08 octobre 2024

Nature morte avec une bougie, un masque et une seringue - Image par Melanie de https://pixabay.com/fr/photos/prot%C3%A8ge-dents-pand%C3%A9mie-%C3%A9pid%C3%A9mie-4955470/
Bible

Quelle est la différence entre les éditions de la Bible Segond ? Que pensez-vous d’une déclaration anticipée d’euthanasie ?

Question posée :

Bonjour

J’ai deux grandes questions à poser.

La première : quelle est la différence entre la Segond révisée à la Colombe, la Nouvelle Edtion de Genève et la Nouvelle Segond 21 ? Que pensez-vous de la NBS d’étude ?
Quelle version conseilleriez-vous ?

La seconde : j’envisage la possibilité de faire une déclaration anticipée d’euthanasie au cas où je ne serais plus en mesure d’exprimer ma volonté le cas échéant (coma prolongé, démence sénile …) . Je n’ai pas envie d’être un poids pour mes proches si je devais être atteinte d’un mal incurable qui finirait par conduire à la mort. D’un autre côté, le fait de demander à un tiers à m’ôter la vie me pose tout de même question.
Quel est votre opinion à ce sujet ?

Merci pour votre réponse

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Effectivement, voilà deux questions très très différentes mais qui sont intéressantes, voire très importantes.

Avec joie de revenir avec quelques éléments. Merci pour votre confiance et bravo pour ces deux démarches qui sont importantes.

Creuser la Bible avec de bons outils.

1) Cela peut paraître surprenant, mais après des milliers d’années d’études de ce patrimoine qu’est la Bible, la communauté scientifique progresse encore :

  • Il y a eu des découvertes archéologiques, des recherches sur le sens de certains mots dans l’hébreu, via parfois d’autres langues apparentées.
  • Certaines traductions traditionnelles, qui semblaient évidentes, étaient en fait inexactes, tenant plus de l’idéologie que du sens direct du texte. Certaines traductions ont le courage de rétablir le texte, parfois malgré la théologie classique. C’est par exemple le cas du qualificatif « tout puissant » attribué à Dieu très souvent dans les traductions anciennes, alors qu’en réalité cette expression n’apparaît qu’un petit nombre de fois. Par exemple, dans le magnificat, Marie dit : « Le Puissant a fait pour moi de grandes choses. » (Luc 1:49), c’est ce qui a été rétabli en conformité avec le texte d’origine, alors que bien des traductions mettaient « le TOUT-puissant », ce qui est une invention assez nocive, en tout cas inexacte ; il n’y a pas une seule variante d’un petit manuscrit qui comporte ce « tout »…

2) Ensuite, il y a des traductions plus ou moins fidèles au texte. Pour étudier le texte, mieux vaut prendre une traduction la plus fidèle possible, avec de bonnes notes.

C’est pourquoi, je suis du même avis que vous : le mieux me semble aujourd’hui une NBS d’étude, ou une TOB avec les notes complètes.

Avec quand même un grand avantage de la traduction « à la Colombe », car elle traduit le nom de Dieu YHWH par « l’Éternel », ce qui me semble infiniment mieux que la traduction de la NBS et de la TOB « Le  Seigneur », qui me semble être un fâcheux contresens, laissant penser à un Dieu un peu féodal, qui nous prend de haut, alors que YHWH représente plus un Dieu de pardon, de compassion, qui se fait notre serviteur.

Personnellement, je mettrais complètement de côté la Segond 21, ainsi que les traductions en français courant.

Concernant l’Euthanasie

C’est un sujet sensible. Très très sensible. Et infiniment personnel, mais puisque vous me faites l’honneur de me demander mon avis, c’est bien volontiers que je vous partage mon avis personnel qui n’engage que moi, et pourquoi j’en suis arrivé là aujourd’hui.

Je suis du même avis que vous, je pense, sur le fait qu’il n’est pas bon de subir une souffrance physique abominable que l’on ne peut pas soulager par des soins palliatifs.

Mais je ne trouve pas très valable l’argument : je ne veux pas peser sur mes proches. C’est sympa, mais s’aimer, faire corps, cela signifie précisément accepter de peser tour à tour les uns sur les autres ? C’est à mon avis non seulement normal, mais magnifique. C’est vrai que c’est plus facile d’être la personne qui aide que la personne aidée, cela demande de l’humilité, de la sagesse, cela peut produire de la gratitude. Mais pas de honte. Avons-nous honte d’avoir été à charge de notre mère, de l’avoir alourdie pendant 9 mois, de lui avoir déchiré les entrailles pour sortir, sali nos couches et de l’avoir épuisée, souciée pendant des années et des années avec nos coqueluches et nos résultats en classe ?

