Prédication

Une histoire de vigne, d’amour, et de joie parfaite (Jean 15:1-17 – Paraboles de Jésus selon Jean 2/2)

Dans ce texte, Jésus cherche à transmettre l’essentiel à ses disciples afin de les préparer à prendre le relai après sa disparition. Il présente cet essentiel sous deux formes : une parabole et un enseignement, les deux s’éclairant mutuellement. Il éclaire sur ce que nous pouvons attendre de Dieu, ce que signifie « aimer » dans l’Evangile, et les fruits que nous pouvons attendre.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

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prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 25 août 2024,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Une parabole et un enseignement

Cet enseignement de Jésus comprend deux parties dans des styles différents : la 1ère est comme une parabole avec cette allégorie de la vigne, la 2nde est comme un enseignement théologique. Jésus cherche à être le plus clair possible dans ce discours qui est pour lui comme un passage de relais à ses successeurs. Cette présentation du sous deux formes différentes optimise ses chances d’être mieux compris, les deux parties se complétant et s’expliquant mutuellement. Par ailleurs, cette forme est intéressante pour tout lecteur de la Bible : nous avons ici comme la pierre de Rosette qui a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens, car elle présente le même message en deux langues : le grec et l’égyptien.

Un vigneron menaçant ? Un Père qui aime !

En 1ère écoute, cette parabole de Jésus fait froid dans le dos avec ce Dieu-vigneron qui coupe des sarments et les jette au feu. Mais dans la 2nde partie, Jésus dit que le Père n’est qu’amour, comme Jean le développera dans sa fameuse 1ère lettre (4:8 et 4:16). Le contraste est tel avec la 1ère partie que cela nous conduit à relire ce qui nous avait semblé menaçant dans la parabole de Jésus (et dans d’autres textes de la Bible). Nous sommes appelés à relire tous ces textes « à la Jésus » avec ce principe d’interprétation que Dieu est amour, cherchant donc dans tout texte, au-delà de la première lecture, comment Dieu nous aime et comment il nous envoie aimer. Ce principe d’interprétation est essentiel pour la foi en Dieu, puisque la notion même de foi signifie « faire confiance », et qu’une théologie supposant un Dieu menaçant torpille tout début de confiance que nous pourrions avoir en Dieu, et le remplace par un autre type de rapport à Dieu : la fuite ou la soumission par crainte. Ce genre de lecture n’est plus, ou ne devrait plus être possible en entendant la 2nde partie de cet enseignement de Jésus sur l’amour de Dieu. C’est ce qu’ajoutera Jean dans sa première lettre après avoir dit « Dieu est amour », il ajoute : « l’amour parfait » (de Dieu), littéralement, « envoie balader toute crainte. » que nous aurions pu avoir de lui (1 Jn 4:18). C’est à une réinterprétation de notre théologie que Jésus nous invite avec ce texte double.

Ayant donc entendu le 2nd paragraphe de la bouche de Jésus, nous pouvons relire le 1er et chercher à comprendre en quoi l’action du Père-vigneron est véritablement une manifestation de son amour pour nous. Et combien c’est inspirant pour notre façon de croire et de vivre.

Quelle est la vigne et quels sont les sarments ?

Quelle est donc cette vigne qui est ainsi travaillée, Dieu retranchant des sarments et en taillant d’autres ? Il n’est plus possible de penser une seconde que Dieu éliminerait certaines personnes pour ne garder que les meilleures ou ses préférées. Même si nous avions la chance d’être sélectionnés, comment pourrions-nous être dans la joie devant un tel massacre ?

C’est chaque personne qui est aimée par Dieu, comme un bon père aime son enfant. C’est ce que manifeste Jésus même pour les personnes ayant une vie et une foi problématiques. Les sarments de la parabole ne peuvent donc pas être identifiés aux personnes de l’humanité puisque certains sont radicalement éliminés. C’est pourtant comme cela que bien des images anciennes représentent cette parabole, avec à la clef un message menaçant les personnes qui ne filent pas droit. Comment lire cette parabole autrement ? La clef est facile à trouver grâce aux paroles des prophètes anciens. L’image de la vigne dont Dieu est le vigneron est classique : la vigne est une figure du peuple entier, chaque personne étant un pied de cette vigne, les sarments représentant les multiples dimensions de la personne individuelle. La parabole de Jésus est alors cohérente avec sa 2nde partie sur l’amour du Père. Nous savons bien que personne n’est parfait, tailler ce qui est souffrant dans une personne n’est pas une torture ni une punition, au contraire, c’est un soin par le vigneron. C’est comparable à l’action d’un chirurgien qui sauve un patient par l’ablation d’une tumeur.

