Comment vous interprétez et vivez cette parabole de Jésus sur le « serviteur inutile » ou « quelconque » ?
Question posée :
Bonjour
Je me permets de vous écrire car je suis attentivement vos publications par l’intermédiaire de Facebook puisque vous figurez dans ma liste d’amis.
La question qui me travaille pendant ce confinement est celle bien concrète de ce que nous faisons de notre Foi, celle du serviteur inutile ou quelconque, cela dépend des traductions… ( Luc 17,10)
Je me suis aussi penchée sur le grec… Alors comment vraiment traduire ce « douloi achreoi ? » et surtout comment vous l’interprétez et comment vous le vivez …
Si je cherche Dieu, comme l’indique votre blog, cette question/ réponse du serviteur inutile m’aidera peu à peu à trouver ce que j’aurais à faire…
Merci pour votre réponse
Bien à vous
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Et grand merci pour ces encouragements. Et pour le partage de cette recherche biblique, de ce questionnement.
Luc 17 :7-10
Jésus dit : « Qui de vous, s’il a un serviteur qui laboure ou fait paître les troupeaux, lui dira, quand il revient des champs : Viens tout de suite te mettre à table ? 8Ne lui dira-t-il pas au contraire : Prépare-moi le repas, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et boiras. 9Aura-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné ? 10Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire. »
Achreios est un mot assez rare dans la Bible, en effet, il apparait quand même dans la LXX (traduction de la Bible hébraïque en grec datant du 3e siècle avant Jésus-Christ) en 2 Samuel 6:22 dans un contexte assez proche et intéressant, je trouve : David ne craint pas de paraître achreios quand il danse pour l’Eternel devant l’arche, manquant ainsi au sens de la dignité royale. Comme si la reine d’Angleterre faisait la danse des canards devant la croix. Achreios pourrait être quelque chose comme un manque de reconnaissance sociale, manque d’orgueil personnel ?
J’aime bien ce passage de l’Evangile selon Luc. L’idée que j’en tire est la joie d’avoir fait ce que l’on a pu, tel que ça vient, et de ne pas en tirer d’orgueil personnel de ne pas y chercher un statut. Il y a là comme un calme et une tranquillité qui me plaît, ma valeur n’est pas dans ce que j’ai fait, elle est le fait d’être moi et aimé (un petit peu). Et cela suffit. C’est ce qu’apprend le shabbat (quel que soit la forme que nous lui donnons) : ne produisant rien, j’existe encore, et je vaux tout autant qu’hier. Il me semble qu’alors l’action, si elles devient possible, trouve une motivation bien placée, pour elle-même, parfois pour la beauté du geste, parfois parce que c’est utile et juste, parfois parce que cela me correspond, comme un jaillissement. Et c’est alors une action juste, sincère, pure.
Qu’a donc fait de doulos achreios ? il a fait son boulot de soin et de préparation du monde. Rien de très créatif, cela ressemble plus à de la compassion, de l’attention sur les moutons, sur cette vie qui ne vient pas de lui mais qui le mérite, labourer les champs est un travail préparatoire peut-être pour que d’autres, ou même Dieu, vienne semer. Son travail peut sembler bien peu de chose, rien de spectaculaire, et pourtant, revenant d’avoir accompli ces soins, il lui est donné de nourrir et servir Dieu lui-même avant de se servir soi-même. Je trouve cela beau, un peu comme David dansant devant l’arche. Ce n’est pas un sacrifice de soi-même, c’est même tout le contraire, c’est un amour du meilleur, dans le monde, pour le monde et en soi-même, pour soi-même. Sans oublier de mander après. C’est peut-être sa propre créativité qu’il a nourrie en nourrissant Dieu et en servant Dieu ? Avec la force aussi qu’il n’a pas oublié de prendre ensuite (bien sûr), ce serviteur a fait un travail sur l’être se concentrant là dessus en mettant de côté le paraître. C’est peut-être cela la façon d’être mise ici en relief par Jésus. Le serviteur n’a certes pas été inutile puisqu’il a fait ce qu’il devait. Mais sa façon d’être est à la face du monde comme un manifeste de cette tranquillité de celui qui s’attache à faire ce qu’il peut en mettant la priorité sur ce qui est bien dans la profondeur de l’être. Et ce serviteur se met alors à parler au pluriel, sentant rejoindre ainsi d’autres serviteurs de la profondeur ? ou même rejoindre Dieu lui-même, spécialiste de cet humble travail en profondeur ?
Dieu vous bénit et vous accompagne
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