Icône de l’amitié du Christ pour l'abbé Ména, VIe s., musée du Louvre
Ethique

Je suis chrétienne, ai-je le droit de me marier avec un musulman ?

Question posée :

Bonjour

D’après vos réponses, il me semble que je pourrais épouser mon ami qui est musulman, en lui disant que ce n’est pas grave s’il ne reconnaît pas Jésus comme la vérité, le chemin et la vie? Et que Mohamet en a donné un autre de chemin qui mène au même but?! A quoi bon le sacrifice de Jésus alors, à quoi me sert-il d’être chrétienne?

Que doit penser alors du passage: 2 Corinthiens 6:14-16 « Ne vous mettez pas avec des incroyants sous un joug qui n’est pas celui du Seigneur. En effet, ce qui est juste peut-il s’unir à ce qui s’oppose à sa loi ? La lumière peut-elle être solidaire des ténèbres ? Le Christ peut-il s’accorder avec le diable ? Que peut avoir en commun le croyant avec l’incroyant ? Quel accord peut-il exister entre le Temple de Dieu et les idoles ? Car nous sommes, nous, le Temple du Dieu vivant. Dieu lui-même l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. »

Disons que musulmans et chrétiens ont le même Dieu: il n’en est pas moins qu’ils ne reconnaissent pas le sacrifice parfait qu’est le Christ. Ils ne sont donc pas dans la lumière… Doit on passer outre cette notion centrale de la foi chrétienne?

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Comme vous le dites très bien, puisqu’il y a un seul Dieu, tout croyant quand il prie, quelle que soit sa religion, tourne sa foi vers le même Dieu. C’est encore plus vrai entre Juifs, chrétiens et musulmans, bien sûr. C’est donc véritablement injurieux de traiter un musulman de diable, d’incroyant, ou d’idolâtre, ou de privé de la lumière ! C’est une calomnie. Le plus idolâtre est alors le « croyant » qui prend sa propre religion et ses propres dogmes pour Dieu, au lieu d’honorer la personne même de Dieu qui est toujours au-delà de ce que l’on peut en dire. La « Vérité » ce n’est pas tel dogme qu’il faudrait croire, mais la Vérité c’est Dieu en qui il est bon de faire confiance, la « Vérité » en ce qui nous concerne, c’est de mettre notre sincérité dans un fidèle attachement à cette source ultime.

Si cette intolérance est faite au nom du Christ lui-même, c’est extrêmement paradoxal. Car Christ a appelé à ne pas juger son frère, il a dit que celui qui traite son frère de « racca » (vide) est meurtrier de son frère alors que dire de celui qui traite son prochain de « diable » ? Christ a montré en exemple la foi du centurion romain, qui ne pouvait pas être ne serait-ce que monothéiste (devant sacrifier à l’empereur divinisé), comment ne pas reconnaître alors ce qu’il y a de bon dans la foi d’un autre croyant sincère, différent de nous, même si effectivement on n’est pas obligé de le suivre dans ce qui ne nous semble pas correspondre à notre foi ?

Le Christ s’est donné pour témoigner de l’amour et du pardon de Dieu pour tout être humain, il ne l’a pas fait pour que sa vie soit un prétexte à injurier la foi des autres, pas pour diviser l’humanité entre ceux qui auraient la lumière et ceux qui ne l’auraient pas. C’est exactement le contraire. C’est pour nous inviter à la réconciliation de l’humanité comme étant un même corps, dans la diversité de ses membres.

Par ailleurs, nous ne sommes pas Pauliniens, mais Chrétiens. Et donc, même si j’étais certain que ce passage de l’apôtre Paul nous invitait à ne pas fréquenter les non chrétiens, je choisirais de ne pas retenir l’avis de Paul sur ce point comme venant de Dieu, car ce serait contraire à la vie même du Christ, qui allait vers tous et toutes sans discrimination, mangeant à la table du juste comme à celle du pécheur. Mais à mon avis Paul ne dit absolument pas de nous couper des non-chrétiens. Il y a du juste et de l’injuste en toute personne, il y a du fidèle et de l’infidèle en toute personne, il y a du diabolique aussi dans le cœur du plus pur des hommes. Et donc ce à quoi nous invite Paul, à mon avis, c’est de mettre sur le dessus le meilleur de nous-mêmes, et le meilleur de chacun, sans nous attacher à ce qui est mauvais en nous.