En regardant de près le texte grec, les deux gestes du vigneron sont même plus doux et respectueux de la personne que cela. Le verbe « enlever » le sarment qui ne porte pas de fruit : c’est le verbe αἴρω qui signifie en général porter : le Dieu-vigneron n’enlève même pas la dimension souffrante, il la porte, il s’en charge, il l’élève. Quant au sarment qui porte du fruit, il le « purifie », c’est comme un traitement pour qu’il aille mieux encore.

Avec quel outil le Père-vigneron travaille-t-il ? Par sa Parole, nous dit Jésus, et par son être qui fonctionne comme un cep pour les sarments, ajoutant un « demeurez-en moi comme moi en vous », ce qui ouvre d’autres perspectives assez mystérieuses à ce stade. En quel sens le Christ serait un cep de vigne auquel nous devrions être attachés pour pouvoir produire du fruit, et quelle serait cette sève que le Christ serait pour nous ?

Le cep de vigne et sa sève

La 2nde partie, plus théologique, peut nous aider, car Jésus y insiste aussi beaucoup sur ce « demeurez en moi ». Certains pourraient le comprendre comme signifiant adhérer à la parole de Jésus, mais ce n’est pas ce que l’on découvre dans cette 2nde partie de son discours. Ce qui « demeure », c’est l’amour du Père qui a donné au Christ d’aimer, et c’est dans cet amour qu’il nous propose de demeurer. En goûtant d’abord la joie d’être aimé, que cela soit en nous comme la sève, invisible et intérieure, qui donne à la vigne de grandir et de fructifier. La sève, c’est donc l’amour dont nous avons été aimés, amour qui vient de la source même de l’amour qu’est le Créateur et que le Christ révèle au monde.

Ce n’est donc pas avec un sécateur que notre Dieu-vigneron agit pour prendre soin de nous, mais c’est par cette sève, à l’intérieur de chacun, comme une inspiration vitale. C’est concret : c’est dans le fait de se savoir aimé et gardé quoi qu’il arrive, dans le fait d’avoir été espéré, choisi avant même de faire ou de croire quoi que ce soit, gardé alors que nous ne nous en sentons pas dignes, accompagné dans notre croissance, soigné dans ce que nous avons de meilleur et dans ce que nous avons de souffrant. C’est cet amour qu’a incarné le Christ pour chacun et c’est très inspirant, on apprend par lui à en reconnaître les traces dans ce monde.

Jésus nous propose de nous enraciner dans cet amour de Dieu. Consciemment par la théologie, délibérément par la prière confiante face à ce Dieu qui « est amour », dans la louange en relevant chaque trace de cet amour en ce monde, et aussi en direct par l’amour que Dieu a insufflé en nous par son Esprit… Tout cela nourrit notre être, comme une sève, et, par-là, notre capacité à aimer.

Ce que Jésus entend par « aimer »

La 2nde partie du discours tourne autour de la notion d’« aimer », cela peut sembler vague et sentimental. Seulement, c’est là que la 1ère partie du discours de Jésus éclaire maintenant la 2nde. « Aimer » à l’image de notre Dieu-vigneron, ce n’est pas une question de sentiments mais ici, aimer, c’est prendre soin et c’est alimenter le développement de l’autre. Ce qui n’empêche pas de développer des sentiments d’amitié, comme Jésus ici.

Aimer, c’est concret et parfois rude comme le travail du vigneron : c’est apprendre à discerner le temps juste pour tailler ou pour traiter avec délicatesse. Aimer, c’est avoir la patience paysanne : c’est dans bien des mois après la première taille que l’on aura la joie de goûter le vin, si tout va bien.

Aimer, c’est être comme le cep de vigne : nourrir la croissance, la santé, le développement de chaque sarment, afin que chaque dimension de la personne puisse donner son propre fruit, selon sa personnalité. C’est comme cela que ça marche quand on greffe un sarment : le cep apporte la sève au service du sarment qui, lui, détermine quel fruit il produira : chasselas ou muscat. Aimer, dans l’Évangile, c’est cela.

