30 juillet 2024

petite sculpture d'un diable en terre posé sur le sol - Photo de Timothy Dykes sur https://unsplash.com/fr/photos/figure-blanche-a-cote-de-la-plante-verte-KTYSVnv6lUw
Question

Une amie me demande si le diable existe, d’autant qu’il y a le problème, incontournable et sans justification, du mal.

Question posée :

Cher Pasteur, une amie me demande si le diable existe. Je ne sais pas trop que lui répondre, parce que pour moi, je ne peux penser que le diable soit une sorte de personne perverse répandant la souffrance et la cruauté, mais pour autant reste le problème, incontournable et sans justification, du mal. J’ai lu des pages et des pages sur le sujet et la seule chose que j’ai compris, c’est qu’il n’y a pas de réponse et qu’il faut vivre avec ça.
Alors, que puis-je dire à cette amie?
Merci de votre aide,

Réponse d’un pasteur :

Chère Madame

Bien volontiers. Bravo de creuser les questions théologiques et de les partager avec d’autres.

Qu’est-ce que le diable ?

Le mot « diable », en grec, est un nom de fonction, de métier. Littéralement, un diable est un agent qui réduit en miettes et éparpille, qui déconstruit, qui dilapide.

Rien n’oblige à penser qu’il y aurait une sorte de créatures malfaisantes qui fasse cela. Certains le pensent, cela vient à mon avis des théologies dualistes avec un Dieu bon et créateur et un dieu mauvais et destructeur, ces dieux étant armés de bataillons d’anges et de démons, respectivement. Ces théologies dualistes existaient avant les Hébreux, par exemple en Mésopotamie toute proche.

Je suis du même avis que vous, je ne crois pas une seconde à l’existence de ces créatures démoniaques. En cela, je suis radicalement monothéiste : il existe un seul Dieu et il est bon, il est créateur.

La croyance en des puissances maléfiques est certes une explication commode à l’existence du mal, sauf que cela me semble mal expliquer les malheurs du monde. Par exemple, s’il y avait un diable, il aurait logiquement envoyé un cancer ou un coup de foudre sur une personne comme Sœur Emmanuelle plutôt que de tuer un enfant innocent. Cela n’a aucun sens de l’imaginer. La catastrophe naturelle tombe au hasard sur une personne sans calcul.

Imaginer une sorte de dieu méchant cela me semble un peu une façon de nous dédouaner. Nous ne sommes pas totalement délivrés d’une légère tendance à être diaboliques, et ce n’est pas le résultat d’une invasion de démons en nous, c’est beaucoup plus basique que cela : c’est pour assurer notre pouvoir, notre jalousie, notre désir de vengeance ou d’écarter la concurrence, ou parfois l’instinct de survie…

Quelles sont les origines du mal et de la souffrance ?

La question de l’existence du mal a parfois été dite « un mystère » sans réponse. Ce n’est pas vrai, je pense. Quand certains théologiens sont mis face à une incohérence dans leur théologie, ils ont tendance à dire que nous sommes devant un mystère. C’est une sorte de joker dans l’argumentation.

L’existence du mal et de la souffrance s’explique à mon avis assez bien à partir de ces deux éléments :

  1. La création est encore actuellement en cours. Il reste donc une part de chaos dans le monde, et aussi en chacun de nous. Dieu y travaille et il nous embauche, mais il reste une part de chaos, source de déconstruction, d’entropie. C’est à la fois les catastrophes naturelles, et le lion qui mange un enfant s’étant écarté du village : il n’y a pas volonté de faire du mal, c’est simplement pas de chance quand cela tombe sur une victime innocente.
  2. L’homme est créateur et il a une part de liberté. Cela fait que l’homme peut, lui, devenir diabolique : combinant activement (ou simplement par bêtise) des opérations faisant du mal et de la souffrance.

Déjà ces deux sources apportent une réponse qui me semble saine et innocentant Dieu totalement de tout mal. Ce qui gêne certains théologiens c’est que Dieu n’apparaît pas comme « tout-puissant » dans le présent. Mais il s’agit là d’un mythe pas très biblique. Dieu est puissant, certes, mais pour la toute-puissance il s’agit là plus de fantasme que d’exégèse, dirais-je. Vous pouvez, si vous le désirez, voir ces articles : sur le diable, sur l’existence du mal, et cette prédication sur le chaos et la création

Importance éthique et spirituelle de clarifier la question de la source du mal

C’est important de clarifier pour nous la source de souffrance et de mal, car c’est ainsi que nous pourrons travailler dessus (avec l’aide de Dieu). Si nous nous trompons de cible, c’est bien dommage. Et cetet question est essentielle pour la foi : si on suppose que Dieu est en quelque mesure que ce soit source de souffrance, ça trouble profondément notre confiance en lui.

Alors que dire à cette amie avec qui vous discutez théologie ? Qu’elle a tout à fait le droit de se faire sa propre opinion, et d’y tenir, que l’on peut discuter de nos opinions respectives sans nécessairement être du même avis en toute chose. L’essentiel est de travailler nos propres convictions, de les affiner et d’en vivre le plus possible en cohérence, avec sincérité. Et qu’en discuter avec d’autres est utile (dans le respect mutuel, évidemment), est très utile.Donc bravo de discuter de cette question avec elle.

