Une statue peinte assez kitsch représentant le Christ nimbé de lumière - Photo de Hícaro de Castro sur https://unsplash.com/fr/photos/femme-en-hijab-rouge-et-haut-rouge-VpyPKqCAa-Q
Bible

Le retour du Christ est-il dans l’Histoire ou en Nous ?

Question :Dans la tradition juive, comment expliquer que la messianité de Jésus soit accomplie s’il y a toujours des guerres et du mal-être, c’est qu’il faut attendre la seconde venue du Christ (spirituellement j’imagine) ?Réponse :

Historique de l’Attente Messianique et la Déception

L’idée d’une seconde venue du Christ (Parousie) est très discutable. Ce n’était à mon avis pas dans l’attente messianique de la Bible hébraïque. Ce qui était majoritairement attendu, c’est la venue d’un Messie qui apporte le salut sur tous les plans : la santé, la paix, le rétablissement, la politique du royaume, le bonheur éternel, etc.

La venue du Messie correspondait à la fin des temps, la fin de l’histoire.

Quand les premiers disciples reconnaissent en Jésus le Messie, effectivement, la question se pose du peu d’effet pratique que Jésus apporte. Il y a bien quelques personnes qui sont guéries, mais finalement c’est fort peu par rapport à l’ensemble des problèmes qui se posent. Les gens continuent à avoir mal aux dents, à ne pas voir clair avec leurs yeux sans lunettes, les Romains continuent à occuper Israël, les personnes continuent à se disputer avec leurs voisins et en famille. La promesse d’Isaïe 11, avec le loup qui habitera avec l’agneau, tous broutant de l’herbe, n’est pas encore tout à fait réalisée… D’où un certain nombre de personnes déçues qui ne sont pas convaincues du tout que Jésus soit finalement le Messie. C’est par exemple le cas probablement de Judas, mais aussi des autorités juives, et de bien des juifs qui n’ont pas reconnu en Jésus le Messie.

D’autres juifs avaient une vision différente de ce que l’on attendait avec le Messie. Par exemple, sur la base d’Isaïe 53 annonçant un serviteur souffrant. Là, ça ressemble plus effectivement à notre Jésus.

De la Déception à l’Invention de la Parousie

Le problème s’aggrave encore quand Jésus meurt. Comment arriver à penser cela pour les premiers chrétiens ? La plupart se sont dit d’abord que la fin du monde allait arriver dans les semaines qui suivent. Certains chrétiens ont arrêté ainsi de travailler, de se marier et d’avoir des enfants (voir dans la Bible les premiers chapitres du livre des Actes des apôtres et des lettres de Paul – 1 Corinthiens 7:26). Mais les années passant, l’attente des disciples se modifiera progressivement, ils inventeront une période de temps de durée indéterminée, « les temps messianiques », entre le temps de l’histoire (présente) et la fin des temps. C’est de là qu’est venue cette attente d’une seconde venue du Christ, à la fin de ce temps.

Les chrétiens ont alors recommencé à se marier et à travailler. Mais pour la communauté de Jérusalem qui attendait un retour imminent du Christ et qui avait dilapidé ses biens pour attendre cette venue dans la prière, qui se retrouve complètement démunie de tout, l’apôtre Paul fait des collectes dans tout le bassin méditerranéen pour soutenir cette pauvre église de Jérusalem.

