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Question

Où en sommes nous de l’unité des chrétiens ? Qu’espérez-vous ?

Par : pasteur Marc Pernot

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Prêts à se prendre dans les bras ? Ou à se battre ? C’est au choix.
« Je te prie, Père, afin que tous soient unis »
(Jean 17:21)

Question posée :

Bonjour,

Je suis catholique mais j’aime bien passer sur ce blog, je trouve les publications et les échanges intéressants. Dans ma vie de foi, j’apprécie toujours les partages avec des protestants, même si j’ai des vues divergentes sur certains points.

J’avais envie de poser une question concernant l’unité des chrétiens. Ces dernières années, j’ai l’impression qu’un rapprochement sensible se produit entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe. Des jalons d’unité possible se posent, des efforts de compréhension réciproque sont entrepris.

J’aimerais savoir comment des protestants vivent ces rapprochements. Vous sentez-vous concernés ? Avez-vous vous-mêmes des aspirations à l’unité des chrétiens ? Quels sont vos obstacles majeurs à un rapprochement avec ces deux Eglises ? Pensez-vous que l’unité soit possible à moyen terme ?

Je serais intéressée par un débat à ce sujet.

Merci pour la qualité de ce blog !

Réponse d’un pasteur :

Bonjour Madame

Merci pour les encouragements, c’est bien motivant. Même si c’est de bon cœur que je fais ce blog et le site, c’est quand même en plus du boulot, donc un peu de félicitations fait du bien 🙂

Tous gestes de communion est bon à prendre et réjouissent nécessairement toute personne de bonne volonté, je pense. Donc tant mieux s’il y a des rapprochements entre l’église romaine et les diverses églises orthodoxes. Sans arrière pensée.

Personnellement, je suis depuis toujours très porté sur l’œcuménisme, dans toutes les paroisses où je suis passé. Cela me semble être un geste important et cela nous aide en tout cas (les protestants, et moi-même, en tout cas) à progresser un petit peu vers une plus grande fidélité. Cela permet aussi d’entourer des personnes et des familles œcuméniques.

En réalité, à ce niveau là, nous nous sentons déjà unis, par un respect mutuel qui n’est pas de façade mais surtout par l’évidence que notre foi en Christ est commune. Que certains

  • prient Dieu et parfois la vierge alors que nous ne prions que Dieu,
  • mettent de l’encens et chantonnent une partie de la liturgie alors que notre culture est dans une forme plus simple (voire plus austère),
  • mettent une aube et une étole alors que nous mettons une robe noire et un rabat blanc,
  • usent d’hosties alors que nous préparons du pain levé…

tout cela n’est pas sans importance mais ce n’est pas un sujet de divisions. C’est une diversité  assumée et joyeuse qui ne nuit pas au sentiment de faire partie du même corps. Le corps du Christ.

A l’occasion, nous baptisons ensemble, entourons les couples pour leur mariage, faisons de l’entraide, nous réunissons autour de la Bible et pour des cérémonies œcuméniques à chaque occasion…

A vrai dire, ce qui se passe dans les hautes sphères du pouvoir ecclésiastique ne me préoccupe pas trop tant que cela ne nuit pas à notre possibilité de vivre notre communion en Christ au niveau des personnes, des familles et des paroisses, tant mieux si cela l’encourage. Pour le reste, il y a certainement du travail accompli dans les hautes et très hautes sphères. Il y a un travail catho-orthodoxe, il y en a un entre catho et protestants luthériens avec un accord important sur la justification en 1999 et des travaux et actions réalisés pour le centenaire des 95 thèses de Luther en 1517… Tant mieux, mais j’ai la vocation d’être pasteur de paroisse, le reste est un petit peu en dehors de mes préoccupations quotidiennes, à vrai dire.

À mon niveau de pasteur, ce que j’espère c’est que nous puissions ainsi accompagner au mieux les personnes et les familles. Vatican II a été une bénédiction pour les familles mi catholiques mi protestantes. Jean-Paul II avait initié un refroidissement terrible dans les relations œcuménique avec « Dominus Iesus » en 2000, un texte ressenti très douloureusement par les églises protestantes et tendant la main aux églises orthodoxes, comme vous le soulignez. Nous avons alors eu une dizaine d’années assez difficiles un peu partout dans le monde en ce qui concerne l’œcuménisme avec l’église romaine, puis les choses se sont assouplies de ce côté là et cela va bien mieux. Le pape François ne semble pas être très progressiste au niveau du dogme, mais il a souvent le don de placer les projecteurs sur l’essentiel plus que sur l’accessoire, et cela donne de fait plus de liberté pour s’occuper de cet essentiel qui est commun à tous les chrétiens.