De plus, le suicide, et l’euthanasie est une forme de suicide assisté, est d’une rare violence pour les proches. C’est déjà pas drôle de perdre une personne que l’on aime, c’est terrible de se voir abandonné par une personne que l’on aime, car même notre souvenir est alors pollué par cet abandon. Dans ce sens, il me semble faux de se considérer être propriétaire de sa propre vie. C’est une effrayante conception de l’humanité. Nous formons un corps, comme le dit Paul, et nul ne peut dire « je ne fais pas partie » du corps, pas plus que l’on ne peut dire « tu n’es pas digne de faire partie du corps », c’est égal.

Je ne trouve pas non plus très valable l’argument qu’une vie frappée d’impuissance, d’inconscience ou de démence ne serait pas digne de vivre. Même si c’est en pensant ne parler que pour soi-même, dire qu’un tel état ne serait pas digne est une injure portée contre les personnes handicapées, blessante pour leurs familles. L’Évangile nous encourage à saisir que chaque personne est précieuse indépendamment de ses performances, par la grâce seule. Il ne serait pas cohérent de soutenir que cet Évangile vaut pour tous sauf pour moi, que je peux me sentir appelé à respecter tous les handicapés, sauf moi-même si cela m’arrivait.

Donc, à mon avis, la société tout entière, et la famille encore plus, fait bien de soigner avec la même attention une personne prix Nobel de la Paix, une personne handicapée mentale profonde, un homme condamné à 30 ans de sûreté, un enfant prématuré, et une personne frappée d’Alzheimer. C’est une question de valeur de la personne humaine en général. Un signe de la grâce de Dieu. Je me souviens de la Roumanie sous Nicolae Ceaușescu qui avait décidé que les personnes âgées et les handicapés mentaux ne méritaient pas d’être soignés, je me souviens encore de la détresse abyssale que cela engendre : non seulement quand on est malade, mais sur la dignité de la personne humaine, mesurée à l’aune de sa seule capacité à produire. J’ai un moulin à café ancien dans ma cuisine qui est mieux considéré que cela : même s’il ne sert plus beaucoup je l’ai gardé parce qu’il appartenait à ma grand-mère.

Mais bien sûr, je suis bien d’accord que l’euthanasie est une sage et bonne chose dans les cas extrêmes de souffrance physique impossible à soulager, quand il ne resterait de toute façon que trois mois à vivre.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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5 Commentaires

  1. Michel dit :

    Tout à fait d’accord avec « Personnellement, je mettrais complètement de côté la Segond 21 ». C’est une traduction orientée.
    Moins d’accord avec « ainsi que les traductions en français courant » : la dernière parue (NFC) est utile à la lecture, mais ne remplace effectivement pas une bible d’étude.
    Quant à la NBS, c’est en fait une refonte de la Colombe. Elle n’est pas parfaite, mais bien meilleure que les autres Segond. Ce n’est donc pas la meilleure, mais la moins mauvaise…

    1. Marc Pernot dit :

      Merci pour cet avis
      A la nouvelle français courant, je préfère de loin la « Bible de la liturgie » qui est assez agréable à la lecture, surtout la lecture publique.

  2. Marie dit :

    MERCI ❤️ Marc Pernot! J’aimerais rajouter qu’il y a une GRANDE différence entre l’euthanasie active dont Exit fait la promotion, et l’euthanasie passive, dont on parle quand on donne à un patient une « sédation longue et continue », c.à.d un analgésique puissant, dont on accepte conjointement avec le patient qu’il peut provoquer la mort. La différence, c’est que dans l’euthanasie passive, on est toujours dans le soin: le but est d’alléger la souffrance de cette personne, qu’on ne peut plus alléger autrement, quitte à prendre le risque que ce médicament provoque la mort. C’est aussi bien différent pour les soignants! Avec toute mon amitié 🙂

    1. Marc Pernot dit :

      Tout à fait du même avis que vous. Merci pour cette précision.

  3. Clara dit :

    Quand il n’y a pas ou plus de famille pour aider, que les amis sont loin…on est seul avec sa souffrance ,ma foi…Et même, pour avoir vu mon père et ma mère tant souffrir, je ne pense pas que les voir partir par choix m’aurait davantage fait mal . Du reste, pour ma mère, ils lui ont donné de quoi s’appaiser doucement, dirais-je… j’ai juste été un peu étonnée qu’on ne me consulte pas alors qu’elle ne pouvait plus décider. Mais comme vous dites, Marc , cela reste très personnel .

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