pasteur Marc Pernot le 16 novembre 2025
Prédication

« Devenez reconnaissants » (Colossiens 3:15 ; Jean 15:9-12)

Résumé : L’injonction biblique à « devenir reconnaissant » est un appel à la transformation de l’être, bien au-delà de la simple politesse. Découvrez l’éclairage théologique et philosophique sur la gratitude comme fondement de l’amour, de l’estime de soi et du lien à Dieu, à travers le testament spirituel de Jésus.

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 19 novembre 2025,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Transcription de la Vidéo :

Devenir Reconnaissant : Un Travail sur l’Être

Dans sa lettre aux Colossiens, Paul donne ce conseil lapidaire : « Soyez reconnaissants » ou « vivez dans la reconnaissance » (selon les traductions). Pourquoi nous dit-il cela comme si c’était essentiel ? En réalité, dans le texte original il est marqué « devenez reconnaissants », ce qui est beaucoup plus intéressant. Car le conseil « soyez reconnaissant » nous fait la morale, alors que « devenez reconnaissants » nous propose de travailler sur notre être, pas de la simple bonne éducation.

Comment faire ? Par un travail sur soi, par le désir de devenir meilleur, c’est pas mal aussi de compter sur l’aide du Créateur pour nous aider à poursuivre notre évolution. C’est un spécialiste.

C’est ce travail que j’aperçois dans ce très profond testament spirituel de Jésus quand il dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. »

« Le Père m’a aimé » : La Source de la Gratitude et de la Théologie

La Reconnaissance : un Travail de Lucidité Quotidien

Jésus médite sur des bienfaits de Dieu dans sa vie. C’est déjà de la reconnaissance : il relève le bien qui lui est arrivé pour s’en réjouir. C’est un travail tout simple, quotidien et plutôt sympa à faire, un travail de lucidité. Hélas, nous avons plus le réflexe de tourner et retourner nos malheurs dans notre tête que nos bonheurs. C’est quand même dommage.

Jésus va encore plus loin : il relève donc des bienfaits qui lui sont arrivés, puis il en cherche la source. Ce n’est pas que de la chance. Certains de ces bienfaits viennent de ses parents, de ses amis, de ses professeurs, de la vie, et il reconnaît derrière un certain nombre de ces bienfaits une source plus grande que tout : Dieu. C’est l’objet de sa reconnaissance ici.

La Vraie Reconnaissance : De l’Acte à l’Être du Donateur

Jésus se demande ensuite pourquoi est-ce que Dieu a fait ça pour lui ? Nous rentrons là dans un autre niveau de la reconnaissance : ce n’est plus seulement une reconnaissance à telle personne pour ce qu’elle nous a apporté, c’est la reconnaissance pour la motivation de cet acte. C’est ainsi que Jésus en arrive à reconnaître que Dieu l’a porté pour la simple et bonne raison que Dieu l’a aimé. C’est alors de la véritable reconnaissance : non pas seulement de l’acte mais de l’être même de l’autre qui nous a fait du bien. C’est un geste très fécond, comme Jésus en témoigne :

L’Amour de Dieu Intégré : Le Fruit de la Gratitude Consciente

Le Don de l’Amour par la Reconnaissance Active

« Comme le Père m’a aimé, Moi aussi, je vous ai aimés. »

Jésus témoigne ici du fait que ce travail de la gratitude consciente a porté des fruits en lui : au-delà de la simple joie d’avoir bénéficié d’un bienfait, Jésus a pu ainsi intégrer à son propre être cette extraordinaire qualité de Dieu qui est d’aimer. On comprend pourquoi Jésus appelle ici Dieu « Père » puisque à travers ce travail de la reconnaissance, il a pu hériter de cette qualité divine qui est d’aimer.

Ce travail conscient de la reconnaissance est ainsi la source d’une belle évolution puisque nous sommes alors inspirés par le meilleur. C’est sans doute ce que Jésus a fait dans la prière.

Jésus ne dit pas qu’il a aimé ses disciples, parce que Dieu lui en aurait donné l’ordre où qu’il se serait senti obligé de le faire après ce que Dieu a fait pour lui. Jésus le fait, lui aussi, par amour, comme un fruit de l’amour du Père qui s’est transmis grâce à sa reconnaissance active.

Je remarque que beaucoup de gens fonctionnent ainsi : il est impossible de leur rendre service sans qu’ils se sentent immédiatement contraints de faire un contre-don équivalent. C’est sympa mais je pense que c’est dommage. C’est effectivement de la reconnaissance pour le bienfait reçu, mais cela oublie le meilleur : la bonté du donateur, la bonté gratuite qui était derrière son geste. Il me semble préférable de s’en tenir à une gratitude sincère exprimée par des mots venus du cœur, accompagnée éventuellement d’un geste symbolique.