Deux Interprétations du Retour du Christ

Cette période messianique, et la résolution de cette attente légitime de Salut, vont être comprises de deux façons :

  1. L’attente d’un événement futur et glorieux (Interprétation Literaliste)Certains chrétiens vont effectivement attendre la venue triomphale d’un Christ glorieux mettant effectivement fin à l’histoire du monde avec un accomplissement parfait. C’est comme ça que l’on peut lire par exemple ces passages :Matthieu 24:30-31 « Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. »Actes 1:11 « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel. »
  2. L’attente d’une action spirituelle présente (Interprétation Féconde)D’autres chrétiens vont plutôt attendre la venue du salut messianique à travers nous, grâce à la puissance du Saint-Esprit envoyé par le Christ.C’est ce que l’on voit dans cet autre passage du début des Actes des apôtres :Actes 1:5-8 « Dans peu de jours, vous serez baptisés du Saint-Esprit. Alors les apôtres réunis lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël ? Il leur répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

    C’est ce que l’on retrouve par exemple dans des passages de la lettre de Paul aux Romains au chapitre 12 ou de la première lettre aux Corinthiens au chapitre 12 aussi : il dit que nous sommes collectivement le corps du Christ, un corps composé d’une multitude de membres dont le Christ vivant est actuellement la tête, coordonnant l’ensemble par l’Esprit.

    C’est ce dont témoigne la fin de l’Évangile selon Matthieu : il conclut son livre en annonçant que le Christ n’est pas absent, mais vivant et présent à nos côtés tous les jours (Matthieu 28:20). C’est ce que dit aussi Jean quand il témoigne de cette promesse du Christ de demeurer en nous par l’amour (Jean 14:23), et le don du « Paraclet », l’Esprit Saint.

La Vocation du « Peuple-Messie » et la Parousie Réalisée

Nous ne sommes alors pas dans l’attente d’une seconde venue de Jésus, mais de la poursuite de son action à travers ses disciples. C’est ce que dit aussi Jésus en Jean 9:4, précisément sur cette question de l’existence de souffrances en ce monde (il est face à un handicapé de naissance). Jésus dit : « Il faut que NOUS fassions, tandis qu’il est jour, les œuvres de celui qui m’a envoyé. »

Cela peut correspondre effectivement à une attente qui existe aussi dans les milieux juifs d’un Messie collectif, Israël, enfin vraiment en communion avec Dieu, opérerait collectivement le Salut du monde. C’est peut-être effectivement cette façon de voir que reprend l’apôtre Paul par exemple : Jésus est effectivement le Messie, un peu comme un serviteur souffrant, et son rôle consiste à faire de nous tous collectivement un peuple-Messie.

Relisant Actes 1:11 cité plus haut, on peut alors le comprendre non pas comme un retour du Jésus qui était sur terre, mais comme un retour en nous : « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel. » => Il viendra « au milieu de vous« , ce qui signifie aussi « il viendra en chacun de vous » et aussi dans l’humanité comme un corps.

Franchement, il me semble que cette interprétation est bien plus intéressante pour nous, bien plus conforme à l’Évangile, bien plus féconde, que la première avec l’attente toujours déçue de la nouvelle venue de Jésus dans l’histoire. Car c’est aujourd’hui que des personnes souffrent et c’est aujourd’hui que nous sommes appelés par l’Esprit à soulager, au nom du Christ. Alors que la croyance dans une seconde venue du Christ me semble nous démobiliser, détourner notre attention de notre vocation et de ce monde, pour lever les yeux vers le ciel (comme le dit le texte des Actes), attendant une venue du Christ pour résoudre les problèmes. Or, nous dit ce texte, c’est à notre hauteur qu’il faut regarder pour voir le Christ venir « en nous ».

Cela fait 2000 ans que des prédicateurs annoncent un retour imminent de Jésus, voyant soi-disant des signes clairs… Cela fait quelque chose comme 80 générations d’attente illusoire. Pendant ce temps-là, au nom du Christ, les personnes qui s’ouvrent à l’avenue du Christ à l’intérieur d’elles-mêmes, se serrant les coudes pour faire corps, cherchent à agir pour soulager et construire la paix.

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. Véronique Belen dit :

    Pasteur Marc, cher ami que je porte en haute estime, pour cette fois je ne rejoins pas du tout votre analyse et vos conclusions.

