Rembrandt circoncision de Jésus, Nationalmuseum Stockholm
Prédication

Syméon et Anne, deux styles différents pour attendre avec succès le salut (Luc 2:25-38)

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 6 décembre 2020,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Rembrandt circoncision de Jésus, Nationalmuseum Stockholm

Rembrandt (1665) Syméon tenant Jésus dans les bras

Des chrétiens ont pris, assez tardivement, l’habitude de fêter l’existence de Jésus-Christ au solstice d’hiver. Plus tard, certains ont ajouté cette période de l’Avent, quatre semaine pour se préparer à Noël. Pourquoi pas.

Jouons le jeu de bon cœur, ensemble ce matin : cherchons dans l’évangile comment mieux nous ouvrir au salut que Dieu nous donne chaque jour.

Je vous propose de suivre dans l’Évangile selon Luc l’histoire de Siméon et Anne, deux personnes qui, chacune à leur façon, attendaient si bien l’aide de Dieu qu’elles seront parmi les premiers témoins du Christ.

Syméon, celui qui écoute et qui agit

D’abord Syméon. Il incarne un certain style d’attente, une certaine façon de s’ouvrir au salut de Dieu.

Avant que l’Évangile nous parle de ses qualités, de ses actes et de son attitude, il nous est dit, à deux reprises, que Syméon est un humain. Et pan, dans le bec des intégristes. Même s’il ne cherchait rien, s’il d’attendait rien, même s’il n’écoutait pas Dieu ou ne reconnaissait pas le Christ, il serait et resterait un humain aux yeux de Dieu, et il devrait rester humain aux yeux de tous. Cela n’a l’air de rien, c’est déjà un point essentiel aux heures sombres, où ce qui fait la dignité de l’humain, précisément, aurait tendance à être mise en danger. Que la première qualité de Syméon soit d’être humain, cela nous dit aussi que nous n’avons pas besoin d’être un demi-dieu, né de la cuisse de Jupiter, pour entrer dans le salut, il nous suffit d’être un humain vivant, ce qui, soyons réalistes, est à notre portée.

La seconde chose que nous dit ce texte c’est que cet homme était à Jérusalem. Ce n’est pas une question de géographie, bien entendu, Dieu n’est pas plus présent là-bas qu’à Goumoens-le-Jux. L’indication « Syméon était à Jérusalem » est une invitation à nous recentrer car dans cette culture l’univers est vu comme concentrique, le cœur du monde étant à Jérusalem, avec le temple de l’Éternel au sommet de la colline. Se recentrer : placer son cœur, son être, sa vie sur le cœur des choses, sur la source, pas sur l’accessoire où tout s’effiloche et se brouille. C’est partir de là pour lire le monde, pour lire notre histoire, notre présent et notre espérance, puis sur les actes que nous aimerions avoir en ce monde.

La troisième chose que nous dit ce texte c’est que cet homme s’appelle Syméon, nom qui est plein de sens, Syméon signifiant « il écoute », avec cette ambiguïté de savoir qui écoute ? C’est à la fois : « l’Éternel Dieu a écouté » comme dans l’origine du nom donné à son fils Syméon par Léa, femme de Jacob (Genèse 29:33), et Syméon veut aussi dire celui qui se place à l’écoute de l’Éternel, comme dans ce commandement essentiel parmi tous qui est le Shema Israël (Deutéronome 6:4 et Marc 12:29). Écouter. Il n’y a pas marqué : celui qui entend Dieu lui parler, il y a marqué : celui qui se place à l’écoute. Cela aussi est à la portée de tout le monde, même pour celui qui ne serait pas convaincu qu’il y a quelqu’un qui l’écouterait et qui lui parlerait dans la prière, il est possible de prier. Bien sûr. C’est comme cela que des scientifiques cherchent de nouvelles particules, avant même d’être certains qu’elles existent.

Cet être humain, se recentrant sur l’essentiel et priant, se mettant à dire ce qu’il a sur le cœur comme s’il y avait un Dieu bienveillant pour l’écouter, cet humain aussi se mettant à l’écoute de quelque chose qu’il n’a pas encore entendu : voilà déjà une attitude essentielle que nous propose ce début d’Évangile.

Quatrième et cinquièmement, le texte ajoute que Syméon était un homme juste et pieux. Nous entrons ici dans l’action. Certes, la base est d’être bien centré sur l’essentiel décrit dans les trois premiers points. Cependant, comme le dit Jésus, il ne suffit pas d’être dans les « Seigneur Seigneur », il s’agit d’écouter Dieu et de le mettre en actes (Mt 7:21-24, Lc 6:46 ; Jn 13:17). Au moins d’essayer, car ensuite, nous faisons ce que nous pouvons, comme nous pouvons. Il n’existe pas même un seul juste au sens propre, sauf Dieu.

