Un panneau d
Développement

Je tâtonne entre foi et non foi, entre la nature et la religion, comment choisir et donner sens à cela ?

Par : pasteur Marc Pernot

Un panneau d'avertissement "tenir la rampe" - Image: 'Tightrope Walker' by Cold, Indrid  https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/ http://www.flickr.com/photos/29442760@N00/26333343311

Réponse du visiteur :

Bonjour Marc.

En ce temps de carême, revient à moi cette force de la spiritualité. Il y a quelques semaines, je m’étais promis de ne plus aller vers aucune religion. ( les dogmes, les rites, tous différents selon les religions, comme par hasard correspondant aux cultures…) bref c’était acté, la religion organisée était une invention de l’homme, une illusion pour contrer les peurs et les limites de l’homme. Et j’avais choisi la nature, qui donne sa magie rien qu’en se laissant regarder, sans prière, sans promesse. Juste la vie.

Mais voilà, comme toujours, ce questionnement revient. Pourquoi pas Dieu, pourquoi pas des règles, limitées, imparfaites, mais un cadre religieux.

Vraiment, tellement difficile à expliquer.

Pensez vous qu’il faille abandonner la religion plutôt que y revenir, l’abandonner, répétant ce schéma en boucle ? Et ma fille a un an, bientôt il faudrait choisir pour qu’elle bénéficie elle aussi d’un cadre. Dieu j’y crois autant que je n y crois pas. Mais vivre comme cela ne me convient pas sur la durée.

Je sens que je dois être croyant ou non croyant.
Les animaux tués par millions pour un confort et non pour notre survie, la consommation, l’égoïsme la politique. Certaines choses me font perdre foi en l’homme et ses organisations.

Avez-vous un avis ? Des conseils pour donner un sens à cela, a cette vie, à la religion ?

Merci beaucoup.

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Bravo pour cette belle inspiration. Le questionnement est le moteur d’une vie vivante. Et cet entre deux vis à vis de la religion est sain (et saint aussi, probablement). En effet, il convient de prendre la religion pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle apporte, sinon c’est soit dangereux (si on la considère comme un absolu) soit dommage (si on se prive de cet aide pour avancer).

Il parait que le mot « religion » a deux étymologies possibles : soit « règles » soit « relier ».

  • Religion comme règles ? Vous avez raison, elles sont à considérer alors comme limitées, imparfaites. Surtout pas comme un cadre, sinon, c’est la mort. Mais il me semble utile de les prendre comme un questionnement, une piste de réflexion. Par exemple « aller tous les dimanches à l’église ». On a le droit, mais si cela devient une obligation, au point que l’on culpabilise quand par un beau dimanche de printemps on est allé se balader dans la nature en famille : cette règle, ce cadre devient aliénant et mortifère. Alors que comme une invitation à investir, à son rythme, dans une recherche spirituelle c’est génial
  • Religion comme relier ? Relier à Dieu, c’est très bien à condition que l’on ait une théologie, précisément, de la belle relation entre Dieu et nous, pas une soumission écrasante. Relier aux autres ? C’est vrai que cette incroyable richesse de débats philosophiques et théologiques, cette incroyable richesse de spiritualité est un trésor. Quand on se retrouve avec quelques personnes que l’on n’a pas choisies pour prier et célébrer Dieu, entrer dans un questionnement biblique : cela apporte beaucoup. Mais que ce ne soit précisément pas « un cadre » à mon avis, mais un point de départ, une base pour nous stimuler et que nous nous sentions autorisé à nous mettre en route hors du cadre.

Ce n’est pas si mal que la religion soit liée à une culture, à mon avis, car cela montre bien sa place importante et à la fois relative. La foi, Dieu, la vie, l’espérance et l’amour : tout cela dépasse ce que l’on peut en dire et en penser, cela transcende les cultures et les millénaires. La théologie, la philosophie et l’art sont des tentatives de rendre compte de cela dans une époque et une culture, dans la sensibilité d’une personne. Et c’est bien que cela s’incarne alors. C’est bien de travailler, de chercher, de vibrer de cela, de communiquer comme on peut afin de se relier ensemble en un corps, avec cette diversité féconde, avec des paroles différentes qui entrent alors dans une tension féconde ? Quelle est alors LA bonne religion si c’est tellement relatif ? La bonne religion pour une personne à un moment donné de sa vie est celle qui va lui permettre de cheminer d’une belle façon.

C’est pourquoi, si pendant un certain temps la nature a été votre temple et la contemplation de ses merveilles a été votre culte : parfait ! Et que ceux qui ne sont pas contents aient leur propre culte. Mais bien entendu : la nature n’est pas que belle, elle comprend aussi de la cruauté, du chaos, de la maladie, ce n’est donc pas un absolu. La question est de chercher, de s’ouvrir, de se relier à ce qui est la source qui est en amont de ce qui est vivant et beau dans la nature, et de ce qui est source du plus beau en l’humain (puisque cela est une question essentielle pour nous, humains). C’est une très bonne interrogation, une belle ouverture, une belle contemplation à avoir, une intéressante espérance, non ? Oser appeler « Dieu » ce que l’on cherche alors est une façon de se relier aux multitudes d’hommes et de femmes, par delà les millénaires et les cultures. Il convient d’utiliser ce mot « Dieu » avec la conscience que la réalité qu’il désigne est plus large, plus vaste, plus insaisissable que tout. Et ne pas laisser enfermer cette réalité, précisément, dans un cadre. Car il arrive qu’une personne fasse un absolu de ce qu’elle a commencé à sentir Dieu ou commencé à penser un petit peu quelque chose sur lui/elle/cela qu’il appelle « Dieu ». Ce n’est pas si grave. Il suffit de comprendre qu’il parle de son expérience, subjective et relative, conjoncturelle, d’une réalité qui nous dépasse tous. Son témoignage parle autant de Dieu que de cette personne en particulier. C’est à entendre sans pour autant se sentir obligé par cela. Rester donc libre et prêt à évoluer sur ces questions.

Bravo de sentir l’injustice dont nous sommes coupables individuellement et collectivement dans ce monde et dans notre société humaine. C’est une vraie question qui est un des points clefs de la réflexion et de la prière. Jésus relie profondément la question de notre relation à Dieu et la question de notre relation au monde et à notre prochain, et aussi notre relation avec nous-même, ce que nous sommes, ce que nous espérons, ce que nous devenons. Cela dit, il y a certes de l’injustice et du gâchis dans l’histoire et l’actualité humaine, il y a aussi chaque jour une multitude d’actes de vraie bonté, de vraie beauté. Il y a les deux. Dans ce monde et en nous. C’est précisément sur cette complexité et parfois ce tragique que nous sommes amenés à « travailler » (si je puis dire). Je pense que la juste dose de religion, de réflexion et de prière est très utile pour cela.

Votre fille, dans quelques dizaines de mois commencera à se poser des questions, je pense, en découvrant ce monde et ses richesses. C’est une formidable découverte. Une dimension religieuse et spirituelle dans son éducation me semble être un beau cadeau à lui faire pour peu que ce ne soit pas une sorte de dressage, ni un cadre définissant un intérieur (la Vérité avec un grand V) et un extérieur (les ténèbres dans lesquelles pataugent misérablement les vilains infidèles). Cette éducation peut être aux antipodes de cela, proposant une source d’inspiration, de questionnement, d’émerveillement, d’espérance.

Bonne route à vous tous.
Dieu vous bénit et vous accompagne

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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