femme en prière (orante) - fresque dans une catacombe à Rome
Bible

Dans le Notre Père, je croyais que « Car c’est à toi qu’appartiennent … » avait été rajoutée par Calvin ?

Par : pasteur Marc Pernot

Femme en prière (orante), rendant gloire à Dieu (fresque du IVe siècle des catacombes de Rome)

Question posée :

Bonjour Monsieur,
« Et n’est-ce pas la plus grande des assurances, le plus puissant réconfort, que cette prière millénaire des disciples de Jésus-Christ se termine par une confession de foi ? » Dites-vous à propos de « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ».
Je croyais que cette phrase avait été rajoutée par Calvin ? Donc, elle ne peut être millénaire comme le Notre Père.
Est-ce que je me trompe ?
Je vous remercie pour votre réponse et aussi pour cette belle méditation que vous proposez sur le Notre Père et vous envoie mes meilleures salutations.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Cette sorte de conclusion du « Notre Père » (la doxologie, cpourte prière rendant gloire à Dieu) est effectivement en général dite par les chrétiens protestants, alors même qu’elle n’est pas dans les plus anciens manuscrits des Evangiles. Mais ce n’est pas Calvin qui l’a rajoutée. C’est plus ancien.

Avec peu de différences avec la doxologie que nous connaissons, elle fait partie du Notre Père donnée par la « Didachè », un écrit chrétien de la fin du Ier siècle, début du IIe siècle. Cela montre qu’à l’époque, il était déjà d’usage de dire une doxologie à la fin du Notre Père. Cela n’a rien d’étonnant, car une prière juive se terminait toujours pas une « doxologie ». Par ailleurs, il semble impossible dans cette culture juive que la prière se termine par l’évocation du mal et même de la source du mal (πονηροῦ en grec, au masculin et non au neutre), comme c’est inscrit effectivement dans les manuscrits les plus anciens de l’Evangile selon Matthieu.

Il est donc pas très vraisemblable que Jésus ait prié ce texte comme cela sans une doxologie à la fin. Mais dans ce passage de l’Evangile, il s’agit d’un enseignement, et Jésus vient de dire que la prière doit être faite dans l’intimité de sa chambre (Matthieu 6:6), donc quand Jésus a donné de texte à ses disciples, il l’a donné comme un enseignement, sans le « prier », et donc sans ajouter une formule finale, mais comme un schéma de prière  laissant libre chacun de l’adapter ensuite, et aussi en la faisant suivre par sa propre doxologie, comme il était naturel dans cette culture (une excellente idée, d’ailleurs).

La Didachè est un manuel de liturgie et d’enseignement pour les personnes qui découvrent la foi chrétienne, en particulier de personnes qui viennent d’une culture non juive qui n’ont peut-être pas connaissance de cet usage, il est donc assez logique qu’ils aident ces nouveaux croyants en donnant la prière complète avec une doxologie. Celle qu’ils donnent est plutôt classique au demeurant, elle ressemble, en plus court, à la doxologie qu’utilise David à la fin d’une de ses prières (1 Chroniques 29:11-13). Une doxologie est une finale magnifique, cela dit, celle qui a été proposée n’est pas mal du tout, mais elle reste à mon avis bien moins intéressante que le texte du Notre Père proprement dit.

Ensuite, cette doxologie proposée par les chrétiens du Ier siècle est devenue un usage chez bien des chrétiens, des théologiens ont intégré cette doxologie dans certains manuscrits de l’Evangile selon Matthieu vers le IVe siècle, transmettant l’usage juif de l’époque de Jésus. Cela dit, en général, nos éditions de la Bible ne la mettent pas dans le texte, mais la signalent dans les notes en bas de page.

Mais oui, cette phrase de « confession de foi » se trouve effectivement dite par bien des chrétiens depuis bientôt deux millénaires.

Bravo de vous pencher sur ces textes pour nourrir votre prière.

Bien cordialement

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

PS. Voir, si vous le voulez, cette question

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2 Commentaires

  1. Marie dit :

    Merci beaucoup pour votre réponse. Ce que je regrette un peu avec cet ajout du « car c’est à toi… » c’est qu’on supprime le « libera nos » tellement nécessaire qui est entre la fin du Notre Père et cette doxologie

    1. Marc Pernot dit :

      L’usage du Notre Père que vous suggérez avec le « libera nos » est bien intéressant, la prière de base étant plus comme une trame, un sommaire, qui est fait pour être amplifié, pour être truffé ensuite de nos propres intentions, de notre propre prière, voire de nos « soupirs inexprimables ».
      C’est alors que cette prière n’est plus une « vaine redite », mais ensemence et irrigue notre propre prière.

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