Dieu vous bénit et vous accompagne

par : pasteur Marc Pernot

Réponse du visiteur :

Merci, cher pasteur, de votre réponse et des articles joints qui m’ont à la fois éclairée et interrogée, et du coup j’ai essayé de mettre en forme ce que pourrait être mon « credo ».
Je me permets de vous le communiquer, parce que cet échange avec vous m’encourage dans mes questionnements!
Le voici, donc:

Je crois en Dieu fondement de toute vie qui s’est fait visible en Jésus-Christ, incarnation de l’amour de Dieu, venu sur terre pour nous ouvrir le chemin vers Dieu.
Je ne crois pas au « Dieu tout puissant », mais à la toute puissance de l’amour de Dieu, c’est la seule signification que je peux voir à la crucifixion. Je sais que Jésus est né d’une femme, qu’il a vécu, a été crucifié, et je crois au témoignage de ceux qui l’ont dit ressuscité et en ont eu leur vie bouleversée.

Je pense que les affirmations des « credo » (symbole des apôtres et credo de Nicée) ne doivent pas être lues comme des professions de foi intangibles, mais comme des tentatives d’éclairer le contenu de la foi chrétienne, écrites dans un langage et dans un contexte qui n’est plus le nôtre, et à partir desquelles nous pouvons continuer à l’approfondir.

Je crois que la mort n’aura pas le dernier mot et que nous sommes destinés à la vie éternelle sans que je puisse dire quoi que ce soit sur ce qu’elle peut être.

Je crois que le Christ est présent à « quiconque pense et vit selon ce qu’il croit vrai en conscience « (M. Bellet) quelles que soient son époque et sa religion ou non religion.

Je crois que nos désirs de beauté et de bonté ne sont pas illusions, mais plutôt qu’ils signent notre destination. Je crois que tout ce que nous avons vécu de beau et de bon dans nos actes, nos relations, nos désirs, que tout cela n’est pas perdu mais voué à l’accomplissement.

En dépit de toutes les atrocités dans le monde, et du mal présent en tout un chacun, je crois que la bonté est plus profonde que le mal, et que le néant, l’absurde, la mort n’ont pas le dernier mot.

Je crois que croire « en « Dieu, c’est affirmer que nous ne sommes pas seuls, que notre solitude est habitée, que nous sommes accompagnés, que nous avons l’assurance d’être « gardés » parce que le Dieu auquel nous croyons, est un Dieu « avec nous », même si et quand nous vivons « sans » lui.

Fraternellement,

Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

7 Commentaires

  1. Claude dit :

    Qu’est-ce donc que « Le Mal » ? Est-ce la souffrance physique, psychologique ? Est-ce le sentiment d’échec ?… D’aller à gauche alors que je voulais aller à droite… Que Paul traduit dans Romains 7:19, par
    « Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas » ??? « Le Mal » n’est-il pas coexistant à la création ?
    Ésaïe 45:7 : « Je forme la lumière, et je crée les ténèbres, Je donne la prospérité, et je crée l’adversité; Moi, l’Éternel, je fais toutes ces choses »…..

    1. Marc Pernot dit :

      Le mal, c’est par exemple la mort d’une enfant de 11 ans de leucémie.

      Effectivement ce verset d’Esaïe est souvent cité pour fonder un dysthéisme. Cela devant exister du temps de Jésus puisque Jean ouvre son évangile sur la Parole de Dieu comme lumière et vie, et sa première lettre quand il affirme, lui qu’en Christ s’il y a une chose à retenir c’est que Dieu est lumière et qu’il n’y a pas en lui de ténèbre. Personnellement, cela me semble essentiel, car si Dieu était comme un despote imprévisible pouvant se retourner contre son enfant bien aimé, ce n’est plus dans la confiance (foi) mais sous la menace et la crainte. Difficile d’aimer Dieu dans ces conditions.

      1. Claude dit :

        Une des attitudes psychologiques fréquentes est de considérer l’Éternel comme pervers, « nous attendant au tournant »… L’anthropomorphisme est là qui nous guette

        1. Marc Pernot dit :

          Hélas. Si Dieu nous attend au tournant c’est pour nous bénir, pour prendre soin de nous, nous « vivifier ». sa justice nous rend juste, comme un parent aime et élève son enfant.

          La question, à mon avis, c’est que la peur est un des instruments de manipulation les plus puissant, et que les humains ont du mal à renoncer à cet outil pour assurer leur propre pouvoir. C’est valable dans tous les courants idéologiques, l’écologie, la politique, à l’université, dans les religions diverses, et malheureusement jusque dans le christianisme. Cela ne devrait pas être, on est d’accord.

  2. Christelle dit :

    Je viens de lire « L’adversaire » d’Emmanuel Carrère, où cette question est taraudante. J’espère ne pas trahir sa pensée, mais je ne crois pas, en tournant la dernière page, que l’adversaire soit à l’œuvre dans cette horrible histoire. Nos faiblesses, nos médiocrités, nos pathologies, humaines et parfois ravageuses, peuvent essayer de se dissimuler derrière une incarnation du mal, plus valorisante.
    Chez Dostoîevski l’échange entre Ivan Karamasov et le diable, qui m’a longtemps littéralement terrifiée (je l’ai lu trop jeune), est d’un tout autre ordre il me semble.

    1. Marc Pernot dit :

      Il me faut aller relire « Les frères Karamasov », Dostoïevski est un bon théologien et un conteur extraordinaire

  3. François dit :

    Il « suffit » de lire l’aventure arrivée à Job. Elle est connue, je ne la répéterai donc pas. Plus intéressant ici est l’apostrophe de Job à Dieu, et la non-réponse de Dieu. Tout est là. Le diable a été inventé par le clergé (juif, catholique, protestant, etc) pour stigmatiser les ouailles quand ceux-ci ne sont pas assez « fidèles ». Mais en réalité, Jésus nous l’a bien montré, Dieu est pourvu d’un amour gigantesque et qui ne demande qu’une bonne disposition de l’esprit du fidèle pour se manifester. Car, oui, Dieu est tout puissant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *