une fenêtre dans une pièce ronde et sombre - Image par Peter H de Pixabay
Ethique

Peut-on vraiment parler de responsabilité morale ? Nous sommes libre ou soumis au déterminisme ?

Par : pasteur Marc Pernot

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Question posée :

Cher pasteur,

Je me pose des questions au sujet de la responsabilité morale d’un individu lorsqu’il commet des actes jugés immoraux. Faut-il penser comme le dit l’incompatibilisme que si les êtres humains sont soumis au déterminisme, il n’y a pas de responsabilité morale ? ou y a-t-il une possibilité d’envisager un compatibilisme, et de dire que l’être humain, malgré un certain déterminisme, est libre de certains de ses choix ?

Je me pose cette question à propos de la psychopathie par exemple. Ce trouble psychique est dû à des problèmes génétiques et environnementaux : les psychopathes ne sont donc pas réellement « coupables » ou responsables de ce qu’ils sont devenus. Un autre exemple : des lésions au lobe frontal font que certains individus ont des comportements agressifs, violents, imprévisibles envers les autres. Ici, un problème d’ordre physiologique semble empiéter sur le terrain de la morale.
Pourquoi cette question me hante-t-elle ? parce qu’il me semble que la question de l’éthique et de la morale ne tiennent plus debout s’il y a véritablement déterminisme et incompatibilisme. Et dans ce cas, il me semble qu’il est impossible de mettre en application les Evangiles…

Qu’en pensez-vous ?

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Bravo pour cette excellente et très profonde question.

Je pense qu’effectivement, nous pouvons avoir l’impression que la personne humaine décide par réflexe instinctif, et n’a pas grande liberté par conséquent de ses actes, étant victime de son propre esclavage. Ce n’est pas faux, mais en même temps, cela me semble exagéré. Pour deux raisons :

    1. Notre liberté est relative, certes elle est mince, mais une marge existe dans un moment de décision, nous avons une certaine latitude, parfois celle de différer un petit moment la décision le temps de la peser. Notre degré de liberté, à un moment donné et dans des circonstances données sont plus é évaluer sur une échelle de 0 à 10 comme le font les médecins en ce qui concerne la douleur, par exemple.
    2. La liberté par rapport à soi-même se travaille comme un muscle, et noter relation à Dieu qui nous permet de recevoir son aide irremplaçable dans ce domaine se travaille aussi.

Il est exact que dans le cas de pathologie profonde, le degré de liberté de la personne est alors réduit, voire nul dans les pire des cas. C’est rare, je pense. En général il demeure au moins un petit point de liberté, si ce n’est dans l’instant d’une décision urgente à prendre, au moins dans l’organisation de sa semaine. Notre liberté fondamentale, essentielle se pose ainsi fondamentalement, je pense, dans le fait d’investir une part de temps et d’énergie dans la réflexion et dans la prière (les deux travaillant en équipe). Cela fait évoluer ce que nous serons demain, nous ne serons alors plus à même de prendre de la hauteur de vue, et d’avoir plus de latitude dans notre façon de décider.

C’est ainsi que la Bible, et particulièrement l’Evangile parle de notre liberté non pas comme une évidence, mais comme un travail en cours, comme une bénédiction à recevoir, comme un cheminement à vivre, pas à pas, à travers fleuves et déserts. En effet, l’image de la Bible Hébraïque de la libération hors de l’esclavage en Egypte est reprise dans l’évangile avec une libération existentielle, intellectuelle, religieuse et spirituelle de la personne humaine.

Cette distinction entre morale et éthique est un petit peu exagérée puisqu’à la base il s’agit de deux mots, l’un en latin et l’autre en grec, pour parler de la même chose. Seulement, Paul Ricœur (je pense que c’est lui) a utilisé ces deux mots différents pour affiner, nuancer et complexifier la réflexion dans ce domaine, ce qui est loin d’être inutile. Cette construction de la personne comme étant un petit peu plus maître de ses propres choix et valeurs serait plus du côté de l’éthique, par opposition au moralisme qui fixe des règles absolues, venant souvent brutalement et sans discernement percuter les circonstances complexes d’une vie humaine.

L’Evangile n’est pas comme cela. Jésus n’est vraiment pas moraliste, ses commandements sont manifestement absolus, complexes, et paradoxaux, cela invite à la réflexion, au questionnement, au cheminement, à l’espérance, à la souplesse d’adaptation au cas par cas, assumant la complexité et parfois le tragique de l’existence humaine avec cette annonce de la grâce radicale de Dieu.

Et cela appelle à la compassion, à soigner les personnes frappées par la maladie, y compris bien entendu les maladies psychiques qui sont source d’immense souffrances et de handicaps. La libération passe aussi par la compassion. D’autant plus que si la personne individuelle est sur ce chemin de libération, l’humanité, comme un corps, est amenée aussi à cheminer en ce sens, ce qui est encore plus lent et complexe.

C’est pourquoi l’Evangile n’est pas seulement une ouverture à un travail sur nous-même, il est aussi une ouverture vers Dieu, le créateur qui, s’il n’est effectivement pas « tout puissant », est réellement puissant et au travail dans ce domaine.

Même si nous liberté est relative, il me semple que la notion de responsabilité est importante. C’est un appel à se sentir être une personne, pas seulement le produit des circonstances. Nous le sommes en partie, mais précisément il y a quelque chose d’essentiel qui fait que nous ne sommes pas le seul produit de notre histoire et de notre environnement. Nous pouvons donc faire un effort de compréhension et de bienveillance vis à vis de la personne, vis à vis de nous-même et de notre prochain. Je garderais donc la notion de responsabilité, je lui adjoindrais celle de vocation, une sorte de responsabilité tournée vers l’avenir, vers le devenir, vers les choix et vers l’action aussi.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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2 Commentaires

  1. L'auteure de la question dit :

    Merci beaucoup pour cette réponse très riche et très intéressante !
    Et merci beaucoup pour ce blog aussi, vraiment passionnant !

    1. Marc Pernot dit :

      Merci à vous !
      Très sympa d’encourager !

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