Je ne trouve pas que l’unité soit seulement à espérer à moyen terme, mais qu’elle est déjà bien réelle entre catholiques et protestants, au niveau des personnes.

En réalité, la difficulté entre chrétiens ne se situe pas vraiment entre catholicisme et protestantisme mais la question se situe à mon avis plutôt là, entre ces deux courants qui montent aussi bien dans le catholicisme que dans le protestantisme : les progressistes versus les conservateurs, ceux qui vivent leur foi de façon ouverte et ceux qui préfèrent vivre leur foi entre personnes de la même sensibilité. Entre ceux qui considèrent leur propre façon de voir et de pratiquer est sacrée, divine, et ceux qui considèrent que Dieu est au delà de toute parole et de tout rite humain. Entre ceux qui considèrent qu’il y a des fidèles (à l’intérieur de leur église) et les infidèles (à l’extérieur). Cela donne :

  • D’un côté un courant qui allie la spiritualité et la réflexion la plus intelligente possible, se réjouissant du pluralisme, insistant sur la sincérité de la relation à Dieu et de la réflexion de chacun.
  • et de l’autre un courant qui valorise comme essentiels une adhésion à une doctrine, ses rites ou sa compréhension des Ecritures, valorisant aussi l’expérience religieuse collective très régulière, faisant de cela le ciment de la communauté chrétienne.

C’est bien le droit de chacun de vivre sa foi comme il l’entend, franchement. En ce qui concerne le mouvement cherchant à vivre l’unité des chrétiens, il est plus facile de vivre cela dans le premier courant, car il permet une communion dans la diversité des formes. C’est la tradition la plus ancienne parmi les disciples du Christ, unissant des personnes aussi différentes dans leur sensibilités Pierre, Jean, Jacques « frère du Seigneur », Paul, Marie, Marie-Madeleine… Acceptant qu’il y ait dans la famille des disciples du Christ des chrétiens « judaïsants », et d’autres ne suivant pas la Loi de Moïse, des courants baptisant leurs membres et des courants comme celui de Paul ne le pratiquant qu’exceptionnellement…

Le rapport que nous avons avec notre propre façon d’être chrétien est ainsi plus déterminant pour l’unité des chrétiens, que le fait d’être de telle ou de telle confession. C’est ainsi notre propre conversion qui est la clef, replaçant le Dieu de Jésus-Christ au centre, à un autre niveau que nos légitimes façons d’exprimer notre foi, de la vivre, d’interpréter la Bible, et de rendre un culte à Dieu.

Avec les orthodoxes, dans l’accompagnement des familles,  j’ai toujours rencontré plus de difficultés qu’avec les paroisses catholiques, car les rites orthodoxes sont souvent du genre non négociable rendant difficile de faire place en parité aux deux confessions pour un mariage, par exemple, ou pour un baptême. Pour le reste, les rapportes entre théologiens est bon, et entre fidèles de la base, dans las familles, cet œcuménisme là ne pose pas de problèmes dans la plupart des cas, je pense.

Avec les églises « évangéliques », baptistes, pentecôtistes, l’œcuménisme n’est pas très facile, à mon avis, alors même que ces courants chrétiens sont souvent issus historiquement de la même réforme protestante du XVIe siècle. Il est en effet souvent difficile de lire la Bible ensemble (alors qu’avec l’église romaine nous avons la même démarche d’exégèse), il y a souvent une difficulté de reconnaissance du baptême d’une personne baptisée dans notre église (alors qu’il y a une pleine reconnaissance entre nous avec les catholiques sur ce plan là).

Je nous sens donc dans une unité profonde. Si l’on parle d’espérance de progrès à moyen terme, j’aimerais que le signe visible non seulement d’un accueil eucharistique mais d’une intercommunion joyeuse et sincère soit généralisé, comme l’est notre reconnaissance des baptêmes pratiqués dans les autres églises et éventuellement de baptêmes explicitement œcuméniques.

Ensuite, faudrait-il à terme une institution commune ? Je ne vois pas très bien en quoi ce serait essentiel, plus l’institution est grande et plus elle a tendance à se penser comme essentielle. Faudrait il un représentant (plus qu’un chef) qui parlerait d’une seule voix au nom de tous les chrétiens ? J’en vois l’intérêt potentiel, mais je n’y tiens pas tellement. Même le Christ, me semble-t-il a résisté à cette tentation de faire cela, préférant l’action au raz de la vie de la ou des personnes rencontrées, c’est là qu’il faisait des miracles.

Dieu nous bénit tous et toutes, ou plutôt chacune et chacun

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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