
Quelles sont les différences dans les différents cultes protestants et catholique ?
Question posée :
Bonjour.
Ancien catholique non pratiquant, je me suis « reconverti » et je me suis rapproché des églises protestantes qui me paraissent être plus proches de mes convictions religieuses. Cependant, étant donné la présence de multiples différences au sein de la communauté protestante, je suis quand même curieux de mieux connaître les différences liturgiques qui les différencient entre elles et de celle des catholiques.
Vous remerciant de votre collaboration.
Thierry.
Réponse d’un pasteur :
Bravo de chercher, de creuser et de nourrir ainsi un cheminement qui vous correspond à vous.
Car, effectivement, il y a de nombreuses sensibilités dans cette religion qu’est le christianisme. C’est la même chose dans les autres religions et dans les autres philosophies. Et ce n’est pas seulement une question de forme de couleur, des vêtements de date des fêtes religieuses. C’est une façon de vivre sa religion, c’est une question aussi de théologie, c’est-à-dire de conception de Dieu.
Les différentes branches du protestantisme
La Réforme du christianisme au XVIᵉ siècle a donné naissance d’un côté au catholicisme et à des protestantismes, de l’autre. Car effectivement le protestantisme n’ayant pas de pape, va se développer plus librement en fonction de chaque sensibilité. C’est la différence principale.
- C’est ainsi qu’est apparu d’abord un courant à la suite de Martin Luther en 1517 en Allemagne (avec des chrétiens luthériens),
- à peu près à la même époque, un courant s’est développé à la suite d’Ulrich Zwingli à Zurich (Suisse) et de Jean Calvin à Genève et en France avec des chrétiens réformés ou presbytériens,
- en Angleterre c’est à la suite du roi d’Angleterre Henri VIII avec les chrétiens anglicans ou épiscopaliens.
Ce sont les trois grands courants du protestantisme.
Ces courants ont en commun :
- De se référer à Jésus-Christ (comme toutes les Églises chrétiennes).
- De faire référence prioritairement à la Bible, en cherchant premièrement à replacer ces textes dans leur contexte historique, puis en cherchant quel sens cela peut avoir pour notre vie aujourd’hui. Avec une liberté d’interprétation de ces textes qui est non seulement accordée aux fidèles, mais que l’Église cherche à susciter, développer, valoriser grâce à des formations.
- D’insister sur ce que l’on appelle la grâce de Dieu, c’est-à-dire son amour gratuit, et donc sur le fait que notre salut ne dépend pas tant de nos actes et de nos croyances, de nos prières et de nos sacrements, mais qu’ils nous sont accordés comme conséquence de l’amour de Dieu pour nous. C’est ce qui appelle et libère notre foi.
- Les pasteurs sont des hommes ou des femmes théologiens et des biblistes diplômés (master) et reconnus par une des églises. C’est une fonction dans l’Église, mais tous les hommes et les femmes sont égaux devant Dieu, et sont appelés à un ministère égal de prêtre ou prêtresse (relation à Dieu), de prophète ou prophétesse (avoir un point de vue éclairé par la foi) et de roi ou reine (acteur en ce monde).
- De considérer que notre théologie et notre religion sont toujours loin d’être à la hauteur de Dieu, qu’elles ne sont donc pas sacrées, mais Dieu seul, et la vie donc il est la source.
- C’est ainsi que ses églises sont largement ouvertes à toute personne qui le désire. On ne va imposer à personne d’être baptisé ni de faire une profession de foi, ni de se marier et pas même d’aller à l’église. À chacun sa façon. C’est pour cela que de nombreuses paroisses de ces trois églises aux quatre coins du monde célèbrent de la même façon les mariages de deux personnes de sexes différents ou de même sexe, qu’une personne du couple ait été divorcée, ou soit d’une autre religion, ou sans religion. On parle d’Église inclusive.
Même si ces courants du protestantisme sont proches, il est vrai qu’il y a des différences d’accentuation, même si c’est très schématiquement et plutôt théorique. Voici quelques traits :
Le protestantisme réformé ou presbytérien : une foi sobre et réfléchie
La sensibilité des protestants « réformés » (ou « presbytériens ») est très présente parmi les protestants en Suisse, en France, aux Pays-Bas, en Écosse, aux USA et au Canada, en Corée du Sud, au Nigeria, en Afrique du Sud, dans la République démocratique du Congo…
Le culte a une forme en général plus dépouillée que dans les autres sensibilités, avec un culte recherchant plutôt le recueillement et la réflexion, avec une liturgie assez sobre, évitant de toucher les gens par des émotions (de peur de les maniluer), cherchant à éveiller plutôt un questionnement.
