même une de nos mains : quand quelque chose qui ne va pas dans notre façon d’agir. Nos pieds, et même seulement un de nos pieds : quand quelque chose dans notre façon d’avancer va dans le mauvais sens, vers le bas et non vers le haut. Nos yeux, et même seulement un œil : si nous voyons tout en noir, et pire, si notre regard dévalorise tout ce que je vois, si mon regard, ma façon d’appréhender la réalité me tire vers le vas… alors il serait bon de changer de regard, d’arracher mon ancienne façon de voir.

C’est bien entendu comme cela, au sens figuré, que Jésus nous propose de nous opérer, et de nous opérer nous-même. Il nous dit que nous pouvons le faire.

C’est déjà encourageant de savoir que c’est en général qu’un petit bout de notre façon d’être qui ne va pas.

D’accord.

Mais pourquoi Jésus ne parle pas raisonnablement comme ça ? Pourquoi ces paroles extrêmes ? C’est pour une raison d’urgence et d’importance extrêmes.

Dans de ce temple, dans le placard qui à gauche de la chaire, il y a un appareil qui s’appelle un « défibrillateur » et qui peut sauver des vies. Bizarrement, c’est avec un choc électrique extrêmement fort qu’il est capable de faire repartir un cœur qui se serait bêtement arrêté. La parole de Jésus est comme cela. Oui, il exagère : s’arracher soi-même un œil, une main, un pied ? impossible. Et même absurde.

Jésus fait alors choc. Un coup de défibrillateur.

Parfois il parle en paraboles pour nous stimuler. Parfois, comme ici, il parle en hyperboles. C’est que Jésus veut nous ressusciter, faire repartir notre cœur, car nous en avons un, fait pour battre et nous faire vivre, et aimer.

Quelque chose est une occasion de chute. Des choses nous tirent vers le bas. Et je ne fais rien. Et nous ne faisons rien ? Nous sommes dans le coma.

Mais comment, nous dit Jésus. Vous ne voyez donc pas la situation ? Elle est terrible. Vous auriez une pierre d’une tonne vous tirant au fond de la mer que vous seriez moins mal parti. Jésus veut nous guérir avec des paroles exagérées comme celles là. Il dénonce notre inconscience, notre facilité déconcertante de nous habituer à ce qui nous tire vers le bas, de le trouver normal, ou pas si grave.

Quel exemple donner, sans être blessant ?

Trop souvent, j’entends témoigner une femme maltraitée, sans qu’elle-même ou l’entourage mette fin à cette situation : ce n’est pas si grave, ne faisons pas d’histoire. Un collègue est maltraité, harcelé et personne ne voit rien. Des personnes couchent à gauche et à droite, trompant leur conjoint, sans que cela semble choquer leurs électeurs, leur famille, leurs amis ou leurs paroissiens. Des élus sont condamnés pour de multiples malhonnêtetés, racontent des mensonges plus gros qu’eux et font des promesses totalement irréalistes mais ils sont ensuite élus et réélus. Comme pasteur, j’accompagne bien des familles à des moments important de leurs vies, et très souvent des personnes volent leurs frères et sœurs et ceux qui ne sont pas concernés font mine de rien… tricher sur les impôts, les taxes, les licences, les limitations devient un sport national…

Ce qui me semble choquant ce n’est pas qu’il y ait quelques personnes tordues, ce qui mauvais signe c’est que cela ne choque plus tellement. Que nous ayons une sorte d’accoutumance au mal.

Ce n’est pas la paix que ce calme là. C’est se laisser couler. Le pardon, ce n’est pas cela, pas laisser le méchant faire n’importe quoi. Aimer son prochain, ce n’est pas cela, car ce n’est aimer ni la victime ni le coupable que de banaliser le mal. Et c’est encore moins s’aimer soi-même, ce n’est pas se respecter soi-même que de s’accoutumer à avoir et à supporter un comportement bas de gamme.