  • Être « juste » c’est essayer de vivre selon ce que Dieu met au fond de notre conscience, là où, en réalité nous savons très bien ce qui serait juste si nous écoutons un petit peu l’Éternel.
  • Être « pieux », c’est exercer sa relation à Dieu, car la piété est comme la gymnastique, nous dit l’apôtre Paul (1 Timothée 4:8), la foi se travaille comme un muscle ou une articulation. Comme notre cœur.

C’est vrai que ces 4e et 5e éléments de description de la figure du Veilleur qu’est Syméon sont un petit peu plus difficiles que les trois premiers, seulement il n’est pas indiqué de niveau à atteindre dans la justesse de nos actes et dans l’élévation de notre foi, mais de travailler à cela. Cela me semble, honnêtement, là encore, à notre portée à tous, au moins d’en avoir l’intention.

Le 6e point est que Syméon « attend la consolation ». Pas seulement une consolation pour lui, ce qui serait déjà bien, il attend la consolation pour lui et les autres. En Christ nous dirions qu’il attend la consolation de l’humanité. Car comment pourrions nous vivre consolé, sifflotant et gambadant, quand ceux qui nous entourent seraient dans la détresse, dans l’injustice, et ne connaîtraient rien de la consolation de Dieu ?

Cette « consolation », ici, c’est avoir le cœur en paix, avec l’enthousiasme de vivre en ce monde que Dieu aime. Cette « consolation » est encore bien plus que cela, le verbe que nous avons ici est celui du « paraclet », l’Esprit consolateur que nous promet Jésus comme suite à son ministère pour nous. Et Jésus aussi, dans son testament spirituel juste avant d’être exécuté, nous dit d’attendre ce « paraclet », cet Esprit, ce souffle divin, ce souffle de résurrection en nous (Jean 14:16 à 16:13). La consolation du monde ne vient pas de l’extérieur comme un spectacle auquel nous assisterions, le salut en Christ vient comme un souffle de force et de sagesse, de lucidité, de compassion, de confiance en Dieu et de connexion avec lui.

« Attendre la consolation ». Syméon ne se contente pas de l’attendre. Nous avons vu qu’il fait ce qu’il peut à son niveau pour plus de justice et qu’il travaille sa foi. Et pourtant, « attendre la consolation » ce n’est pas seulement attendre les fruits de ses efforts, c’est aussi sentir que nos forces ne suffisent pas, sans pour autant désespérer. Au contraire : aller plus loin en attendant une consolation qui vient du Souffle de Dieu, de sa dynamique de création (Genèse 1:1).

« Attendre la consolation » c’est creuser en soi cette soif et cette possibilité. Cela paraît utile et faisable quand on est en forme, et c’est une bonne piste de « travailler » cette soif et cette confiance, de les affiner au creuset de notre vie, car ce ne sont pas qu’un rêve, affiner ce que l’on attend personnellement de la vie et de Dieu. C’est source d’un formidable élan, cela devient pourtant un exploit difficile quand on est pas en forme. Les cinq premiers points nous aident alors. Repartant de la base, du fait que nous sommes humain pas moins qu’un autre, un humain vivant, se recentrer, avancer point par point… jusqu’à arriver à espérer encore à nouveau ce Souffle de Dieu consolateur.

La 7e qualité de Syméon selon le texte, est effectivement d’avoir l’Esprit de Dieu sur lui. Et ce souffle est « Saint » est-il précisé : un Souffle de consécration, un souffle de vocation pour un service utile. Et ce Souffle Saint est même « à lui », à Syméon, nous dit le texte. Ce n’est pas seulement le Souffle appartenant à Dieu, c’est ce souffle de Dieu qui lui est donné et qui maintenant l’anime lui. De cela aussi, nous sommes capables, c’est une promesse et c’est plus qu’une promesse car déjà ce souffle est en nous dès lors que nous sommes humain et vivant.

Ce souffle de Syméon, puisque c’est maintenant le sien, ce souffle fera que Syméon voit le salut de Dieu de ses yeux maintenant. Même tout petit comme un bébé, ce salut est bien réel. La preuve, Syméon sent tomber des chaînes qui le liaient, il sent une Paix, une plénitude. Autre preuve, Syméon se met à bénir tout le monde, à rayonner de bénédiction : il bénit Dieu, il bénit l’enfant, et il bénit ce jeune couple qui pourra faire un pas de plus dans la conscience de l’immense potentiel de leur enfant.

Anne, ou la puissance de la mystique personnelle

La seconde personne qui nous est donnée est Anne, elle incarne une autre façon de s’ouvrir au salut de Dieu et de le faire rayonner. Si nous n’avions qu’une seule figure, amoureux que nous sommes des schémas simples, nous risquerions d’en faire un absolu. Avec deux exemples différents, s’ouvre un espace pour être nous-même, et nous ouvrir à notre façon au salut de Dieu.

