Où se trouvent l’amour et la paix dans ces versets du coran ?
Question posée :
Bonjour Monsieur le pasteur,
Je vous félicite pour votre blog et vous remercie pour l’amour de Dieu inspirant chacune de vos réponses.
Vous avez lu le coran. N’avez-vous pas été désagréablement saisi par le fait que, après avoir loué allah, la première chose que propose le coran est, en 18 versets, de diviser l’humanité en deux, les musulmans d’un côté et les non-musulmans de l’autre, et d’instiguer la haine contre ces derniers en les insultant (infidèles, faibles d’esprit, …) et en les vouant aux gémonies (grand châtiment, douloureux châtiment) ? En tant que non-musulman, ai-je tort d’être peiné ? J’insiste bien sur le fait que c’est la première chose qui est dite dans le coran, ce qui n’est pas anodin, et que c’est répété avec insistance. N’est-ce pas soumettre à la tentation de la haine ? Dieu, qui a résumé les commandements en un seul « Aimez-vous les uns les autres », aurait-il pu dicter un livre en commençant par soumettre son peuple à une telle tentation de haine ?
On y lit « C’est Allah qui Se moque d’eux » : Dieu se moquerait des hommes qui ne sont pas musulmans ? Alors que dans les évangiles, le bon pasteur cherche la brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve … et pas pour se moquer d’elle ? Dites-moi, svp, où se trouvent l’amour et la paix dans ces versets du coran ?
J’ai beaucoup souffert après avoir lu cela. Qu’en pensez-vous ?
Je vous remercie pour votre attention.
Bien sincèrement,
Réponse d’un pasteur :
Cher Monsieur
Oui, j’ai lu le Coran, une fois. J’ai lu la Bible, bien bien plus, évidemment.
Dans l’un comme dans l’autre de ces livres, il est fréquent que le texte dresse une figure du juste et une figure du méchant, du fidèle et de l’infidèle, du sauvé et du damné. Comment interpréter ce genre de passages ? Depuis toujours, il y a deux interprétations possibles, et le choix que faisons entre ces deux types d’interprétation est à mon avis tout à fait essentiel non seulement pour ce qui est de notre religion mais pour notre façon d’être dans la vie.
- La première interprétation est de lire ce genre de textes comme annonçant une sélection des personnes par Dieu. Il envoie au paradis les justes et il se débarrassera des méchants au jour du jugement.
- La seconde interprétation est de lire ce genre de textes comme comme annonçant la miséricorde de Dieu qui sait discerner en chacun de qui est bon et même ce qui pourrait devenir bon dans chaque personne, un Dieu qui œuvre et qui appelle à œuvrer pour développer en chacun le meilleur, convertir ce qui reste inachevé ou mauvais. Dieu n’est pas vu comme un examinateur ou un bourreau mais comme un médecin.
Ces deux lectures sont possibles. Et elles ne sont pas sans avoir des conséquences bien réelles sur notre façon de concevoir l’idée même de justice. Selon ces deux types de lecture, cela peut par exemple conduire :
- Pour les personnes et communautés de la première interprétation : ces textes peuvent parfois être pris comme un appel à se rassembler entre « bonnes » personnes, à éliminer les « mauvaises » personnes de son église, de sa famille et de ses relations… et cela peut aller jusqu’à dans une sorte de guerre sainte (quand la personne pense que c’est à elle d’appliquer elle même le jugement de Dieu – ce qui est quand même assez osé)
- Pour les personnes et communautés de la seconde interprétation : ces textes sont compris comme un appel à devenir soi-même meilleur, à compter sur Dieu pour aider et guérir chacun et pour faire progresser l’humanité. La guerre sainte est alors celle du meilleur en nous-mêmes contre ce qui est moins bon en nous, ce qui est souffrant.
Alors, c’est vrai qu’il existe des musulmans et aussi malheureusement bien trop de chrétiens pour faire une lecture terrible de ce genre de textes qui existent dans la Bible comme il en existe dans le Coran. Et qu’ils en tirent une conception de Dieu qui inspire la crainte, un Dieu de haine et de vengeance contre l’homme insuffisant. Cette théologie inspirant une morale tranchante contre les individus rapidement classés en justes (ceux de mon club, de mon église, de mon parti, de ma religion ou de ma chapelle) et en injustes (les autres) qui sont à combattre et même à éliminer.
Mais, à mon avis le sens littéral du texte du Coran et encore plus celui de la Bible, et infiniment plus encore celui de l’Evangile du Christ appartient logiquement à la seconde lecture, typologique.
Car nous savons bien, en réalité que nous ne sommes pas parfait. Que personne ne l’est (sauf Dieu), et que nous sommes donc tous, chacune et chacun au bénéfice de la miséricorde de Dieu (comme le disent les premiers mots du Coran, et comme le montre la vie même de Jésus-Christ à travers ses actes et ses paroles).
Bien des textes de la Bible me semblent ne pouvoir être lus que selon l’interprétation typologique (n°2). Par exemple le Psaume 1er (voir ici, avec un court commentaire). Ou dans cette page d’évangile appelée « le jugement des nations » (voir cette prédication), ou dans le récit du déluge (voir cette prédication).
Donc, non, Dieu ne se moque pas des infidèles, mais il nous aide à guérir de notre infidélité. Il espère et y travaille sans cesse. Par la miséricorde et non par la violence. Par la tendresse maternelle et non par le meurtre. Car il est la source de la vie, et c’est comme cela, toujours par un supplément de miséricorde et de vie qu’il établit la justice.
Et donc où se trouve l’amour et la paix dans le Coran ? dès les trois premiers mots de ce livre, il est déjà marqué deux fois : « Bism’Allah alr’rahman alr’raheem (Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux) », avec d’ailleurs un mot « miséricorde » qui est apparenté, me semble-t-il, avec le mot hébreu rakham qui signifie également la miséricorde, la tendresse maternelle de Dieu dans bien des passages de la Bible, et que manifeste véritablement Jésus-Christ.
Avec mes amitiés
Dieu vous bénit et vous accompagne de sa tendresse
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