Jésus fait choc. Oui, il exagère : s’arracher soi-même un œil, une main, un pied ? Ce serait dans une situation vraiment extrême. En grand danger de mort.

Quel est ce danger de mort ?

Il parle de « ce qui est une occasion de chute », « ce qui nous tire vers le bas ». Cela ne semble pourtant pas grand chose. Juste « tiré vers le bas ».

Et bien si.

Le mot grec utilisé-ici en est skandalizo qui a donné en français le mot « scandaliser ». Mais ici, c’est l’inverse. Face à une situation mauvaise : si, au moins, nous nous sentons scandalisé c’est qu’en nous quelque chose résiste. C’est que nous ne confondons pas le mal et le bien. Mais si nous nous habituons au mal, c’est alors que nous coulons vers le bas, que notre être est comme engourdi, anesthésié, ne ressentant même plus que le mal est mauvais.

Alors quoi ? Devons nous être culpabilisé, nous arracher de désespoir un pied ou une main dès que nous avons fait une faute ? Non, bien sûr, mais au moins avoir un sursaut. Car c’est tout le problème, nous vivons dans le monde réel et nous ne pouvons pas rester pur. Nous ne pouvons pas faire d’omelette sans casser des œufs, et toute vie, chaque jour, doit bien se résoudre à faire un peu de mal et à croiser du mal dans ce monde. D’accord, mais ne pas s’y accoutumer. Ne pas justifier le mal, ne pas laisser mourir notre conscience, l’idée de justice, la volonté d’idéal. Continuer à espérer le meilleur possible.

Aux personnes qu’il croise, Jésus dit sans cesse « tes péchés ont été pardonnés (par Dieu), va en paix », c’est à dire avance grâce à lui dans vers le haut, évidemment. Ne pas se laisser glisser vers le bas. Mais en même temps « tes péchés sont pardonnés », cela appelle un chat un chat, cela n’est pas de l’indifférence au mal, cela n’est pas faire mine de rien, ce n’est pas se contenter d’en rester là.

De même face au mal dans le monde. Ne pas s’habituer au mal, ne pas le justifier. En être scandalisé, y voir un danger pour les victimes, pour la société et même pour le méchant, nous dit ici Jésus : « mieux vaudrait pour lui qu’on lui mette autour du cou une meule de moulin, et qu’on le jette dans la mer. » Mais ne pas le faire, bien sûr. Ouvrir les yeux et voir que le mal nous tire vers le bas.

Jésus dit encore cela avec une autre image quand il nous dit « ayez du sel en vous-mêmes ». Car le sel est un agent extraordinaire, et c’est pourquoi il était un trésor inestimable dans bien des civilisations au cours de l’histoire, surtout quand il n’y avait pas de congélateurs. Car le sel a cette propriété miraculeuse de conserver la bonne nourriture en éliminant la pourriture et les microbes. Avoir du sel en nous-mêmes c’est avoir cette capacité miraculeuse qu’est un amour actif, qui valorise et conserve le meilleur et purifie ce qui pourrit la vie. Nous avons la capacité de ne pas nous laisser pourrir par le mal.

Jésus soupire de déception : ah là là, « le sel est bon, si le sel devient non salé, comment pourra-t-on le réparer ? »

Le sel est « bon » de cet adjectif kalov qui sert à parler dans la Bible de l’action créatrice de Dieu lui-même (Genèse 1), et de Jésus, le bon berger (Jean 10).

Ce qui est bon n’est donc pas d’être amputé, éborgné ou d’être jeté dans le fond de la mer, bien sûr, mais d’avoir du sel actif en soi-même, cette puissance d’amour qui garde le meilleur de chacun et nettoie ce qui pourrait pourrir l’ensemble. C’est cette propriété que nous devons réveiller en nous et ne pas devenir du sel qui ne sale plus. Normalement cela n’arrive jamais que du sel perde cette incroyable propriété. C’est contre nature de ne plus avoir de conscience, de ne plus avoir cet amour qui permet de discerner entre ce qui nourrit et ce qui fait pourrir, entre ce qui fait vivre et ce qui fait chuter, entre ce qui va vers le haut et ce qui est bas et nous tire vers le bas.