Qui est cette femme, Anne ? Le texte nous dit d’abord son nom et son arbre généalogique. Ces noms sont des mots communs hébreux bien connus de tous les auditeurs qui dessinent un évangile, un programme de consolation et de vie pour nous :

  • « Anne », c’est rhannah חַנָּה « la grâce », tendresse infinie de Dieu.
  • Elle est fille de Phanuel פְּנוּאֵל « la face de Dieu », le cœur à cœur avec Dieu, sans intermédiaire, comme entre deux amis.
  • Elle est de la tribu d’Asser אָשֵׁר qui signifie deux choses : « le bonheur » et « le fait d’avancer ».
  • Elle est prophétesse, donc elle aussi, est vivante du Souffle de Dieu.

Cette femme est un programme, elle est une figure de l’humain vivant par Dieu. Elle est comblée de grâce, née dans un cœur à cœur avec Dieu, de la famille du bonheur d’avancer avec Dieu.

Nous pouvons nous repasser ce programme dans notre prière. Car Dieu est comme cela pour nous, il veut cela pour nous. Cette méditation peut creuser en nous l’attente, l’espérance de notre libération : nous sommes aimé par Dieu sans condition et pour toujours, il est là tout proche, cœur à cœur, nous écoutant et nous inspirant. Prière à vivre encore en encore comme Anne creusant en elle l’attente de Dieu, et découvrir que nous avons droit à la parole. Et à commencer à être heureux maintenant, et à avancer d’un pas.

La seconde chose que nous apprend le texte sur Anne c’est son curriculum vitæ. Jeune fille, puis mariée, puis veuve, et maintenant fort âgée : sa vie entière est sous le signe du chiffre 7, c’est à dire de la bénédiction de Dieu. Dans la Bible, quand il y a un chiffre remarquable comme cela, c’est pour dire la qualité de ce qui est vécu, pas particulièrement une quantité. Cela signifie que la vie en couple a été pour elle une bénédiction, et que ce n’est pas la seule période bénie, sa vie entière est sous le signe du 7. Cela dit quelque chose sur le statut même de la femme qui n’existe pas seulement à travers un mari, un couple, des enfants éventuels. C’est sa vie entière qui est une bénédiction : l’enfance, la vie avec son mari puis la vie matériellement difficile de veuve, et le grand âge. Sa vie entière est qualifiée par le nombre 84, c’est à dire 12 fois 7 : douze bénédictions, tout un peuple de bénédictions, pour les différentes facettes de sa vie. Sa vie est aussi une bénédiction pour tout un peuple, aussi, puisqu’elle fait découvrir le salut à toute personne qui passe. Elle est comme Jacob bénissant les douze tribus : elle est une matriarche. Elle est aussi une prophétesse, célébrant Dieu, comme Myriam la sœur de Moïse, elle est même comme Moïse lui-même, révélant Dieu à tous, annonçant la fin de notre esclavage, comme une sortie d’Égypte, comme une Pâque nouvelle, celle donnée en Christ.

Anne incarne, par la grâce de Dieu, un souffle de libération. Libération de la femme, au plus haut niveau de dignité, sans dénigrer ni la situation d’épouse, de célibataire ou de veuve. Libération de la personne âgée, sans dénigrer pour autant ni l’enfant, ni le jeune couple ici présent, ni les hommes mâles drapés dans leurs châles de prières et toges de prêtres qui passent pour aller au Temple qui leur était alors réservé ! Cela ne gêne pas Anne ni pour célébrer Dieu ni pour parler de Dieu, elle reste proche du Temple, elle s’en inspire, s’y associe à sa façon, libre, personnelle, libérée des tabous. Aimant Dieu en direct, et réconciliant les humains avec lui et avec la vie libérée.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Évangile selon Luc 2:25-38

Or voici : un homme était à Jérusalem, son nom était Syméon, cet homme était juste et pieux, attendant la consolation d’Israël, et l’Esprit était saint sur lui, 26il était même à lui, ayant été averti par l’Esprit-Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27Par l’Esprit, il vint au temple, et comme les parents amenaient l’enfant Jésus pour faire à son égard ce qui était en usage d’après la Torah, 28(Syméon) le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit : 29Maintenant, Maître, tu brise les chaînes de ton serviteur et lui donne la paix selon ta parole. 30Car mes yeux ont vu ton salut, 31celui que tu as préparé devant tous les peuples, 32lumière pour la révélation aux nations et gloire de ton peuple, Israël.

33Son père et sa mère s’étonnaient de ce qu’on disait de lui. 34Syméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Celui-ci est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe de contradiction 35— et, toi-même, une épée te transpercera — de sorte que soient révélés les raisonnements de beaucoup.

36Il y avait, Anne, une prophétesse fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était très avancée en âge. Après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa puberté, 37elle était restée veuve jusqu’à ses quatre-vingt-quatre ans, elle ne s’éloignait pas du Temple et servait nuit et jour par des jeûnes et des prières. 38Ayant été présente à cette heure-là, elle célébrait Dieu et parlait au sujet de lui à tous ceux qui attendaient l’affranchissement de Jérusalem.

(cf. traduction NBS)

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