des personnes dans un parc discutent ou lisent le journal - Image par Silviu on the street de https://pixabay.com/fr/photos/hommes-femme-journal-banc-parc-6245003/
Témoignages

L’église doit-elle s’exprimer sur les sujets de société ? Le débat (éternel) du moment.

Jésus avait appris dans sa jeunesse à se concentrer quotidiennement sur ces fondamentaux : « Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (De 6:5) Quand on demande à Jésus de résumer l’essentiel, Jésus cite ce passage (Marc 12:30) et il y ajoute une quatrième dimension : celle de la réflexion personnelle comme une responsabilité quotidienne qui incombe à chacun, non seulement aux « experts », mais à toute personne.

Cette quatrième dimension de la recherche personnelle est en grec la « dianoia » chère à Socrate, c’est littéralement un dialogue intérieur à l’image de ces fameux débats entre philosophes ou entre rabbins. Jésus Jésus nous propose d’entretenir cette délibération entre plusieurs opinions contradictoires, dans un débat intérieur. Cela permet de se forger un sens critique et une opinion nuancée. C’est souvent loin d’être notre première impulsion, c’est pourquoi il est utile de s’exercer à ce débat intérieur à peu près quotidiennement, comme le suggère Jésus, et de le faire devant Dieu (ou devant ce qui nous est de plus important et de plus cher, si l’on veut).

La religion devrait donc aider chaque personne à discerner par elle-même. Si je désire souligner ce point, c’est que l’église est souvent interpelée afin de prendre parti publiquement sur tel ou tel sujet effectivement crucial : un conflit, une votation, un sujet d’éthique… afin que l’église joue un rôle « d’influenceuse ». Je comprends l’idée, pleine de bonnes intentions, sauf que cela tendrait à placer le lieu de la dianoia dans une commission d’experts. Il me semble que c’est précisément l’inverse que Jésus propose : faire que chaque personne se sente appelée à penser par elle-même de façon complexe et que ce soit elle qui discerne sa réponse.

C’est pourquoi je pense que l’église en tant qu’institution n’est pas là pour prendre position dans les débats, elle est là pour former et encourager chaque personne dans sa propre démarche de dianoia devant Dieu. C’est à ce niveau que l’institution s’engage par le culte, les groupes de formation, le catéchisme, la communication. Cela ne veut pas dire que l’église ne se préoccupe pas des questions de société. Au contraire : l’église ce sont des personnes dont la conscience est nourrie par cet appel du Christ à mettre en route son propre cheminement de dianoia, aiguillonné par l’Esprit. C’est à chaque personne alors de s’exprimer et d’agir. Quand on s’exerce à cela, il me semble que l’on perçoit la complexité des questions et on devrait être préparé à accepter des positons différentes de la sienne, pouvoir en discuter avec urbanité et faire équipe avec d’autres personnes pour agir, chrétiennes ou non.

par : pasteur Marc Pernot

N’hésitez pas à vous exprimer, avec urbanité bien sûr, dans les commentaires ci-dessous.

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22 Commentaires

  1. Jean dit :

    Les Eglises ainsi que les Confessions majeures lesquelles ont pour devoir charismatique de promouvoir l’obligation de charité, de compassion, d’humanisme fraternel, devraient obligatoirement de ce chef, participer ou même provoquer des dispositions civiles et laïques lorsque celles-ci dérivent vers un malaise social ou l’expression d’un malaise social. Je conserve toujours le souvenir de l’Archevêque de PARIS, Denys AFFRE, tué sur les barricades en 1848 alors qu’il venait pour tenter d’apaiser l’émeute. N’aurait-il pas été profitable à tous que l’ensemble du Haut Clergé de France et leurs Chapitres assemblés aient eu le soin et le sens de sortir de leurs Cathédrales lors de certaines  » manifestations » encore très récentes et de constituer un « front d’honneur » avec les Dignitaires des autres Confessions?.