L’important c’est d’abord et avant tout la foi, la prière personnelle, secrète de chacun, la sincérité de la réflexion et de la relation à Dieu. La pensée de Calvin a une importance historique mais n’est pas déterminante (on n’enseigne pas la prédestination aux jeunes du catéchisme, heureusement).
Le protestantisme luthérien : entre tradition et liturgie vivante
la sensibilité des protestants « luthériens », très proche de la précédente et plus répandue en Allemagne (son berceau), dans les pays scandinaves (Norvège, Suède, Danemark, Islande), les pays baltes (Lettonie et Estonie), et l’est de la France et en Suisse, en Tanzanie et Namibie, à Madagascar, aux USA.
La forme du culte est intermédiaire entre les protestants réformés et les catholiques. L’importance de la liturgie et des sacrements est déjà plus grande que chez les réformés, la pensée de Martin Luther et de Philippe Mélanchton (son successeur) est plus étudiée que ne l’est la pensée de Calvin chez les réformés.
L’événement de la crucifixion de Jésus est central dans cette théologie : si elle ne rend pas tellement l’homme plus capable de faire le bien, elle manifeste la grâce de Dieu, faisant de nous des pécheurs pardonnés.
Le protestantisme anglican ou épiscopalien : une foi ouverte et plurielle
La sensibilité « anglicane » découle de l’Église d’Angleterre, on parle aussi d’églises épiscopaliennes (par exemple aux USA). Présent partout dans le monde, en particulier dans les anciennes colonies britanniques.
L’église anglicane comprend deux courants : des paroisses « haute église » (high church) avec une forme de culte très proche de la messe catholique et des paroisses « basse église » (low church) a une forme de culte très proche de celle de l’église réformée, et une plus grande ouverture à la liberté de se déterminer par lui-même.
Il y avait une profonde communion entre ses courant jusqu’à récemment, principalement en ce qui concerne le faite d’ordonner ou non des femmes évêques et de bénir ou non, les couples de personnes de même sexe.
Communion entre les 3 courants du protestantisme, réformé, luthérien et anglican
Ces trois courants ont toujours été proches, et on dit qu’ils sont « en communion de chaire et d’autel » : c’est-à-dire qu’une personne d’un de ces courants du protestantisme peut passer d’une église à l’autre (communion d’autel, de sacrements) et qu’un ou une pasteure d’une église peut entrer au service d’une de ces autres églises sans difficultés (communion de chaire, de prédication). Un accord très important a scellé cette union entre ces trois grands courants : c’est la Concorde de Leuenberg entérinée en 1973 seulement mais étant un état d’esprit existant avant (par exemple à Nancy : les luthériens et les réformés ont fait une église commune depuis 1870).
Il n’y a pas toujours plus de différences entre un luthérien et un réformé ou un anglican qu’entre deux personnes de la même paroisse. La sensibilité théologique et spirituelle de chaque personne étant heureusement permise dans toutes ces branches du christianisme. On peut donc de toute façon se sentir très libre de cheminer à sa façon et trouver seulement l’église et la paroisse qui nous permettent le mieux d’avancer.
Il est difficile de donner des statistiques fiables sur le nombre de fidèles de chacun de ces courants car il y a un grand écart entre les personnes qui se disent protestantes et le nombre de personnes baptisées ou allant au culte le dimanche, puisque c’est libre. Il y a aussi bien des personnes ayant été baptisées enfants qui sont complètement détachées. De plus, tout le monde n’est pas obligé de se reconnaître dans un courant particulier.
Les églises évangéliques : foi fervente et communautés solidaires
Immédiatement après les premiers pionniers de la Réforme protestante (les réformateurs), un certain nombre de personnes ont voulu aller plus loin dans la réforme du christianisme, en rejetant en particulier le baptême des enfants parce que Jean-Baptiste, selon la Bible, pratiquait un baptême de personnes ayant choisi de se convertir (Jésus, lui, ne baptisait personne dans l’eau). Cela a posé des difficultés de relations assez dramatiques avec les églises protestantes, puisque ces chrétiens ne reconnaissaient pas les personnes baptisées enfants comme étant chrétiennes et les rebaptisaient. C’est à cause de cette pratique que ces églises ont été appelées « anabaptistes » (rebaptisant). Cette insistance sur l’engagement de la personne fait que l’on parle d’Églises confessantes (par rapport aux Églises protestantes que l’on appelle multitudinistes). Les églises mennonites et amish, bien connues, sont héritières de ce mouvement.