Malheureusement, des églises profitent de ce genre de versets pour interdire à leurs membres d’épouser, non seulement des personnes d’une autre religion, ou des athées, mais même des personnes qui ne sont pas de leur église, ou qui ne sont pas baptisées, ou pas assez bien baptisées à leur goût ! C’est à mon avis étranger à l’Evangile du Christ et à sa façon d’être. Et c’est extrêmement cruel pour des personnes, les faisant horriblement souffrir, leur imposant de choisir entre leur foi et leur amour, c’est à dire entre deux excellentes dimensions de leur être. Cela s’apparente à de la torture morale, ou de la torture spirituelle.

Ce n’est pas parce que l’on est ouvert, et respectueux de la foi des autres, que l’on ne peut pas avoir ses propres convictions, sa propre foi, sa propre théologie.
Je respecte l’Islam, mais n’ai pas envie une seconde d’abandonner la foi en Christ pour suivre la foi de Mohammed.
Evidemment. Parce que pour moi le chemin vers le Père est le Christ. Et j’en témoigne.
Mais dire que le Christ est « le chemin, la vérité et la vie » n’est pas nécessairement à comprendre comme une exclusion de toute autre façon d’aller à Dieu. J’ai parlé de cela dans cette prédication : « Jésus est-il le seul chemin ? »

Il me semble donc effectivement tout à fait possible de constituer un bon couple de croyant s chrétien(ne) – musulman(ne). Et que chacun s’épanouisse dans sa foi, dans le respect de celle des autres et en particulier de son conjoint. Il est possible de laisser aux enfants le choix de la religion, lui apportant ainsi le meilleur : la foi, la compréhension que Dieu est infiniment plus grand que les religions, le respect et la miséricorde. Il est possible, juste et bon de demander à Dieu sa bénédiction sur un tel couple. C’est même particulièrement précieux aujourd’hui d’avoir de bons couples interreligieux pour faire comme des traits d’union entre croyant s, c’est une œuvre de Dieu, pour Dieu. Alors que chaque geste, chaque parole d’intolérance faite au nom de Dieu est une injure à la grandeur et à la miséricorde de Dieu.

Voilà pour le côté chrétien. Pour ce qui est du côté musulman, c’est à votre ami de vivre un Islam ouvert et progressiste s’il désire effectivement fonder un foyer avec une chrétienne. Car il est inpensable, dans un sens comme dans l’autre, de pousser quelqu’un que l’on aime à renoncer à sa foi.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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67 Commentaires

  1. Zama dit :

    Bonjour, je suis en couple avec un musulman depuis quand même un moment et on voudrait se marier mais il dit que ma religion qui chrétienne n’est pas une vraie religion mais que c’est pas bien et cetera parce que Jésus on le prend pour un dieu et tout que dois-je faire je dois abandonner cette relation parce que je me suis quand même intéressé à sa religion à lui mais j’ai quand même la foi en Christ. Je suis pratiquante et lui de son côté aussi donc je sais pas quoi faire je suis un peu perdue et je ne veux pas le perdre parce que je l’aime vraiment beaucoup

    1. Marc Pernot dit :

      Le problème n’est pas que ce monsieur soit musulman.
      Mais par contre :

      • Le problème c’est qu’en ne respectant pas votre foi, il ne vous respecte pas, car la foi est une dimension précieuse de la personne. On n’injurie pas la foi d’une personne que l’on aime.
      • Le problème c’est qu’injurier la foi chrétienne est du fanatisme. On a le droit, bien sûr de préférer sa propre religion et de chercher à la pratiquer fidèlement, mais salir la foi des autres (en fait la foi de la moitié de l’humanité) n’est pas une bonne attitude. Cela fait monter la haine entre les personnes. Cela salit la foi en Dieu, laissant penser que la foi est source de violence.
      • Le problème c’est que ce monsieur est incohérent : si on pense que sa seule religion est la vraie religion, alors on ne fréquente pas une personne d’une autre religion. Cela n’a pas de sens.

