22 septembre 2024

Marc Pernot le 22 septembre 2024
Prédication

Deux figures, un amour (Évangile selon Luc 7:36-50 ; Psaume 1er)

Il y a souvent un récit ou un texte de la Bible mettant deux personnages en parallèle ou en opposition. Ce n’est pas pour être clivant comme les discours populistes ou sectaires, c’est au contraire pour nous inviter à la nuance, car chacun des deux personnages est une dimension de tout humain.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 22 septembre 2024,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Bien souvent, un texte biblique nous propose deux personnages en opposition ou deux figures parallèles. Ce n’est pas pour renforcer notre tendance à avoir des opinions caricaturales, bien au contraire : c’est pour enrichir notre esprit de nuance, chacune des deux figures représentant une part de chaque personne humaine.

Je vous propose un psaume et un récit de l’Évangile qui sont sur ce modèle des deux voies et d’y rechercher, comme toujours dans notre lecture, comment Dieu est amour et comment l’amour est créateur dans nos vies.

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La forme littéraire des deux voies est une rhétorique classique des discours populistes et des sectes. Une voie est la bonne : elle nous promet l’abondance, l’autre est mauvaise et nous promet la catastrophe, avec cette conclusion : votez pour moi sinon… Bien des textes bibliques ont cette forme des deux voies mais pour nous ouvrir à tout autre chose qu’à une vision clivante, au contraire, c’est pour nous aider à développer un esprit de nuances et de discernement, comme dans ce Psaume 1er qui présentent une figure du juste et une figure du méchant, où il est très clair que les deux parlent de chacun de nous.

Le Psaume 1er le bon arbre et la paille

En effet, le Psaume dit que « les méchants sont comme la paille que le vent dissipe », or, évidemment, tout épi de blé est constitué de paille et de grains, et cela n’empêche pas de faire du bon pain grâce à un judicieux vannage du blé. On comprend alors que le « jugement » de Dieu, c’est l’amour : c’est une bienveillance qui va chercher le moindre grain de blé en chacun même s’il était enfoui dans une meule entière de paille. L’amour dont il est question dans ce psaume est même plus que cela : c’est une mise en lumière qui nous aide à distinguer le grain de la paille. Cet amour est une libération de ce qui encombre la vie bonne, une libération qui n’est pas violente, mais comme par un léger souffle tendant à emporter la paille pour révéler le grain. Cet amour est déjà, en amont, une irrigation en profondeur de la personne aimée : sans remettre en cause ni ses racines, ni son terrain naturel : une irrigation qui lui permet peu à peu de se développer dans le meilleur d’elle-même, de resplendir de verdure, et de porter ses propres fruits à son propre rythme.

C’est tout l’inverse d’un discours clivant. C’est un apprentissage de ce que c’est qu’aimer. Bien des textes bibliques reprennent cette rhétorique des deux figures, par exemple avec le peuple de Dieu sauvé par miracle des méchants soldats du pharaon, ou la victoire miraculeuse de Josué sur l’invincible Jéricho. C’est toujours pour nous faire méditer, discerner dans notre vie, l’amour de Dieu à l’œuvre pour nous libérer de ce qui nous bloque sur le chemin de notre développement, et d’arriver un petit peu mieux à nous conquérir nous-mêmes. En première lecture, ces récits bibliques peuvent sembler effrayants, avec le massacre des méchants, des étrangers, des ennemis, avec des boucs envoyés dans les flammes éternelles : alors que ces récits apportent une bonne nouvelle dès lors que l’on a compris que l’ennemi est ce qui nous tire vers le bas, quoi que ce soit.

Dans ces textes, la question n’est pas une question de morale : c’est à un autre niveau que l’amour divin travaille, c’est à la racine. C’est même plus profond que ça, c’est dans l’irrigation des racines, tant il est vrai que nos racines et ce monde où nous poussons sont reconnus comme excellents par nature. Un tel arbre irrigué et soigné comme il faut donnera des fruits de vie.

Une variété de natures, d’histoires et de sensibilités

Dans l’autre texte que je vous propose, tiré cette fois des évangiles, nous avons également deux figures : un pharisien et une femme, mais c’est une autre rhétorique qui est mise en place par ce récit, car les deux personnages ont manifestement chacun une démarche excellente à certains titres, et pouvant être complétée sur d’autres plans.