Le « demeurer » de Jésus n’est pas d’abord un comportement, c’est un enracinement. Personne, s’il n’a pas été un peu aimé ne peut se développer. Ce que Jésus dit « hors de moi, vous ne pouvez rien faire » est une simple évidence pratique : ce « hors de moi », coupé du cep de vigne, c’est être privé de la possibilité de puiser sa propre vitalité dans ce qu’incarne Jésus : cette parole de Dieu qui nous dit qu’il nous a toujours aimé en vérité pour ce que nous sommes. « Demeurer en lui » est ainsi un travail au jour le jour : c’est d’abord et avant tout se savoir être aimé en vérité, au moins par Dieu, le discerner, le prendre en compte, en nourrir notre être comme d’une sève. Nos sarments se développeront alors et porteront ensuite du fruit, notre propre fruit.

Mais quel fruit ?

Quel est le fruit attendu par Dieu ?

À l’écoute de la 1ère partie du discours de Jésus, on pourrait penser que nos fruits seraient des bonnes actions pour les autres.

La 2nde partie du discours laisse penser que les fruits sont quelque chose de plus profond que cela, en amont de cela. C’est vrai que c’est bien d’avoir un bon comportement, mais la logique du Christ n’est pas un dressage. Les fruits sont plus de l’ordre de l’être, comme toujours dans l’Évangile du Christ. La question ici n’est pas d’abord de produire de bons actes, mais de devenir un bon arbre : c’est une qualité d’être, d’abord et avant tout. Il nous suffira alors d’aller notre chemin : nos actes seront bons et nos prières seront justes, comme naturellement et librement.

Les fruits de notre enracinement dans l’amour de Dieu, si l’on entend la 2nde partie du discours de Jésus, ils sont au nombre de deux : c’est l’amour et c’est la joie :

  • « Demeurez dans mon amour… comme je demeure dans l’amour de Dieu… aimez-vous les uns les autres » : le premier fruit c’est de se savoir aimé et de grandir dans notre capacité à aimer en vérité.
  • « Je vous ai parlé ainsi, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit aboutie ». Notre joie, c’est le 2nd fruit, en surplus du premier.

La joie aboutie qu’il y a dans cette inspiration qu’est l’amour de Dieu pour nous. C’est une priorité, et ça l’est vraiment pour notre humanité aujourd’hui.

pasteur Marc Pernot

Voir l’épisode précédent : Un bon berger et une porte pour les brebis (Jean 10:1-21 – Paraboles de Jésus selon Jean 1/2)

Texte de la Bible

Évangile selon Jean 15

1Moi, je suis le pied de vigne (le cep), le véritable, et mon Père est le vigneron. 2Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il l’enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il le purifie afin qu’il porte encore plus de fruit. 3Déjà, vous êtes purs, à cause de la parole que je vous ai dite. 4Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut porter du fruit de lui-même, s’il ne demeure sur le cep, de même vous non plus, si vous ne demeurez en moi. 5Moi, je suis le cep, vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit, car sans moi, vous ne pouvez rien faire. 6Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il sèche, puis l’on rassemble, on les jette au feu et ils brûlent. 7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, ce que vous voulez demander cela vous arrivera. 8Mon Père est glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit, et vous serez mes disciples.

9Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. 10Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme j’ai gardé les commandements de mon Père et que je demeure dans son amour. 11Je vous ai parlé ainsi, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit aboutie. 12Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. 13Il n’y a pour personne de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. 14Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. 15Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelé amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. 16Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, pour que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. 17Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres.

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2 Commentaires

  1. Flego dit :

    À la lecture de Jean 15:1-17, je continue à percevoir une opposition. Mais n’est-ce pas là un espace de liberté qui s’ouvre au croyant ? C’est toute la richesse de la Bible : elle nous permet de conserver notre liberté d’interprétation plutôt que de nous enfermer dans le texte. Oui, l’être humain est assimilé à un sarment, mais la contradiction avec la deuxième partie est forte, (amour de Dieu pour tous), presque insurmontable, à moins de remettre (un peu) en question la fiabilité du texte. Cependant, cette apparente contradiction ne nous incite-t-elle pas à la réflexion ? Merci pour cette belle prédication.

    1. Marc Pernot dit :

      Grand merci. Je suis d’accord avec vous sir cette tension et c’ets ce qui m’a intéressé. Il y a bien une opposition dan sla première partie, je suis du même avis. Mais en Christ cette opposition n’est jamais contre la personne elle même puis que Dieu aime, fait du bien et prie même pour ses ennemis. Comme Jésus. L’opposition est donc dirigée contre ce qui est méchant dans la personne, mais pas contre la personne. A mon avis. Et c’est ce que j’ai proposé comme interprétation. Et oui, tout à fait, la pluralité d’interprétation est une richesse.

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