
« Jusqu’ici l’Éternel nous a secourus. » (1 Samuel 7:9-12 ; Jean 14:15-17)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à l’Oratoire du Louvre à Paris, le dimanche 15 juin 2023,
par : pasteur Marc Pernot
Après bien des difficultés pour les protestants en France, voilà que la chapelle royale du Louvre leur est dévolue. Ils y ont vu la main de Dieu venant à leur secours. C’est avec un curieux verset dans la grande sacristie qu’ils choisissent de rendre louange à Dieu : « Jusqu’ici l’Éternel nous a secourus. » Ce verset m’a toujours bien amusé : c’est pour le moins modeste et prudent comme confession de foi. Il y aurait eu mille beaux versets plus catégoriques comme, par exemple, « L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien » du Psaume 23.
Qu’est-ce que ce choix traduit comme attitude dans la vie, comme geste de foi ?
La lucidité
Le premier geste me semble être la lucidité sur la vie : il y a des bonnes surprises qui nous arrivent, cependant le fait d’avoir la foi n’est la garantie que notre vie sera un chemin bordé de lys et parsemé de pétales de roses (sans épines). Si l’Éternel nous a déjà secourus à plusieurs reprises, c’est qu’il y a eu bien des moments difficiles dans le passé, qu’il y a probablement des difficultés présentes et d’autres à venir.
La gratitude
Le second geste est la gratitude. C’est effectivement une modestie lucide : tout ce qui nous arrive de bien ne vient pas de nous. Le geste de la gratitude va au-delà du bien qui existe dans notre vie et dans notre monde, elle cherche en amont ce qui a pu être la source de ce bien. C’est un excellent geste supplémentaire, une lucidité approfondie.
Samuel va encore plus loin, il fait de sa gratitude un mémorial en dressant un autel pour rendre un culte à Dieu, et c’est ce que font aussi les Oratoriens avec leur verset dans la sacristie. C’est une bonne idée, pratique : ce geste permet de conserver en mémoire ce qui a été pour nous source de supplément de vie dans le passé, de nous en constituer comme une bibliothèque. Y reconnaître les traces de Dieu.
Ce geste n’est pas réservé au croyant. Toute personne peut rechercher en elle-même ce qui l’a aidée à franchir un palier dans son existence, identifier ces sources de vie, en faire une petite collection. Cet ensemble rejoint ce que nous appelons « l’Éternel », YHWH (en hébreu), que l’apôtre Paul traduit par « celui en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17:28). C’est Dieu en tant qu’il est notre secours sans jugement ni réserve. Ce mémorial de gratitude nous permet de nous recentrer sur ce Dieu-là, dans le présent, en vue des jours suivants.
Cette lucidité et ce mémorial de gratitude sont un travail au jour le jour avec une part d’observation, de réflexion et de prière, bien sûr. Personne ne peut le faire à la place d’un autre, mais il est possible d’aider un enfant à acquérir ces gestes, ce sera une sacrée chance dans sa vie.
Le « nous »
Il émerge alors, dans ce verset, un premier fruit : c’est le « nous ». C’est comme dans le « Notre Père » de Jésus : il nous invite à prier en solitaire cœur à cœur avec Dieu, aussitôt surgit le fait que Dieu est « notre » Père, pas seulement mon petit papounet à moi (mais aussi).
Quand la masse de nouvelles cauchemardesques nous pousse à nous recroqueviller, aussi bien la lucidité que la gratitude nous permettent de faire la part des choses et nous enseignent qu’une irruption du bien par surprise peut sans cesse se manifester, comme par miracle. C’est la réalité. Même du mal, Dieu peut faire surgir un plus grand bien : c’est vrai dans notre vie, comme le disent bien des épisodes de la Bible : de l’histoire de Joseph vendu par ses frères à la résurrection du Christ en passant par Samuel à Mispa.
La théologie expérimentale
Le second fruit de ce geste de lucidité et de gratitude, c’est une théologie plus robuste et plus vraie, plus fidèle à celui qui nous donne la vie.
Bien des théories circulent sur l’être et sur l’agir de Dieu. L’Évangile nous dit qu’en Christ, l’Éternel sauve, c’est le sens même du nom de Jésus (en hébreu Josué (Iehoshoua יְהוֹשֻׁעַ). Mais on peut entendre ailleurs que Dieu peut éprouver, punir ou abandonner à la mort… Comment savoir ?
Ce verset « Jusqu’ici l’Éternel nous a secourus. » est de la théologie expérimentale. De la théorie passée à l’épreuve de l’expérience. Ce que note Samuel, c’est que, dans ce qu’ils ont vécu, l’Éternel a été encore et encore une source de vie pour contrecarrer ce qui menaçait de les abattre. C’est l’expérience qui vient au secours de la théologie spéculative.