      Et tout cela est un vrai problème. Qui ne peut que s’empirer. Parti comme cela, ce genre de personne voudra imposer sa religion aux enfants, et refusera qu’ils aillent aussi avec leur mère apprendre sa foi à elle ! Ce n’est plus un couple, une famille, c’est de la tyrannie.

  2. Marie dit :

    Depuis plus de deux ans, je suis en relation avec un musulman très croyant, qui m’a d’ailleurs fait énormément avancer dans ma foi en tant que chrétienne. Ma famille est très éclectique, mon père est orthodoxe de Roumanie, ma mère catholique, et je suis leur troisième fille qu’ils ont décidé de baptiser chez les greco catholiques.
    J’ai eu la chance de rencontrer la foi très tôt, mais mon couple a aidé à la souder. Malheureusement, aujourd’hui nous tombons dans une impasse : Nous nous sentons prêts à nous marier. Lui veut que notre relation soit attestée auprès d’un Imam, ce qui ne me dérange pas, mais ne conçoit pas de bénédiction chrétienne. Que pense l’Eglise de cela ? Est-ce qu’en faisant la concession de ne pas me marier avec le rite chrétien, je tourne le dos à ma religion ?

    Cette impasse est très difficile pour nous, et vous nous seriez d’une grande aide.

    Je vous remercie énormément pour le temps que vous m’accorderez.

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour
      Je suis bien désolé.
      Mais il me semble qu’il faut ouvrir les yeux et appeler un chat un chat :
      Le fait d’imposer le mariage dans sa propre religion et refuser le mariage religieux dans la religion de l’autre est un manque de respect profond. Je dirais la même chose si c’était le chrétien qui voulait imposer sa religion comme unique religion du mariage. C’est de l’intégrisme.
      Ce n’est pas comme cela que l’on fait un véritable couple. Le respect mutuel de chacun pour l’autre est la base. On ne peut pas dire que l’on aime l’autre si on ne respecte pas l’autre dans cette dimension essentielle qu’est sa foi.
      L’impasse, c’est que cet homme ne vous respecte pas en tant que personne. Il montre ainsi son vrai visage en jouant au seigneur, en vous laissant une place subalterne.
      La religion n’est pas un problème, c’est une chance, s’il y a du respect : il est possible de faire un vrai couple interreligieux, mais à condition qu’aucun des deux conjoints soit intégriste, et qu’il y ait un véritable respect pour l’autre et donc évidemment pour la religion de l’autre :

      • Avec une cérémonie interreligieuse du mariage : avec un pasteur et un imam qui font ensemble une cérémonie demandant au Dieu unique sa bénédiction sur le couple
      • Avec l’engagement que les enfants auront la liberté de choisir quand ils seront grands entre une des deux religions, ou une autre : et donc qu’il ne soit ni circoncis ni baptisé quand i est petit, et avec une éducation aux deux religions.

      Si l’on n’a pas cette entente, à mon avis il vaut mieux renoncer à ce projet de couple. Ce n’est pas tant une question de religion que de respect de l’autre. S’il n’y a pas ce respect essentiel entre les deux conjoints, à égalité, la vie de couple n’est seulement pas supportable. Et cela commence ainsi et va toujours de pire en pire.
      Donc, je dirais : ce monsieur doit choisir : soit il désire garder son intégrisme et alors il se met en couple avec une personne de sa religion, soit il désire créer un couple avec une personne d’une autre religion et alors il faut être cohérent : il abandonne son intégrisme.
      Il faut quand même un peu de cohérence dans sa propre vie.
      Dieu vous bénit et vous accompagne.

  3. Selina dit :

    Je vous remercie pour votre avis

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