    1. Marc Pernot dit :

      Intéressant. Sauf qu’à mon avis prendre position est au détriment de la vocation de l’église de favoriser l’engagement personnel des fidèles à réfléchir et à s’engager, c’est ce que j’essaye d’expliquer dans cet article. Mais en plus, les églises ne sont pas si bonnes que cela pour prendre position. Rappelons nous pendant la seconde guerre mondiale : on cite souvent Bonhoeffer et l’église confessante, mais c’est précisément parce que l’église protestante allemande, et l’église catholique, ne brillaient pas vraiment. On peut voir aussi le temps qu’ont mis les églises protestantes d’accepter qu’une femme puisse être pasteure, bien après qu’elles aient le droit de vote, il faut voir les arguments des consistoires et synodes à ce propos.

  2. Plume dit :

    Eh bien j’aimerai une position claire, un engagement individuel des … pasteurs ce qui entraînerait une communauté qui se reconnaîtrait dans telle ou telle prise de position puisque chaque pasteur à une sensibilité differente communauté de frères et soeurs qui serait appelés à réfléchir individuellement.
    Je trouve un peu facile de se taire et de laisser chacun réfléchir dans son coin. Un pasteur n’est-il un coach, un meneur d’homme, un éclaireur, un passeur de l’évangile, qui entraîne à sa suite, mobilise, encourage ?

    1. Marc Pernot dit :

      Je ne suis pas certain, non. Le pasteur, alors, se prendrait ou serait pris un peu pour le Christ. Il doit simplement stimuler le cheminement de la personne vers et avec le Christ, encourager la personne à prendre les rênes de sa vie, pas l’entraîner à la suite d’un leader quel qu’il soit, et encore moins un leader religieux. Mais bon, comme vous dites, chacun son style.

  3. Bernard dit :

    Quand on dit « l’Eglise », on dit quoi ?
    Des institutions religieuses ? Donc des groupes de pouvoir.
    Une nébuleuse constituée d’individus reliés entre eux par l’adhésion à des croyances partagées ?
    Un corps de clercs qui sont censés savoir et conduire le troupeau ?
    Selon la définition qui est donnée de l’Eglise les réponses à la question posée ne sont pas les mêmes.
    J’ai pour, ma part, une affinité avec les visions de l’humanité développées dans les évangiles et attribuées à Jésus de Nazareth. Il s’est insurgé contre les systèmes d’oppression mis en place et utilisés par des hypocrites qui n’avaient que mépris pour les gens de peu .
    Il a œuvré pour que la dignité de tous soit reconnue et appliquée. Il a offert au peuple une compréhension de Dieu qui lui a donné les clefs de sa libération d’une tutelle écrasante.
    C’est ce qu’il a payé du prix de sa vie.
    Partant de là, nous sommes tout aussi libres pour nous positionner contre les pouvoirs oppresseurs et pour initier des modes de vie plus fraternels

  4. Jean-Philippe dit :

    Cette manière de « répondre » à la question offre la possibilité de revenir à responsabilité de chaque baptisé au cœur de la société et des problématiques qui la traversent. Il est vrai que nous sommes tous confrontés à des sujets sensibles et complexes: crise écologique, montée de l’individualisme, crise économique, fracturation et essor des différents communautarismes, etc. Comment s’en saisir personnellement et ecclésialement?

  5. Yolande dit :

    En tous les cas en tant que nourrie des valeurs évangéliques je l’essaye à les incarner dans l action pour une plus grande justice sociale
    Ma bobine ce matin dans le journal
    Je suis une des 100 à l’initiative de cette tribune dans le journal Le Monde
    #Metoo Church

  6. Aline dit :

    Cher Marc Pernot,

    Merci pour votre argumentaire et pour ce blog, toujours riche en réflexion. A propos du sujet abordé dans votre article ci-dessus, je m’interroge sur l’Eglise en temps que Corps de Christ. En effet, tel qu’abordée en Romains 12.5, « un corps en Christ », en 1 Corinthiens 10.17 « un seul corps », ou encore en en 1 Corinthiens 12.27 et Éphésiens 4.12 « le corps de Christ », il me semble important de comprendre l’institution Eglise comme un corps.

    Un corps est composé de différents organes, qui normalement fonctionnent individuellement pour le bon fonctionnement du tout. Dans un corps en bonne santé, chaque système, chaque organe qui le compose travaille à l’homéostasie de l’ensemble afin de préserver l’équilibre nécessaire à la Vie. Et dans ce cas vos arguments en faveur du positionnement individuel me semblent adéquats.

