14 avril 2020

montage photographiqeu représentant la mer ouverte et un fond d
Bible

Dans le récit de Pâque, il est dit que Dieu endurcit le cœur du pharaon pour mieux le punir, c’est choquant.

Par : pasteur Marc Pernot

montage photographiqeu représentant la mer ouverte et un fond d'orage - Image par Iforce de Pixabay

Vous vous aventureriez sur ce chemin, vous ?

Question posée :

Cher Marc,

Je suis en train de travailler à un petit article sur le passage de la mer rouge pour le petit mensuel de la paroisse catholique locale. J’ai un problème avec ce texte: à plusieurs endroits, il est dit que Dieu endurcit le cœur du pharaon, pour mieux le punir et montrer que le Dieu d’Israel est le plus fort. Cette image de Dieu tribal me défrise. D’accord, Dieu a élu le peuple juif, mais là, on a l’impression que c’est à l’exclusion des autres. Que faire de ce texte qu’on relit à chaque nuit de Pâques; on le lit en général du point de vue de la libération d’Israel de l’esclavage, mais les dégâts collatéraux sont souvent passés sous silence. Peux-tu m’éclairer?

A Part cela, je suis toujours avec intérêt jecherchedieu.ch et admire comment tu trouves des paroles intéressantes pour répondre à des questions quelquefois surprenantes.

Pour la question de la finitude de l’univers, j’ai entendu une conférence d’un collègue qui est passionné de cosmologie et cela m’a passionné, mais en même temps, cela conduit à une très grande modestie: pour des raisons scientifiques, l’univers « connaissable » est énorme, mais on n’a aucune idée s’il y a autre chose plus loin; la durée de vie de notre système solaire n’est qu’une étincelle à l’échelle de l’univers qui est toujours en expansion. Que l’univers ait été créé par une volonté, que la vie soit un accident de la chimie ou due à un démiurge, cela est intéressant sur le plan conceptuel, mais n’a aucune interaction avec ma vie. Le Dieu puissance d’amour pour nous sur terre (nous englobant l’humanité, mais aussi les autres êtres vivants, celui-là j’y crois. Essayer de trouver dans la science une preuve de l’existence ou de la non-existence de Dieu est pour moi une fausse piste. Il faut accepter la finitude de nos connaissances et de nos vies, même de la vie « éternelle ».

Réponse d’un pasteur :

