17 novembre 2020

photo de la "lettre de Mar Saba" supposée de Clément à Théodore
Bible

Selon une lettre découverte à Mar Saba il y aurait une autre version de l’Evangile de Marc ?

Par : pasteur Marc Pernot

photo de la "lettre de Mar Saba" supposée de Clément à Théodore

Question posée :

Bonjour Monsieur,
Il y a quelques temps j’ai appris l’existence de la lettre de Mar Saba, découvert part Morton Smith d’une autre version de l’Evangile de Marc, que l’on nomme Evangile secret de Marc.

En effet, cette lettre m’a un peu remuer ma foi, puisque certains spécialistes pensent que cette version de l’Evangile de Marc apocryphe pourrait être antérieur a celui qui est dans le canon du nouveau testament. Il est vrai que dans cette lettre, il n’ai fait mention que de deux exemples, mais ils sont assez troublant puisqu’on voit clairement qu’il vienne d’une tradition semble-t’il gnostique ou hellénistique, avec un mystère etc.

A la base je très bien que de multiples textes apocryphes ont été écrit dès le début des premières communautés, mais j’avais toujours compris que l’Evangile de Marc avait été le premier à être écrit parce que c’était le plus court, mais ce qui me gêne c’est que peut-être l’Evangile secret de Marc, qui serait plus long, aurait été écrit avant. Il semblerait aussi que l’Evangile de Marc canonique aurait été écrit à la base pour le catéchisme de l’époque et que l’Evangile apocryphe aurait été écrit pour les initiés.

J’avoue j’ai beau me dire que si ce texte ne fait pas partie du canon c’est parce qu’il n’a pas eu le même succès auprès des communautés chrétiennes primitives, j’ai de la peine à me dire que l’importance est que l’Evangile de Marc canonique est celui sur laquelle je peu nourrir ma foi.

J’aimerai bien savoir ce que vous pensez de cela ?

Meilleures salutations.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

A vrai dire, j’ai bien l’impression que cette lettre de Mar Saba est un canular. En tout cas, tant que cette lettre n’est pas examinée de près par des universités reconnues, et été l’objet de colloques et de publications, l’hypothèse la plus raisonnable est de la considérer comme un faux. Le fait qu’aucun universitaire ait pu l’examiner ne prêche pas en sa faveur. Cela dit, si elle était vraie, cela ne gênerait pas ces spécialistes, dont beaucoup ne sont pas croyants, ou quand ils sont croyants sont suffisamment sérieux et suffisamment confiant en Dieu pour faire un travail vraiment universitaire, sérieux, rigoureux.

Le courant gnostique existait avant Jésus, et bien des personnes de ce milieu ont aimé l’Evangile du Christ très vite. Mais il me semble que Jésus n’était pas gnostique. Et il n’était pas non plus dans une logique ésotérique, réservant des enseignements secrets. C’est vrai qu’il avait une stratégie de formation d’apôtres, vue l’urgence, mais ils ont reçu la mission de publier intégralement son enseignement dans le monde entier, de le crier sur les toits (Matthieu 10:27), pas seulement de le chuchoter dans des lieux secrets réservés à des seuls « initiés ». C’est une question de logique, lié à la notion même de Christ, de Messie, qui est de faire de toute personne, jusqu’à la moins éduquée, un prophète ou une prophétesse (Joel 2:28; Actes 2:17), se sorte qu’il ne sera plus besoin de lui apprendre qui est l’Eternel (Jérémie 31:34).

Les documents à tendance gnostiques et ésotériques des tout premiers siècles ne sont pas secrets, c’est ainsi qu’un gros livre de la bibliothèque de la Pléiade en offre une belle compilation.

Vous avez raison, certains exégètes prétendent que le texte de Marc aurait été écrit en premier, cela repose sur certaines théories des sources, théories assez discutables, même si elles sont assez largement partagées. Ce que disent bien des sources anciennes, c’est que le premier à avoir écrit un évangile est Matthieu, un texte rédigé en hébreu.

  • Papias (début IIe siècle)
    « Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable »
  • Irénée de Lyon (2nde moitié du IIe siècle)
    « Matthieu entreprit donc aussi d’écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l’évangile à Rome et y fondaient l’Église. D’un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre l’évangile que celui-ci annonçait. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il habitait à Éphèse en Asie » (Contre les hérésies III,1)
  • Origène (IIIe siècle)
    « Ayant appris par la tradition concernant les quatre Évangiles, lesquelles sont les seules étant incontestables dans l’Église de Dieu sous les cieux, que le premier qui fut écrit est celui selon Matthieu, qui autrefois était un collecteur d’impôt, mais qu’ensuite il devint un apôtre de Jésus Christ, qui le publia pour ceux qui du judaïsme en vinrent à croire, le composa tel quel en langue hébraïque. »
  • Eusèbe de Césarée (fin IIIe siècle, début IVe)
    « Matthieu a en premier lieu prêché aux Hébreux, et quand il était sur le point d’aller vers d’autres, il transmit par écrit dans sa langue maternelle l’Évangile selon lui, et ainsi il suppléa par écrit son absence à ceux de chez qui il fut envoyé. »

Si nous retrouvions cette version de l’Evangile de Matthieu en hébreu, oui, ce serait fort touchant. Comme si nous trouvions des recueils de « paroles de Jésus » ou d »actes de Jésus », sources qui ont servi à rédiger les évangiles que nous avons, cela serait passionnant. Bien plus que ce que promet le (faux) manuscrit de Morton Smith.

Mais même si nous avions ces textes anciens, ils ne remplaceraient pas les 4 évangiles « canoniques » que nous avons, car de ces 4 livres, 2000 ans de théologiens, de mystiques, de prédicateurs, de croyants, de moines, de compositeurs et d’artistes ont réfléchi, discuté, mis en débat avec la philosophie et la psychanalyse… et que ces textes et ces débats forment un patrimoine d’une richesse incomparable.

Donc, à mon avis, nous pouvons continuer à travailler nos 4 évangiles, comme essentiels, ce qui ne nous interdit pas de lire d’autres textes, y compris dans la littérature chrétienne antique. L’Evangile selon Thomas vaut le détour, ainsi que celui de Marie, et bien d’autres que vous trouverez par exemple dans la bibliothèque de la Pléïade « écrits apocryphes chrétiens » en deux tomes.

Bonne lecture, étude, et prière.

Dieu vous bénit et vous accompagne

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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