    Ne pas croire en la perspective de la Parousie, cesser d’attendre le véritable Royaume de Dieu qui ne sera JAMAIS réalisé par le fait de l’homme ici-bas, c’est finalement ne pas croire en la conclusion de plusieurs Évangiles, en la Révélation donnée à l’Apôtre Jean dans l’Apocalypse, en la prophétie d’Isaïe tellement belle dans ses perspectives, en l’espérance eschatologique de la plupart des Prophètes bibliques et qui se sont ensuite manifestés à travers les âges…

    C’est aussi curieusement s’accommoder des insupportables injustices et violences qui ont cours sur terre depuis la nuit des temps, et qui vont en s’aggravant et non en s’estompant.

    Comment peut-on entretenir l’illusion, en 2025 où la situation géopolitique est tellement critique, l’évolution technologique si affolante et le sens moral général en déliquescence, que ces désastres vont trouver une issue heureuse par les bras d’hommes soudain transcendés par l’Esprit, qui plus est sur une planète qu’ils ont eux-mêmes détruite en quelques siècles d’industrialisation forcenée ?

    Alors personnellement, je ne suis pas prédicatrice, et mon charisme n’est pas de rassurer autrui par le déni des temps présents qui cochent pourtant toutes les cases du chaos final annoncé par Jésus lui-même. Plutôt que de s’évertuer à psychologiser ses propos, à les dépouiller de leur simplicité éloquente, pourquoi ne pas enfin prendre ce qu’il a annoncé au sérieux ?

    Et je suis un peu lasse aussi que l’on cherche à étouffer les avertissements des lanceuses d’alerte contemporaines au prétexte que les premiers chrétiens croyaient en la Parousie et que de faux prophètes passés se sont après eux trompés d’époque…

    Il est tout à fait révélateur pourtant que les temps eschatologiques s’annoncent enfin à l’heure où des femmes courageuses se sont mises à combattre durement les désastres dus au patriarcat séculaire, à l’époque où elles ont eu accès à la lecture, à l’écriture, à l’étude, à une profession, à l’indépendance, à l’autonomie financière, au vote, à la prise de parole publique. Cela, c’est une sacrée donnée qui différencie le XXIe siècle des précédents !

    Je vais même jusqu’à dire que l’homme mâle, à la domination duquel le monde avait été abandonné pendant tant de millénaires, a depuis fait la démonstration criante de son incapacité à le rendre vivable et équitable, et je me fais l’avocate d’un Dieu qui n’en peut plus de cette mauvaise gestion de la création par des fils tellement indignes à terme de sa confiance.

    Alors finalement, qu’est-ce qui évolue encore en bien sur ce plan à l’époque des Poutine, Trump et autres dictateurs pétris de masculinisme ?

    Je l’affirme, Dieu donne désormais la parole à quelques-unes de ses filles choisies par Lui et déjà crucifiées mille fois sur des Golgotha contemporains, méprisées, haïes même par des prélats et les talibans, et qui n’auront plus de cesse de proclamer que le Royaume s’est approché, que cette terre corrompue et exsangue n’en sera pas le lieu, et que oui, le Christ revient pour rétablir enfin la vraie justice, là où il mènera celles et ceux qui accepteront d’abandonner toutes leurs possessions et prérogatives terrestres.

    Il ne s’agit pas dans cette espérance de regarder passivement vers le Ciel, mais de crier vers Dieu de venir délivrer enfin ses filles – et les hommes de bonne volonté – de cette vallée de larmes où elles sont tenues en esclavage depuis la nuit des temps.
    Vraiment, je ne cesserai de hurler à l’injustice, jusqu’à ce que la dernière des Afghanes soit délivrée de sa burqa.

    Et si les prédicateurs chrétiens n’ont pas envie que leur Seigneur vienne leur révéler cet ultime scandale terrestre et y remédier, ils se mettent eux-mêmes en danger de manquer le grand rendez-vous de son second avènement, qui est cette fois pour le jugement des vivants et des morts, il nous l’a assez dit. Nous voilà prévenus.

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