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Ethique

Comment faire progresser les membres d’une paroisse sur le plan des idées ?

Par : pasteur Marc Pernot

Suite à la question d’un pasteur désirant combattre l’homophobie.

Réponse d’un pasteur :

Cher collègue,

Grand merci pour votre confiance et pour vos encouragements ! Bravo pour ce ministère que vous avez et l’attention que vous portez à ces personnes qui ont soif de Dieu.

Ma réponse est assez simple : il n’est pas bon de faire du moralisme dans l’église, et encore moins pendant la prédication.

Aujourd’hui, on voit revenir à la surface une sorte de néo-moralisme. Cela fait, je le pense sincèrement, un mal immense fait contre l’image de l’Évangile, de Dieu et de la foi. Ce n’était absolument pas l’attitude de Jésus. Les seules fois où il parle de façon très sévère, c’est pour critiquer le moralisme des religieux intégristes qui lient des fardeaux sur le dos des gens. C’est bien entendu délibéré de la part de Jésus, le genre moraliste existe dans « la loi et les prophètes » de son temps. Et je suppose qu’il avait ses petites idées sur le joyeux métier d’un centurion (l’invasion et l’occupation romaine étaient féroces), d’un péager, ou des prostituées qu’il dit nous devancer dans le royaume de Dieu. Jésus ne critique pas la xénophobie de ceux qui pensent qu’il n’y a rien de bon qui peut venir de Nazareth, ni le fait de posséder des esclaves.

C’est une question de stratégie : imposer telle telle « vérité » (a priori juste et bonne puisque c’est nous-mêmes qui l’avons pensée et que nous sommes supérieurs aux autres, hihi). De toute façon : espérer imposer une « vérité » aux autres est contre-productif  :

  1. Aux personnes qui ne sont pas du tout de notre avis, on dit alors qu’elles n’ont pas leur place dans l’église avec ces idées-là  : c’est fâcheux pour leur avenir, et c’est fondamentalement contraire à l’idée même de la grâce.
  2. Un message moraliste dit haut et fort que les gens n’ont pas à penser par eux-mêmes puisque nous allons leur dire la vérité vraie. Même si nous avons raison sur ce point particulier, c’est contraire à la démarche même du salut qui travaille en faveur de la genèse de chaque personne par Dieu.
  3. C’est plutôt Dieu le vigneron qui taille la vigne (Jean 15), c’est l’Esprit qui grandit la personne. Notre boulot à nous n’est pas d’enlever la paille dans l’œil du voisin (Matthieu 7:5), mais si nous voulons enlever quelque chose, mieux vaut commencer à enlever la poutre dans notre propre œil, nous dit finement Jésus. Vouloir imposer notre ablation de paille est de l’hubris de la part du prédicateur moraliste.

La « vérité » est une personne  : le Christ, c’est Dieu qui est « bon », lui seul, nous dit Jésus. C’est cela que nous apportons, pas nos « vérités » au sens de morale. Et effectivement, mieux vaut avoir pour visée de réconcilier les personnes avec Dieu, de leur donner la confiance, avec le Christ, dans la grâce de Dieu, de transmettre les encouragements de Jésus à penser par eux-mêmes, en se posant toutes les questions, en étant prêts à remettre en cause des choses qu’on leur avait présentées auparavant comme certaines et vraies, de leur montrer que Christ est un appel à cheminer (Abraham aussi)…  Alors, nous aurons fait notre boulot et on laissera à Dieu le soin de faire le reste, sans prendre sa place.

J’ai résolument accompagné les couples de personnes de même sexe depuis des dizaines d’années, avant même que l’église le permette ; je le faisais à cette période dans un cadre privé. Mais il m’est pas venu une seconde à l’idée qu’il serait pertinent de faire un culte contre l’homophobie, ni même pour l’inclusivité. J’ai épousé une femme d’une autre ethnie que moi, mais il ne me vient pas une seconde à l’idée de faire un culte contre la xénophobie ou le racisme, même si ma femme a subi du racisme frontal à Paris, y compris dans l’église (heureusement pas du tout à Genève).

Le seul moralisme qu’il nous faut bien avoir, quand même, c’est de refuser qu’une personne en injurie une autre au sein de la paroisse, ou veuille exclure d’autres personnes. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. Et quand cela arrive, nous devons agir. À contrecœur pour les raisons ci-dessus, mais le faire quand même, le plus respectueusement possible. Une paroisse doit être un lieu sûr où l’on ne sera pas agressé comme on peut l’être sur les réseaux sociaux.

Il est regrettable, à mon sens, d’entendre une parole qui donne l’image d’une église qui fait la leçon aux gens en levant sa règle comme un instituteur du temps de Marcel Pagnol (peut-être, et encore). La crise de l’Église n’est tant une crise de la réflexion ou de la spiritualité qu’une crise de la « vérité » affirmée, de l’Église surplombante, en majesté et en gloire… Je ne suis donc absolument pas de l’avis de ceux qui encensent la femme évêque qui a fait la leçon à Donald Trump du haut de la chaire. C’était facile, sans risque, et contreproductif. Elle s’est fait plaisir à elle-même, mais pensez-vous qu’un seul électeur républicain (sans parler des grands-Maga en chefs) a changé d’opinion après ses paroles ? Prendre à partie une personne, ou certaines personnes du haut de la chaire est une violence, or la violence engendre de la violence, rarement des sentiments de miséricorde. Pourtant nous sommes d’accord, il y a des comportements qui sont du venin, qui font du mal dans notre société, l’homophobie tue vraiment des personnes, brise des vies, fait exploser des familles, fait perdre la foi quand cela arrive dans une église. Mais, comme le dit Jésus, ce genre de démons de sort que par la prière (Marc 9:29) : mieux vaut compter sur Dieu et aider ces personnes à penser par elles-mêmes et à prier. Or, la leçon de morale enjambe tout cela, tend à rendre inutile tout cela. Quand le pasteur se place au dessus des gens, il fait obstacle entre les personnes et Dieu.