C’est comme cela que la science progresse. Un certain nombre de modèles existent, il appartient au scientifique de valider plus ou moins telle ou telle théorie par des expériences. La théorie est respectée et mise en doute à la fois : non pour la détruire, au contraire, pour l’affiner et la rendre plus fidèle à la réalité, et nous aider à mieux avancer dans la vie.
C’est pourquoi la confession de foi de Samuel est ici à la fois affirmative et modeste : l’hypothèse d’un Dieu qui fait des miracles de vie dans notre existence est bien une théorie validée par l’expérience. Seulement, par principe, Dieu reste au-delà de toute pensée, et il est bon de le respecter, de ne pas tomber dans une idolâtrie dogmatique.
Notre théologie se nourrit de ce que nous entendons sur Dieu, y compris du haut de cette chaire. Nous mettons ensuite personnellement notre théologie à l’épreuve de l’expérience de ce que nous vivons et voyons au jour le jour.
Cette théologie théorique et expérimentale demande le courage de se remettre en question dans le domaine si profond qu’est la foi. Ce courage nous vient du fait que nous avons appris du Christ et expérimenté que l’Éternel nous est favorable.
Reste une étape supplémentaire, au-delà de notre expérience de Dieu venant à notre secours, Jésus nous propose d’intérioriser cette puissance de salut en nous.
Un autre consolateur, défenseur, sauveur
C’est le don de l’Esprit que nous fêtons à la Pentecôte ou le « paraclet » (en grec), le consolateur, le défenseur : un principe actif de résilience à recevoir en nous.
« Le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas » : c’est un des grands handicaps de notre époque, peut-être, même si c’était pire encore du temps de Jésus : la méconnaissance de Dieu, aussi bien théorique que pratique ; un manque de théologie, manque de prière, manque de partage entre nous.
« Mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il sera en vous. », nous dit Jésus. Comment le connaissons-nous ? Par son témoignage, même si nous n’avons jamais senti l’aide de Dieu dans notre vie, nous pouvons repartir de cela, ainsi que du témoignage de notre grand-mêre, par exemple, ou d’un ami cher. « Si vous m’aimez, vous garderez mes paroles. » C’est son enseignement sur Dieu comme pure source de bien pour nous. La vie du Christ a été un signe de ce Dieu qui marche avec nous.
Cela nous invite à la lucidité, et à discerner avec modestie les traces d’une puissance qui nous dépasse infiniment dans tant de belles choses de la vie, de notre vie. Partager ces expériences et dire ce secours de l’Éternel.
Nous commençons alors à être prêts à ce saut que nous propose le Christ : discerner que cette puissance de salut non pas seulement à nos côtés mais « en nous ».
Avec nous et en nous pour toujours.
Ce n’est plus seulement une attente de la bonne providence de Dieu, même si cela arrive plus qu’on n’ose le reconnaître. C’est une sorte de puissance d’auto-guérison de notre être. C’est une expérience que nous observons quand nous nous égratignons la pulpe d’un doigt : cela se cicatrise automatiquement, avec même nos empreintes digitales personnelles qui sont remises en place. Le paraclet est quelque chose comme cette puissance d’auto-guérison et de croissance à l’échelle de notre être entier, y compris ces dimensions profondes que sont notre personnalité, notre moral, notre foi.
Avec cet esprit, il n’y a plus de « jusqu’ici », c’est du « pour toujours ». Pas un pour toujours théorique, bien des personnes que j’ai rencontrées, en particulier des personnes qui ont vécu des époques et des drames infiniment pires que ce que l’on peut imaginer, m’ont partagé cette expérience.
Déjà nous avons quelques gouttes de cet Esprit « en nous », au plus profond de notre âme, le découvrir nous permet de mieux l’activer et de prier pour qu’il augmente en nous.
Amen
Textes de la Bible
1 Samuel 7:9-12
Samuel prit un agneau de lait et l’offrit tout entier en holocauste à l’Éternel. Il cria à l’Éternel pour Israël, et l’Éternel lui répondit. 10Pendant que Samuel offrait l’holocauste, les Philistins s’approchèrent pour attaquer Israël. En ce jour l’Éternel fit retentir le tonnerre à grand bruit contre les Philistins et les mit en déroute. Ils furent battus devant Israël. 11Les hommes d’Israël sortirent de Mitspa, poursuivirent les Philistins et les battirent jusqu’au-dessous de Beth-Kar. 12Samuel prit une pierre qu’il plaça entre Mitspa et Chén, et il l’appela du nom de Ében-Ézer (« Pierre du Secours »), en disant : Jusqu’ici l’Éternel nous a secourus.
Jean 14:15-17
Jésus dit : Si vous m’aimez, vous garderez mes paroles. 16Moi, je demanderai au Père de vous donner un autre défenseur pour qu’il soit avec vous pour toujours, 17l’Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il sera en vous.
Articles récents de la même catégorie
Articles récents avec des étiquettes similaires