D’ailleurs, on voit que Dieu lui même sale de feu tout humain, c’est ce que l’on appelle la grâce justifiante. Ce n’est pas tant que Dieu nous juge, mais il nous justifie, il garde en nous le meilleur et détruit les germes, ce qui nous bouffe, nous grignote, nous déconstruit, nous tire vers le bas. Comme le feu sur le minerai, Dieu met en valeur l’or et le libère des scories. Il nous appelle à être comme ça : « Ayez du sel en vous-mêmes », c’est extrêmement important, nous dit Jésus. Réveillez-vous. À commencer par mettre en ordre notre propre vie. Notre propre regard, notre propre action, notre cheminement.

Jésus nous le dit avec ses paroles qui claquent comme un défibrillateur chargé à bloc.

L’indifférence au mal, notre accoutumance à faire le mal et à laisser faire le mal est un poison. Car alors, nous dit-il, un petit qui a la foi glisse vers le bas, il s’affaisse, il tombe. Qui est ce « petit qui a la foi », c’est ce qui, en nous, est mystérieusement connecté à Dieu et qui sait parfaitement, en réalité, ce qui fait vivre et ce qui fait mourir.

Alors quoi, face aux méchants, devrions-nous nous jouer les chevalier blancs, les redresseurs de tord à tout bout de champ ? Dénoncer, blâmer ? Ce n’est pas ce que dit Jésus. Il ne dit pas non plus de couper la main du méchant, ni de jeter dans la mer avec l’obélisque de la concorde attaché au cou, ni d’arracher les yeux des pervers. Jésus ne tue pas, il n’ampute personne, au contraire, il fait des miracles pour guérir & ressusciter.

Le méchant est quelqu’un qui a besoin de ses soins. Une personne indifférente à ce qui est bas est une personne ou une société qui a besoin de ses soins. Quelqu’un qui brule de fièvre. Un petit en lui souffre.

Que propose Jésus ? De donner à boire à celui qui est « au Christ » Il propose de donner à boire parce que nous sommes au Christ. En équipe avec lui. Et surtout, surtout, bien veiller sur le moindre petit qui a la foi.

Et ce « petit qui a la foi », il existe en chacune et en chacun. Même chez le sociopathe dont le comportement mêle indissociablement le charme et la torture. Même chez l’indifférent dont la conscience est dans le coma.

Par allusion, Jésus nous donne des idées sur ce que nous pouvons faire, quand notre cœur se sera remis à battre :

  • « Donner un verre d’eau » à ce petit qui a la foi, abreuver ce qui est christique en chacun,
  • Laisser Dieu « saler de feu » les autres, mais avoir déjà « du sel en nous-mêmes », mettre en lumière, appeler « bon » ce qui est bon et seulement ce qui est bon. Finie la comédie ! Veiller sur le meilleur en chacun.
  • et ainsi, « soyons en paix les uns avec les autres », qu’ensemble nous nous donnions des occasions de grandir et non de chuter.

Amen

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Évangile selon Marc 9:41-51

41 Quiconque vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous êtes au Christ, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense. 42 Mais si quelqu’un était une occasion de chute, pour l’un de ces petits qui ont la foi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui mette autour du cou une meule de moulin, et qu’on le jette dans la mer.

43 Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe la ; mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie, que d’avoir les deux mains et d’aller dans la décharge, dans le feu qui ne s’éteint pas.

45 Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe le ; mieux vaut pour toi entrer boiteux dans la vie, que d’avoir les deux pieds et d’être jeté dans la décharge.

47 Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la décharge, 48 où leur ver ne meurt pas, et où le feu ne s’éteint pas.

49 Car tout homme sera salé de feu. 50 Le sel est une bonne chose ; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? 51 Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix les uns avec les autres.

(Cf. Traduction Colombe)

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