La loi civile, a effectivement pour rôle de rendre la vie possible en société et donc de bannir le racisme, l’homophobie, les « thérapies » de conversion, les paroles qui traitent l’homosexualité de maladie mentale… Laissons la loi faire son job. Et occupons nous du nôtre, d’accueillir chacun sans lui cracher dans l’œil (parce que nous y avons cru y discerner une paille).

Bien fraternellement,

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc

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8 Commentaires

  1. Marie-Claire dit :

    Ah oui, des leçons de morale certains savent en faire, en fait, ils ne font plus que ça. Merci à vous Marc Pernot d’être différent

  2. Stéphanie dit :

    Rabbouni, je suis convaincue par l’approche chrétienne par contre, je ne suis pas d’accord sur le jugement de l’action de la révérende Mariann Edgar Budde. Premièrement, je pense qu’un peu de politique est nécessaire dans l’espace temporel et qu’il est possible de le faire de manière sincère et chrétienne (il ne me vient pas de référence biblique mais je ne serais pas suprise de trouver des passages où Jésus ait pris certaines postures par nécessité). Deuxièmement, elle a fait ce que tu dis, elle a rappelé le message de miséricorde et ce sont les commentateurs qui ont fait un acte politique symbolique (bien sûr c’était réfléchi). Troisièment, devant les « tout puissants » c’est plutôt courageux que d’essayer d’utiliser sa position et le porte voix qui nous est donné pour rappeler le message du Christ.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Stéphanie, je t’entends. J’ai vu la vidéo de sa harangue, je suis bien entendu d’accord avec le fond mais trouve inapproprié cette façon de faire, je l’ai trouvée violente, un appel à la miséricorde sous forme d’un jugement directement porté publiquement contre une personne… On ne combat pas la violence par la violence, ni le trumpisme en se mettant à son niveau, profitant de son pouvoir de l’instant pour le projeter contre l’autre.
      C’est effectivement le rôle du chrétien d’avoir une vraie réflexion politique, et de s’engager, et la prédication doit faire appel à cela, mais pas se substituer à cela. Mais bon, je sais que c’est une question très discutée dans l’église.

  3. Marie-dominique dit :

    J’apprécie cette intention que beaucoup de personnes souhaitent. Cela permet la rencontre, des partages plus spontanés, au pasteur de mieux connaitre des attentes. À mon sens, cela introduit une dynamique spirituelle et intellectuelle dans la pratique, crée une synergie des capacités autant qu’une fraternité, de fait une communion… Tous en chemin, en chaque personne, il y a des faims, des attentes… Merci pour cette proposition. J’avais fait, là où je vis, une suggestion, une attente laissée sans suite  : celle de mettre à la sortie du lieu de culte une boite où les fidèles pourraient mettre leurs questions ou besoins ou difficultés pour avancer davantage.Utilité aussi pour l’officiant attitré au lieu de culte de mieux connaitre ses paroissiens.

  4. Pascale dit :

    Je suis tout à  fait d’accord, il est primordial que la prédication ne se transforme pas en leçon de morale, et ce d’autant plus qu’elle peut s’adresser à un auditeur occasionnel, à une personne en recherche,… Mais du fait de sa fonction, les opinions ou les choix personnels du pasteur, qu’il va nécessairement exprimer, que ce soit par ses paroles, sa façon d’être ou de vivre, vont avoir un impact particulier. Qu’il le veuille ou non, il y a tout de même là, une sorte de leçon de morale,  qui peut contribuer à faire évoluer les personnes qui le côtoient, qui l’apprécient, qui lui font confiance. L’équilbre entre bousculer et déranger au risque d’être à la limite du nocif est un exercice périlleux. Car cela ne me semble pas tenable pour un paroissien d’être en constant désaccord avec le pasteur. Un minimum de projet commun entre le pasteur et la communauté à laquelle il s’adresse est indispensable.
    Par ailleurs, pour ce qui est de l’accueil des couples de même sexe, c’est l’ensemble de l’Église qui a encore bien des progrès à faire. Par exemple, au sein de l’EPUdF, cela reste possible pour un pasteur de refuser de faire une bénédiction de mariage pour un tel couple, ce qui serait évidemment impensable pour un couple multi ethnique.
    Enfin, pour répondre à la question posée dans le titre, ce site participe grandement à faire progresser les idées. En tout cas, cela vaut pour moi.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Pascale, grand merci pour cet excellent complément. Je vosu en suis très très reconnaissant.

  5. Morgane dit :

    Bonsoir, merci pour votre Parole qui décale le regard. Que cela fait du bien !
    Je rencontre des soucis similaires sur le sujet de l’écologie-climat. Personnellement, la prière et une compréhension plus profonde de la pensée biblique m’ont été d’une grande aide pour ne pas faire la morale et aller vers une relation « vraie et empathique » (ça reste difficile pour moi de ne jamais critiquer plutôt que de comprendre, mais j’ai espoir).
    Je crois que beaucoup de membres de nos églises manquent de confiance et c’est la peur qui guide ces comportements « politisés ». Il est bon de s’inquiéter mais il ne faut pas paniquer. J’aime beaucoup votre stratégie : faire réfléchir par soi-même et donner à l’autre sa dignité en le réconciliant dans une relation directe au Dieu biblique, source quotidienne de la vie.
    Merci infiniment pour votre travail de réflexion et de prière, duquel nous sommes au bénéfice grâce à ce merveilleux site.

    1. Marc Pernot dit :

      Merci ce bel apport. Et aussi pour les encouragements. Très sympa

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