15 janvier 2024

Une femme pleine de joie et d
Bible

Pouvez-vous m’expliquer en quoi il n’y a pas de contradiction entre Ezechiel 18:2 et Exode 34:7 ?

Par : pasteur Marc Pernot

Une femme pleine de joie et d'amour embrasse son enfant - Photo de Xavier Mouton Photographie sur https://unsplash.com/fr/photos/photo-dune-mere-et-de-son-enfant-pres-dun-plan-deau-ry_sD0P1ZL0

Question posée :

Bonjour Pasteur,

Je souhaiterais vous interpeler sur deux textes de la Bible qui me semblent en contradiction (je pense qu’il existe probablement une explication qui pourra exclure toute forme de contradiction) : Ezéchiel 18 :2 et Exode 34 :7.

Rapportons d’abord Ezéchiel 18 : 2 « Les pères mangent des raisins verts et ce sont les fils qui ont mal aux dents. »
Par ma vie, – déclaration du Seigneur DIEU-, vous n’aurez plus lieu de répéter cette maxime en Israël. Tous les êtres m’appartiennent. Le fils comme le père, ils m’appartiennent ; celui qui pèche, c’est lui qui mourra. »
Je mentionnerai d’emblée que je connais plusieurs chrétiens qui ne retiennent de ce passage que la maxime elle-même, en occultant le commentaire, rapporté ensuite par le prophète, que Dieu en fait, à savoir qu’Il déclare cette maxime comme invalide. On comprend que Dieu indique qu’il tient chaque homme responsable de ses actes, et que nul ne peut se disculper d’une faute personnelle en prétextant qu’elle est la résultante d’une éducation reçue inadaptée, bref en rejetant la faute première sur ses parents, voire tous ses ancêtres. Ce texte est parfois mis en avant par ceux qui veulent dénoncer ce qu’ils considèrent être une « psychanalyse à bon marché » où l’on tente d’expliquer des atrocités comme un meurtre d’enfant par une enfance particulièrement malheureuse de l’assassin. Je pense personnellement, à la lumière de la nouvelle alliance, que ces paroles nous encouragent à reconnaitre nos fautes afin d’en demander pardon et de produire une repentance qui nous rendra meilleur (ce qui revient à mourir à soi-même- et non mourir littéralement- pour renaitre meilleur, au moins débarrassé du poids de cette faute).

Mais alors, que penser de Exode 34 :7 où Dieu dit qu’il « punit l’iniquité des pères sur les enfants et sur les enfants des enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération » ? Et pourquoi la troisième et la quatrième génération ? La cinquième serait automatiquement indemne ? Personnellement, je ne peux concevoir que Dieu, face à un fils qui s’indignerait d’être puni pour une faute de son père, lui réponde en s’inspirant de La Fontaine : « si ce n’est toi, c’est donc ton père » (l’adage « la raison du plus fort est toujours la meilleure » est un principe très terrestre). Ceci étant, il est indiscutable dans une famille où un crime a été commis et caché, que des conséquences néfastes comme une culpabilité toxique se perpétuent sur plusieurs générations. Mais dans ce cas, on incrimine généralement le « non dit » tant il est vrai que la mise à la lumière du crime, par sa verbalisation, sa reconnaissance explicite, apporte le soulagement.
Je vous remercie des éclairages et explications que vous pourrez apporter.

Fraternellement en Christ.

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Bravo de lire la Bible et de vous poser des questions.

Y-a-t-il des contradictions dans la Bible ?