Reconnaître la Dignité de l’Autre : Un Enjeu Philosophique

La Reconnaissance Mutuelle : Essentielle à l’Existence

Jésus dit ensuite « Moi, je vous ai aimés. » Quand Jésus dit cela, nous avons une autre forme de reconnaissance, non pas une reconnaissance pour ce que l’autre nous aurait apporté, mais une reconnaissance au sens de reconnaître que l’autre existe et qu’il est digne d’intérêt.

La première reconnaissance, celle que l’on a pour une personne qui nous a fait de bien, est féconde. La seconde forme de reconnaissance, celle qui s’intéresse à l’autre pour lui-même, cette seconde reconnaissance est vitale. Pourquoi ?

C’est viscéral. L’humain est dans une situation fort belle mais inconfortable : notre vie est courte et très vulnérable, ce n’est pas très rassurant, ceux qui ont de la spiritualité se sentent face à une formidable transcendance ce qui est impressionnant. Par ailleurs, nous pouvons nous rendre facilement compte notre être a quelque chose d’absolument merveilleux que nous devons à tous ceux qui nous ont donné la vie, élevé, nourri, torché, éduqué…. et cela peut être ressenti comme une dette insolvable.

Tout cela fait, je pense, que nous avons tous en commun un infini besoin d’être reconnus par d’autres comme dignes d’exister. C’est donc un service essentiel que nous pouvons nous rendre mutuellement : nous apporter de la reconnaissance, comme le fait ici Jésus pour ses disciples : vous en valez la peine.

Bien des personnes, de l’école primaire jusqu’à l’entreprise, dans la famille ou dans la société, cherchent avec frénésie un peu de reconnaissance. Nous avons vu cela avec nos catéchumènes qui peuvent être amenés pour cette raison à faire n’importe quoi : à porter la dernière tenue hypersexy à la mode (alors qu’elles n’en avaient pas envie), ou à faire n’importe quelle expérience risquée : tout pour être reconnu par les autres, ne pas être « ghosté » comme on dit aujourd’hui (ostensiblement ignoré de tous). Nous en avons discuté avec ces jeunes : la meilleure façon d’être « reconnu » par les autres est de s’intéresser sincèrement à chaque personne du groupe, individuellement, de la reconnaître.

Nous avons d’autant plus besoin de reconnaissance que nous avons aussi des humiliations dans la vie. C’est inévitable, car nous ne pouvons pas être sans cesse le plus grand centre d’attention du monde entier. Nous passons notre temps à nous sentir relégués. Même de la part de Jésus : par exemple quand il donne la responsabilité d’apôtre à tel homme ou à telle femme, ou quand il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean en retraite sur la montagne de la Transfiguration : ces personnes bénéficient alors d’une précieuse reconnaissance de la part de Jésus, mais c’est naturellement subi comme une relégation par les personnes qui n’ont pas été choisies par Jésus à ce moment-là, comment faire autrement ? Notre vie est ainsi marquée, ballottée par ces expériences de reconnaissance et de relégation.

Intégrer la Reconnaissance en Estime de Soi

La Prière et la Reconnaissance pour l’Estime de Soi

C’est pourquoi il me semble essentiel d’intégrer, jour après jour, le moindre geste d’amour ou de reconnaissance que nous avons reçu, de l’intégrer dans une estime de nous-mêmes. C’est ce qu’a fait Jésus dans la prière et cela lui a donné une force : celle d’aimer à son tour et celle d’être libre.

Jésus lui-même avait besoin de reconnaissance pour avoir la force d’accomplir son ministère. Il en a bénéficié de la part de Dieu et il l’assume ici dans la gratitude. On le voit aussi quand il interroge ses disciples en disant : « Et vous, que dites-vous que je suis ? » (Luc 9:20), ce n’est pas seulement un exercice pour ses disciples, je pense que c’était un vrai besoin pour lui-même d’entendre la réponse. Ou quand Jésus interroge à plusieurs reprises Pierre qui l’a trahi : « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn 21:17), ce n’est pas seulement une question rhétorique afin d’aider Pierre, mais la trahison d’un de ses plus proches a été pour Jésus une relégation, une blessure ouverte. Il assume de devoir travailler là-dessus.

Donc oui, nous avons besoin de la reconnaissance des autres et de faire ce travail sur nous-mêmes, dans la lucidité et dans la prière en reconnaissant : « là, j’ai été un peu (ou beaucoup) aimé ». C’est ainsi que nous arrivons à sentir, aussi peu que ce soit, cette vérité : il vaut mieux que je sois plutôt que de ne pas être  (en français courant : Non, je ne suis pas une merde). C’est ici le cœur de la reconnaissance pour ceux qui nous ont aimés. Et alors nous pourrons être libres d’aimer un peu. Ce qui est une grande joie.

Grâces soient rendues à Dieu pour son amour.

Texte de la Bible

Évangile selon Jean 15:9-12

Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.

10Si vous gardez mes paroles, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j’ai gardé les paroles de mon Père et je demeure dans son amour.

11Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète.

12Voici ma parole : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés.

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