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Bible

Quelle attitude à avoir en tant que chrétien dans les conflits ? dans la réalité, c’est pas facile

Par : pasteur Marc Pernot

Ne pas abandonner nos idéaux pour autant, en affiner l’application avec cœur et lucidité ?

Question posée :

Je me pose la question de l’attitude à avoir en tant que chrétien dans les conflits. Je pense que l’attitude chrétienne, c’est aussi d’écouter l’autre, de trouver des compromis et ne pas d’emblée chercher que ses propres intérêts. Dans la réalité, c’est pas facile et peut-être que pour éviter les conflits, je préfère rennoncer trop souvent à mes intérêts. A la longue, cela peut créer des frustrations et des rancunes et même de l’hostilité. Finalement, cela n’est pas non plus une attitude chrétienne, je pense que de nourrir des rancunes envers son prochain. Celà me fait penser au passage de l’évangile où il est dit de tendre la deuxième joue…Comment interpréter ce passage?

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

C’est une réflexion si fine et nuancée que vous nous proposez là.

Cela est le propre de l’humain, debout sur ses pattes arrière. La tête au ciel (avec un idéal inatteignable puisqu’il est rien de moins que Dieu), et les pieds sur terre (là où nous connaissons des contraintes de ressources limitées, un monde mitigé de beauté et de rudesse, de joie et de souffrance, de merveille et de chaos). Notre être et notre vie sont en tension entre ces deux pôles. Comment dirigerons-nous nos pas ? Que ferons-nous avec nos mains ? Que dirons-nous avec notre bouche ? A quoi à qui ferons-nous attention ? C’est une situation d’une richesse inouïe. Évidemment délicate. Avec une part de tragique. C’est pourquoi il est excellent que Dieu nous soit en aide et manifeste en Christ un pardon radical. Cela nous autorise à tenter de faire au mieux.

C’est ce que vous faites manifestement inspiré.
Et par votre réflexion vous mettez exactement le doigt sur le nœud de la question. Nos forces sont limitées et si nous sommes le berger de nos frères et sœurs, nous avons aussi pour mission d’être le berger de nous-même car si nous sommes blessés, diminué, éprouvé moralement, fatigué, dépouillé… ce n’est pas bon non plus. Dans l’Evangile on voit souvent Jésus cesser d’être disponible à la foule pour aller à l’écart reprendre des forces dans la tranquillité et dans la prière. Bien souvent on le voit esquiver la persécution sans se laisser lapider ou massacrer. On le voit répondre à ses opposants de façon assez musclée. Et ce n’est qu’en désespoir de cause qu’en fin de compte il se sent acculé à s’exposer fortement au point d’être exécuté. Votre réflexion est donc juste et légitime. C’est une question de curseur, de déterminer dans une situation particulière jusqu’où on pense devoir aller. Et il n’existe pas de règle absolue quant à cela. C’est un point génial dans l’Evangile du Christ de nous donner un idéal infini, inapplicable : cela nous donne la liberté de chercher à faire au mieux, avec intelligence (insiste Jésus).

Il y a une autre question. Si l’on se laisse trop tondre par les méchants, c’est généreux, altruiste. En même temps cela laisse gagner la méchanceté, si on laisse faire une méchanceté à une personne, cela ne l’aide pas à prendre conscience qu’il y a un problème dans sa conduite injuste. Mais si l’on répond au mal par une réaction sévère, cela ajoute du conflit à la méchanceté, et le bilan n’est pas forcément génial non plus et nous nous sommes aussi abîmé en laissant la violence passer par nous. C’est donc à mesurer selon notre conscience, en faisant au mieux.

Dans ce registre des commandements qui posent question car ils ne peuvent être érigés en absolu il y a ce passage que vous soulignez : « Jésus : Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. » (Matthieu 5:39). Il serait tout à fait cruel d’appliquer cela à la lettre et de laisser les pédophiles, violeurs et gangsters, esclavagistes et tyrans… faire leur œuvre sans leur résister ! Ce ne peut pas être ce que propose Jésus. Donc en disant cela, alors que nous savons que ce n’est pas un crétin, il nous donne une impulsion pour nous poser des questions par nous même et à envisager d’autres solutions que de réagir à la violence par une violence plus grande, d’au moins atténuer (par exemple en enfermant un dangereux prédateur afin d’éviter de futures victimes, et en le privant de liberté sans le priver de son humanité, de sa dignité ?)? Jésus lui même résiste souvent aux méchants en leur posant des questions, c’est aussi une piste. Frappé par un soldat romain, il ne tend pas l’autre joue mais lui demande pourquoi est-ce qu’il le frappe ? Ensuite il est possible d’interpréter entre les lignes des pistes dans le détail de ces mots de Jésus. Tendre l’autre joue est tendre une autre face de son visage, se présenter autrement à son agresseur ? Ou voir nous-même l’agresseur d’un autre regard et décider de ce que nous choisirons de faire en fonction de ce double regard, celui voyant mon agresseur et celui voyant une personne qui se porte mal et que j’aurais, ou non, vocation à soigner, ou à fuir (cela arrive aussi).

Je suis donc parfaitement d’accord avec votre réflexion fine, sincère et vraie. La solution que propose Saint Augustin à ce genre de dilemme, face au méchant, est célèbre, et fort utile. Elle est malheureusement souvent tronquée :

Une fois pour toutes,
Ce bref commandement t’est donné :
Aime et fais ce que tu veux.
Si tu te tais, tais-toi par amour
Si tu parles, parles par amour
Si tu corriges, corriges par amour
Si tu pardonnes, pardonne par amour.

Aie au fond du cœur la racine de l’amour
De cette racine, il ne peut sortir que du bien
« En cela consiste l’amour.
Dieu a fait paraître son amour pour nous,
en envoyant son Fils unique dans le monde,
afin que nous vivions par lui.
Et voilà en quoi consiste cet amour :
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu,
mais c’est lui qui nous a aimés le premier » (voir 1 Jn 4,8-9)

Saint-Augustin
(Commentaire de la 1e lettre de Jean VII,8)

La question se pose ainsi en amont de notre réaction aux événements de la vie et aux contacts rugueux parfois avec les autres. Il s’agit de se laisser inspirer dans la construction de soi, et arriver ainsi à une lucidité plus éclairée. Vue votre question, il me semble que vous êtes sur la bonne voie pour cela. La réflexion joue, avoir de l’idéal joue aussi, la lucidité, et l’amour du prochain et de soi-même. Cela se travaille dans la prière, face à Dieu pour qu’il nous aide dans cette construction d’un amour vrai, et d’un discernement avisé. Peu à peu, palier par palier. Alors que nous marchons encore à tâtons.

Le tout sous la bénédiction de Dieu, qui nous accompagne et nous pardonne, nous encourage.

par : pasteur Marc Pernot

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