Cela illustre d’abord la multitude des natures humaines différentes, chacune avec son histoire et son style. Prendre en compte cela est là aussi une manifestation de l’amour divin. C’est aussi une sagesse très pratique : la personne qui est à côté de moi a sa propre façon de fonctionner. Comme tel arbre s’épanouira sur tel type de terrain, telle orientation, ensoleillement, hygrométrie, altitude, et demandera pour cela tel ou tel soin. Il en est de même pour la personne humaine, avec cette difficulté que quand on achète une plante en pot, il y a en général une étiquette qui donne ce genre d’informations, alors que la personne humaine arrive sans mode d’emploi collée sur son front. À nous de deviner, de le sentir. Là aussi, cela demande de l’amour pour accepter que l’autre n’ait pas le même fonctionnement que moi et cela demande de l’amour pour entendre, discerner, sentir, intuiter.

L’Évangile du pharisien et de la femme

Les qualités du Pharisien sont honorées. Un pharisien est effectivement une personne héroïque cherchant à perfectionner sa vie concrète jusque dans les moindres détails avec une réflexion, une attention, une spiritualité formidable. Ici, il organise un repas ouvert à tous avec ce curieux rabbi itinérant : c’est une vraie recherche. Le résultat c’est qu’il invite le Christ dans sa propre vie, dans son intériorité et dans son environnement, c’est l’idée de l’Évangile ! Ensuite : quand Jésus lui parle, il répond, il écoute. Il se demande si Jésus est prophète (porteur de quelque chose qui vient de Dieu) ou seulement un « maître »(un sage et un théologien). En tout cas, c’est bien.

Les qualités de la femme sont elles aussi honorées par Jésus : elle a bien dû entendre l’amour de Dieu dont Jésus est témoin, puisqu’elle cherche à le rencontrer, elle ose affronter la foule pour s’approcher de lui et manifester sa gratitude. Pour en avoir entendu parler elle a bien dû écouter ce qu’il avait à dire en paroles et en actes. S’intéresser et relever ce qui est source de vie, se laisser rejoindre par cela est une excellente démarche : c’est une ouverture, une façon d’aimer. S’approcher et manifester de la gratitude est un stade supplémentaire dans l’amour, et c’est souvent fécond.

Les deux personnages sont très différents, ils ont pourtant une qualité commune : leur courage, leur sincérité, leur authenticité. C’est ce qui les conduit, chacun et chacune, à porter attention au Christ comme leur apportant une part de salut venant de plus haut.

Le courage d’être

Le courage est une qualité particulièrement relevée par le théologien Paul Tillich (dans son livre « le courage d’être », livre d’un niveau un peu avancé) où il parle de différentes formes de courage. Le pharisien a le courage de travailler à avoir objectivement une vie et une pensée bien en ordre. Le courage de la femme est ce que Tillich appelle la foi consistant à « accepter d’être accepté bien que l’on se sente inacceptable » (je cite de mémoire).

Faut-il opposer ces deux courages que représentent les deux personnages de cette histoire ? Ne faut-il pas plutôt les conjuguer, faire qu’ils se complètent l’un l’autre ? C’est en général comme cela que nous sommes amenés à nous approprier tout passage biblique, à travers le meilleur de chacun des personnages mis en scène.

Le courage du pharisien est un amour du vrai et de l’acte juste. C’est utile, peut-être un petit peu sec, un peu raide, très exigeant pour soi-même et pour les autres, et butant évidemment sur l’impossible perfection.

Le courage de la femme est celui de la foi, le courage d’être acceptée pour elle-même. Cet amour qui nous dépasse peut parfois être senti dans la prière. Il peut se sentir à travers un regard, des paroles ou des gestes d’une autre personne. Cela peut être le résultat d’un émerveillement devant l’univers, ou en méditant les textes des évangiles… cet amour dépasse la question de notre imperfection. Reste que c’est quand même mieux de vivre en produisant de bons fruits, comme le tente le Pharisien.

Une démarche reconnue et inspirante

Pour joindre ces deux courages, Jésus exhorte l’un et l’autre des protagonistes. Il enseigne au pharisien l’exemple de la femme : qu’il ait le courage d’accepter d’être accepté bien qu’il ne puisse atteindre la perfection.