Cher Ami

Merci pour les encouragements pour jecherchedieu.ch . La désaffection des églises, le peu d’espaces laïcs où le public peut s’initier et s’interroger sur la Bible et la théologie, les mouvements religieux très directifs… tout cela fait que des personnes sont en recherche d’espace où se former à réfléchir par soi-même.
Bravo pour cette collaboration œcuménique, c’est effectivement un enrichissement de lire la Bible et de chercher Dieu avec cette multiplicité de regards différents, dès lors qu’il y a un bon vrai respect mutuel. Cela permet de voir « en relief », la réalité complexe de la vie humaine, et infiniment complexe de Dieu.
Pour l’interprétation de cette histoire de pharaon, il y a au moins trois passages tout à fait étonnants effectivement dans ce récit, en première lecture, effectivement :
  • le « Dieu endurcit le cœur du pharaon » (Exode 9:12; 10:20; 10:27; 11:10; 14:8),
  • il a le massacre des soldats du pharaon et leurs chevaux, il n’en réchappe pas un seul (Exode 14:28).
  • il y a enfin le très curieux  « L’Éternel dit à Moïse : Vois, je te fais Dieu pour Pharaon » (Exode 7:1) Incroyable annonce puisque le livre de la Genèse pose comme étant le « péché » fondamental le fait de se prendre pour Dieu (Gen. 3).
Comme bien souvent dans la Bible et particulièrement dans la Torah, le lecteur est à la fois le gentil et le méchant de l’histoire, nous sommes appelés à travailler en équipe main dans la main avec Dieu pour développer notre bon côté et réduire le mauvais côté, être nourri, éduqué, domestiqué, élevé, soigné… Nous sommes ainsi à la fois Caïn et Abel, à la fois Noé, sa famille et l’humanité violente et les animaux, nous sommes à la fois Esaü et Jacob plus Isaac et Rébecca… et chacun de nous est à la fois le peuple hébreu guidé par Moïse avec l’Eternel ;  et le peuple égyptien guidé par Pharaon et porté par sa puissance.
Cette lecture n’est pas inventée par les protestants libéraux du XXIe siècle, l’apôtre Paul évoque cette interprétation sans avoir à l’expliquer à ses lecteurs de Corinthe (ce sont des juifs habitués à cela) : « nos pères ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer » (1 Corinthiens 10:2). Si la traversée de la mer est une figure du baptême qui, selon Paul est plus une opération à vivre qu’un rite (qu’il ne pratique presque pas lui-même), où « vieil humain » en nous meurt et ou nous connaissons une résurrection, une nouveauté de vie (voir le début de Romains 6, par exemple).
  • Par conséquent, quand les soldats du pharaon, et même les enfants des égyptiens sont tués, il n’est pas question de penser à la mort de certains peuples et de certains enfants, tués par Dieu ! Quelle horreur, cette conception de Dieu ne serait pas cohérente avec ce que Christ a manifesté comme amour. Mais c’est « l’ancien humain » en nous dont nous sommes délivré. C’est une dimension de nous-même qui nous fait souffrir et nous empêche d’être libre : des blessures anciennes, des faiblesses que nous n’arrivons pas à contrôler, de l’angoisse… Cette mort est une vraie libération du péché, de la mort, de l’aliénation. C’est d’ailleurs précisément à cause de cette lecture allégorique de l’Exode du peuple hébreu que nous célébrons Pâques, le salut de Dieu offert en Christ, en même temps que la fête juive de Pâque.
  • Que « Dieu endurcisse le cœur de Pharaon » n’est alors plus un scandale absolu qui empêcherait quelqu’un de se convertir au bien. Puisque c’est une dimension souffrante de nous-même qui est ainsi affaiblie. Le mal qui est affaibli. Peut-être est-ce comme une invitation à ne pas faire alliance avec le mal en nous, dans une sorte de compromission. Le but n’est pas de s’accommoder, de faire alliance avec nos mauvais côtés, mais d’arriver à leur éradication, hop : retour au chaos originel.
  • Et le « Vois, je te fais Dieu pour Pharaon », est une bénédiction et une confiance qui nous est donnée. Avec de l’aide, nous avons la capacité de faire des prodiges, d’emporter des victoires sur nous même. Nous avons en nous une dimension divine (l’Esprit).
En ce qui concerne cette autre question de la science et de la théologie, de part ma double formation d’ingénieur passionné par les mathématiques et de théologien passionné par la Bible et la prière, j’aime à chercher à tisser ces deux approches.
Ce n’est bien entendu pas une preuve de l’existence d’un créateur dans l’Univers dont il est question, bien entendu, et tout à fait d’accord pour reconnaître que Dieu est de toute façon unique en son genre et dépassant infiniment ce que nous pouvons en penser.
Cela dit, il me semble que scientifiquement et philosophiquement, il est possible de trouver que cela a un certain sens de penser Dieu comme comme ayant eu un rôle dans l’évolution de l’univers. Ayant été formés aux logiques floues, il s’agit plus d’évaluer une possibilité qu’une vérité oui/non dans ce domaine.
Par contre, il me semble difficile de dire, du point de vue de la théologie biblique que cette question n’aurait aucune interaction avec notre vie. C’est précisément là un point essentiel en théologie, mais je dirais même en psychologie. On devient le Dieu auquel on pense : notre éthique, notre idée de la justice, du bien est façonnée par notre théologie. Qu’on le veuille ou non. Comme attirée par un aimant. C’est pourquoi il me semble essentiel de penser Dieu en tant que créateur et pas seulement comme « amour », ou comme un mouvement. Car penser Dieu comme créateur dit une dimension essentielle à mes yeux de l’anthropologie et de l’éthique : la vocation de la personne humaine (et de l’humanité) comprend le fait d’être créatif, d’éviter ce qui disperse (ce qui est  littéralement diabolique) ce qui éparpille, ce qui gâche, ce qui divise et augmente le chaos. Cela rejoint le concept de l’amour appelé agapè dans le Nouveau Testament, qui n’est pas seulement un sentiment, mais qui est appelé à s’incarner dans la vie et la matière, dans plus de justice et de paix. Donc, si on refuse de travailler ne serait-ce que l’hypothèse que Dieu aurait quelque chose à voir avec l’évolution du monde matériel, on va avoir tendance, en cohérence, à opérer la même séparation en ce qui concerne l’éthique.
Mais bon, encore une fois, chacun a sa sensibilité et la façon de l’exprimer.
Avec mes amitiés à toute la famille
Dieu vous bénit et vous accompagne

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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