    Néanmoins, en cas de grand stress, d’attaque ou de maladie, il arrive que certains organes du corps humain cessent de travailler pour l’ensemble et commencent à agir de façon dysfonctionnelle. En réaction à leurs blessures et en pensant « sauver leur peau », ils répercutent le déséquilibre sur l’ensemble du système. Je pense par exemple aux allergies, lorsque certains organes du corps sur-réagissent à une agressions qui n’en est pas véritablement une, ou aux cancers, lorsque dans une illusion d’immortalité certains organes développent des cellules qui viennent anéantir le corps en s’attaquant aux nouvelles cellules saines.

    Dès lors, dans le cas du « corps Eglise » il me semble fondamental de rappeler l’élan du Vivant et la nécessité du positionnement.
    A la différence d’un corps physique, l’Eglise est constituée d’Êtres dotés de conscience. Dans des situations où les valeurs créatrices sont menacées, il me semble essentiel que les organes supérieurs, qu’il s’agisse de la tête ou du cœur, se positionnent pour leurs valeurs fondamentales: la justice sociale, la paix et la tolérance.

    Ainsi, n’est-ce pas le rôle des organes supérieurs du « corps-Eglise » de se positionner face aux attaques fondamentales qui fragilisent nos sociétés, et de ramener chaque organe, chaque membre, à une position ancrée en Christ Vivant ?

    1. Marc Pernot dit :

      Tout à fait d’accord avec vous sur l’importance de cette magnifique image du corps et des membres chères à l’apôtre Paul.

      D’accord de considérer que ce corps est l’Eglise, à condition, je dirais, d’entendre par là l’ensemble des personnes aimées et espérées par Dieu, sans se limiter à la partie visible, connue des humains (les membres de mon église particulière, ou les membres d’une église parmi celles qui existent, ou les personnes qui ont reçu le baptême…).

      Ensuite, la question est de déterminer où et comment les institutions, les églises particulières, sont appelées à travailler en faveur de ce corps ? Apparemment, ce qui revient aux membres que nous sommes, notre rôle consiste à se soucier des autres membres.

      Des organes supérieurs ? Paul parle de la tête, qui est le Christ : donc à moins de se prendre soi-même pour le Christ, aucune personne, aucun membre n’est habilité à s’exprimer en tant que tête, mais le Christ seul. A part le Christ lui-même (la tête), Paul insiste bien pour dire qu’il n’y a pas d’organe au dessus des autres, chacun ayant son utilité dans l’ensemble.

      L’unité vient du fait que tous les membres ont l’unique Christ pour tête : précisément quand un des membres ou quelques membres se distinguent eux-mêmes comme au-dessus des autres membres, c’est là que le corps est déchiré car il n’y a plus cet unique membre, le Christ-tête, qui unit tous, mais d’autres prétentions à la supériorité et à la mise en avant de priorités.

      Et l’unité vient de l’Esprit de Dieu qui crée l’unité du corps en inspirant aux membres (qui le veulent bien) de se soucier des autres membres. L’unité vient donc comme une force à l’intérieur de chacun, ce n’est pas une parole surplombante. C’est une unité systémique, venant de l’intérieur de chacun (à la pentecôte, l’Esprit est donné à chaque individu, pas au groupe, ni à quelque champion seulement.

      La résistance aux attaques, est une question. Il me semble que nous pouvons faire confiance en Dieu, dans la force de l’amour du Christ, dans la puissance de l’Esprit, dans la vocation qu’il nous adresse de prendre soucis de notre prochain, non pas pour prendre position sur quelque sujet, mais pour connecter ou reconnecter la personne directement à Dieu, à son Esprit. C’est ce lien interne au Dieu unique qui fera l’unité. Dans ce travail, une prise de position de l’église sur une question débattue, loin de rassemble, est clivante, faisant qu’un certain nombre de personnes vont se sentir exclues du corps, cela produit un effet d’arrachement de certains membres. Au lieu d’un corps uni par l’Esprit, nous avons alors un club de personnes unies par une prise de position controversée.

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