Le deuxième temps de développement de la sensibilité « évangélique » est né en réaction à la pensée « des Lumières » née au XVIIIᵉ siècle et qui articulait foi et raison, théologie et philosophie, science. Certains milieux protestants appellent à un retour à une théologie et à une certaine façon d’interpréter la Bible qui doivent l’emporter sur tout le reste. On parle d’un mouvement de « réveil », un appel à se ressaisir dans la foi, suscitant une forte évangélisation. Les chrétiens évangéliques sont en nombre aussi important, voire plus nombreux que les chrétiens « protestants », avec les églises méthodistes, baptistes, pentecôtistes, adventistes… qui se sont beaucoup développées au XXᵉ siècle partout dans le monde.
L’insistance est ainsi plus portée sur l’engagement d’une foi très fervente, et une théologie et une façon d’interpréter la Bible, et des normes morales plus unifiées dans l’église. Cela renforce les liens entre les personnes et fait des communautés plus soudées, plus solidaires. Mais avec moins de liberté individuelle sur la pensée et sur son parcours de vie. Les fidèles ont souvent une pratique religieuse très intense et régulière, ce qui va parfois (dans certains courants évangéliques extrêmes) couper en partie les personnes de leurs attaches hors de l’église. Le culte est bien plus animé que ce qui se pratique en général dans les églises catholiques et protestantes, avec de la musique entraînante, les personnes lèvent les bras et frappent dans leurs mains pour manifester leur enthousiasme…
La diversité chrétienne, une richesse spirituelle et théologique
Je pense que c’est une bonne chose qu’il existe ainsi différentes confessions chrétiennes. Il ne faut pas nécessairement se fier à la forme pour deviner le fond, car une église plus moderniste du point de vue de la forme est parfois très réactionnaire du point de vue du fond, et inversement. Ensuite, plus une église laissera de la place à la liberté personnelle, plus elle sera épanouissante mais moins sécurisante pour les fidèles. Et plus elle aura une unité de pensée entre les fidèles, plus elle sera structurante et confortera la foi des fidèles. Bien entendu, il faut un peu des deux, alors, comme vous le dites fort bien, l’essentiel est de trouver votre place qui vous permette de progresser, vous, aujourd’hui, dans votre foi, dans votre réflexion, dans votre épanouissement.
Serait-ce un scandale qu’il y ait de multiples voies et courants dans l’Église chrétienne universelle, et donc de multiples églises chrétiennes particulières ? L’unité du christianisme se fait plus dans la bonne entente, dans le soucis de l’autre, dans une mutuelle l’écoute et interpellation fraternelle que dans une unité de doctrine, de façon de célébrer, et de morale. C’est cette bonne entente qu’appelle l’amour du prochain central dans l’appel du Christ, dans la vision de l’apôtre Paul sur le « corps du Christ » dont nous sommes tous et toutes les membres, par l’Esprit, dans la diversité. C’est ce qui a fait le succès du christianisme des premiers siècles, tout aussi multiple que celui d’aujourd’hui : au 2e siècle, Tertullien rapporte que les citoyens romains disaient des chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment ». C’est aujourd’hui encore le cas, bien plus au niveau des chrétiens de base, vivant de leur foi, que de la part des institutions ecclésiastiques.
Pour poursuivre votre réflexion, je pense que déjà en vous promenant ainsi sur divers sites d’églises proposant des vidéos de culte, vous aurez un échantillon de textes, de prédications, de réflexions théologiques, de prières, d’activités qui vous permettra de sentir un peu les choses.
Bien fraternellement, Dieu vous bénit et vous accompagne sur votre chemin.
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Grand merci Marc pour l’intéressant nouvel article de synthèse sur les grands courants des églises protestantes.
Seriez-vous d’accord, de temps en temps, de suggérer des auteurs actuels, en phase avec les grandes voies théologiques chrétiennes et qui renouvellent ou apportent un questionnement stimulant?
Ce n’est pas pour tout de suite car le nombre de questions posées et de réponses données sur cette paroisse en ligne dépasse déjà et de loin toute paroisse territoriale!!! Gratitude🙏
Chère Liliane
Excellente idée.
Je vais réfléchir à cela. Il y aurait les théologiens du XXe siècle, mais aussi les pères et docteurs de l’église que je serais ravi de présenter un petit peu ! Avec peut-être une courte vidéo, quelques textes de l’auteur, une question essentielle qu’il a soulevée.
Bien fraternellement.