Dilemme spirituel et pressions sociales
J’ai lu avec intérêt vos éclairages, notamment sur le respect du désir du conjoint et l’importance de ne pas « instrumentaliser » l’enfant. Ces réflexions sont d’autant plus importantes que je reçois des pressions culturelles et religieuses fortes, certains allant jusqu’à m’inciter à la rupture.
Paix intérieure et chemin de vie juste
Malgré cette incertitude et la culpabilité qu’il ressent, je ressens de la paix dans la prière à l’idée de construire ma vie avec lui. Je suis convaincue que ce chemin de questionnement est fécond et qu’il existe une voie pour nous. Mon désir est de faire confiance à Dieu pour faire quelque chose de beau et de créatif de cet espace de « manque » potentiel, en m’appuyant sur ses qualités morales, son désir de justice, et son amour sincère. Les projets de vie alternatifs ne manquent pas. Merci pour vos encouragements. J’espère que nous saurons reconnaître le chemin de vie juste pour nous.
Bien à vous,
Réponse du Pasteur : Théologie et la Vocation à la Fécondité
Cher Martine, merci pour les encouragements, c’est vraiment sympa. Merci pour votre confiance, en même temps, je suis loin, même si j’ai vu des centaines de couples, chacun est évidemment différents et chaque personne de chaque couple est encore plus différente. Il faut donc une confiance relative à ce que je raconte. Vous posez parfaitement bien la difficulté.
Genèse 1:28 : l’interprétation théologique de la fécondité
Votre vocation à avoir un enfant est tout à fait juste et légitime. Évidemment pas à cause du verset Genèse 1:28. Faire dire à ce verset un prétendu devoir d’avoir des enfants n’est pas juste. Par exemple, Jésus n’a pas eu d’enfants, ou en tout cas n’a pas eu d’enfant vivant pour lui succéder. On ne peut pas dire que la vie de Jésus n’a pas été féconde, mais sa fécondité est d’un autre ordre. La biologie n’est pas le tout de l’humain, bien sûr, et notre mission d’être féconds, de multipliez, de remplir la terre : ce n’est pas de fer que la terre grouille d’être humain jusqu’à couvrir toute sa surface. Jésus, avec l’Évangile, qu’il a annoncé, et qu’il a vécu, à une immense fécondité, son message, remplit la terre, et ça multiplie la foi, l’amour, l’espérance.
Discerner son désir profond et éviter le regret
C’est évidemment, et vous le savez très bien, à vous, de peser à quel point votre espérance de faire des enfants est importante, sur une échelle de 1 à 10, de discerner, si vous pouvez évoluer sur cette question, en développant justement d’autres types de fécondité de votre existence ? Si c’est complètement votre truc personnellement, si c’est par la pression familiale et sociale (ce qui est déjà beaucoup moins intéressant, qu’il s’occupe de leurs propres vocation, et évite de piétiner avec leurs grosses chaussures la personnalité et la vocation des autres, c’est le minimum de respect que l’on peut attendre de quelqu’un qui a un peu de cœur ou un peu d’éducation). C’est à vous de mesurer à quel point vous aimez cet homme et à quel point il vous aime lui.
Le poids asymétrique du dilemme du couple
C’est quand même une grosse difficulté dans votre couple de vous voir achopper sur cette question. Car votre vocation à faire un enfant est, nous le savons tous, quelque chose de très profond, et ne pas y répondre est sans doute blessant, conduit à des regrets immenses pour le reste de la vie, avec parfois une rancune non maîtrisable contre le conjoint qui vous en a empêché. J’ai l’impression que ce n’est pas symétrique : ne pas répondre à un profond désir d’enfant est lourd, très lourd à gérer. S’occuper d’un enfant alors que l’on n’en avait a priori pas très envie est dur aussi, mais moins profondément dur. C’est un peu galère mais, à moins d’avoir un cœur de pierre, une fois que l’enfant est là, qu’il grandit, qu’il parle, discute, compte sur vous : on s’attache et on ne peut faire autrement que d’être émerveillé. À mon avis.
Bonne route à vous, bon discernement.
Marc