Et à la femme, il l’encourage avec ce triptyque :

  • « Tes péchés ont déjà été pardonnés » : elle a déjà été acceptée, aimée, depuis toujours,
  • « Ta foi t’a sauvée »: c’est son courage d’accepter d’être acceptée, même si elle se sent inacceptable,
  • Jésus ajoute un « va en paix » qui appelle à poursuivre son cheminement, après le courage d’être acceptée sans mérite, trouver le courage d’avancer, mais alors tranquillement, à son rythme, sans l’angoisse d’être insuffisante.

La femme a un triple geste en réponse à l’amour de Dieu qu’elle a senti en Christ. Chacun de ces gestes honore les pieds de Jésus, c’est-à-dire sa démarche, sa façon d’avancer, et aussi son contact avec ce monde : un contact aimant, voire amoureux de la personne et de la vie. C’est cela que la femme aime en Jésus : c’est une démarche. C’est à un autre niveau qu’un moralisme. C’est un amour qui l’a mise en route. C’est ce qui lui permet d’aimer la démarche.

Même les pieds de Jésus sont salis par la poussière de la route, elle sait pourtant y voir un cheminement vers son Père et notre Père. Elle embrasse ses pieds : embrasser était à l’époque comme un sacrement de transmission de l’enseignement entre le maître et le disciple : c’est de la démarche aimante de Jésus qu’elle a été enseignée, et elle choisit de devenir disciple de cette démarche. Enfin, elle oint de parfum ses pieds, c’est comme un sacre qui fait de Jésus le Christ, elle confesse que c’est sa démarche qui l’a sauvée et qui sauve chaque individu de ce monde : quand il saisit qu’il a été accepté, qu’il n’a pas à conquérir son droit à être en ce monde, droit à porter ses propres fruits à son rythme. Elle a accepté d’être acceptée.

Le « va en paix » de Jésus rappelle alors cette parole du Christ : « La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jean 20:21) Nous porterons notre propre fruit, en notre temps, aussi peu que ce soit.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Évangile selon Luc 7:36-50

Un des pharisiens invita Jésus pour manger avec lui. Il entra donc chez le pharisien et s’installa à table. 37Voici alors qu’une femme, une pécheresse de la ville, apprit qu’il était à table dans la maison du pharisien, elle apporta un flacon d’albâtre plein de parfum 38elle se plaça derrière lui, à ses pieds. Elle pleurait et se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus, elle les essuyait avec ses cheveux, embrassait ses pieds et répandait sur eux du parfum. 39En voyant cela, le pharisien qui l’avait invité se dit intérieurement : Si cet homme était prophète, il saurait de quelle sorte est la femme qui le touche parce qu’elle est une pécheresse. 40Jésus répondit à la situation en lui disant : Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Maître, parle, répondit-il. 41– Un créancier avait deux débiteurs ; l’un devait cinq cents deniers et l’autre cinquante. 42Comme ils n’avaient pas de quoi le rembourser, il leur fit grâce à tous les deux. Lequel des deux l’aimera le plus ? 43Simon répondit : Je suppose que c’est celui à qui il a été fait grâce de la plus grosse somme. Il lui dit : Tu as bien jugé. 44Puis Jésus se tourna vers la femme et dit à Simon : Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle, elle a mouillé mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45Tu ne m’as pas embrassé, mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a pas cessé de m’embrasser les pieds. 46Tu n’as pas répandu d’huile sur ma tête ; mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47Je peux te dire que ses nombreux péchés ont été pardonnés, je peux te le dire car elle a beaucoup aimé, alors que celui à qui l’on pardonne peu aime peu. 48Et il dit à la femme : Tes péchés ont déjà été pardonnés. 49Ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à se dire intérieurement : Qui est-il, celui-ci, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? 50Mais Jésus dit encore à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix.

Psaume 1er

Heureux l’humain,
Qui ne marche pas selon le conseil des méchants, qui ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et qui ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, mais qui trouve son plaisir dans la parole de l’Éternel, Et qui la médite jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau, qui donne son fruit en son temps, et dont le feuillage ne jaunit pas : tout ce qu’il fait réussit.

Il n’en est pas ainsi des méchants : ils sont comme la paille que le vent dissipe. C’est pourquoi les méchants ne résistent pas au jour du jugement, ni les pécheurs dans l’assemblée des justes.

Car l’Éternel connaît la voie des justes, et la voie des pécheurs se perd.

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