Il y a des contradictions dans la Bible et c’est tout à fait normal :

  • D’abord parce qu’elle a été écrite sur mil ans avec des auteurs de sensibilités différentes. Ces opinions sont parfois alternatives, et parfois se complètent, cela ouvre un espace pour que nous puissions avoir notre propre recherche, selon notre propre sensibilité. C’est une grande richesse. Et cela nous libère pour ne pas être d’accord avec tout ou partie. La Bible est à lire comme un livre de bonnes questions posées, pas comme une table de pierre qui viendrait nous écraser, nous soumettre. Elle est là pour nous inspirer, nous questionner, nous aider à lire notre monde dans la confiance en Dieu.
  • Ensuite dans un même livre, il peut y avoir aussi des contradictions, ce n’est pas par inadvertance, c’est aussi une richesse de présenter le pour et le contre, divers aspects de la question comme cette fameuse histoires où trois aveugles découvrent à tâtons ce qu’est un éléphant, l’un touchant une patte disant que c’est comme un tronc d’arbre, un autre touchant la trompe disant qu’un éléphant ressemble à un tuyau, et le troisième touchant la queue dit que ça ressemble à un pinceau. L’erreur est de considérer qu’un unique point de vue pourrait faire le tour de n’importe quelle réalité complexe.

Dieu face au coupable et à ses victimes

Mais en ce qui concerne les versets que vous citez, en Christ nous avons découvert qui est Dieu et il ne tue ni l’innocent ni le coupable, mais il va jusqu’à aimer son ennemi, le bénir et en prendre soin. Cela nous donne un principe d’interprétation de tous les autres textes de la Bible. Merci donc pour votre interprétation avec une saine repentance qui nous aide à mourir à ce que nous étions hier pour ressusciter un petit peu meilleur. Ou alors on pourrait dire que c’est l’homme méchant en moi que Dieu m’aide à éliminer, ce dont une personne normale est à peu près incapable par sa propre sagesse.

En ce qui concerne Exode 34:7 et cette magnifique tirade de Dieu se présentant, vous avez bien fait de relever ce comportement impossible à accepter que l’on attribuerait à Dieu : de punir la faute des pères sur ses enfants jusqu’à la 3e et 4e génération ! Cela repose sur une faute, ou plutôt un mensonge du traducteur. En hébreu, le verbe paqad (פָּקַד) signifie « visiter », « tenir compte de quelqu’un ». Ce qui est beaucoup plus ouvert que « punir » que l’on trouve parfois dans la traduction de ce verset, il n’y a pas dans « paquad » l’idée de faire du mal, au contraire. Or, ce que dit ce passage de l’Exode ? C’est que Dieu pardonne et aime, avec tous les couleurs possibles de l’amour, il dit ensuite que Dieu ne tient pas le coupable pour innocent (heureusement, car tenir le coupable pour innocent ce serait comme si le médecin tenait le malade comme en bonne santé, cela n’aiderait pas cette personne, bien au contraire, cela la laisserait mourir de son mal). Enfin, quelle suite est-ce que Dieu, dans son amour, donne alors à cette faute ? Il visite (et non punit) les conséquences des fautes commises par les pères sur sa descendance jusqu’à la 3e et 4e génération. C’est effectivement sur cette distance que les répercussions d’un grave trouble dans les parents se fait sentir, comme vous le soulignez. Ce n’est donc pas une injustice de « visiter » les générations suivantes après la faute de parents, mais au contraire Dieu cherche à soigner pour augmenter le bien et la justice.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

5 Commentaires

  1. Pascal dit :

    Dieu se donne à connaître malgré nos filtres, malgré nos a priori. Les contradictions apparentes nous donnent à contempler le mystère de Dieu, qui est toujours au-delà de ce que nous pouvons en percevoir et en exprimer et qui fait que toute théologie est par définition contingente, rapportée à l’Absolu de Dieu. Au final, Jésus, par son témoignage de vie et par ses interpellations, nous ouvre à une lecture de l’Ancien Testament qui nous permet de mettre les contradictions en perspective et à vivre notre rapport à la Parole dans sa dynamique créative.

  2. Maurice dit :

    Dieu est délibérément contradictoire ? Alors comment se repérer ?

    1. Marc Pernot dit :

      C’est la Bible, faite de 66 livres écrits sur 1000 ans qui peut l’être. Dieu, lui est cohérent avec lui-même, mais d’une nature tellement riche qu’un seul point de vue ne suffit pas à en rendre compte. Pour nous repérer, il nous faut observer et prier, réfléchir et discerner, oser avancer à tâtons : nous sommes au bénéfice de la grâce de Dieu c’est pourquoi nous n’avons pas peur.

  3. Jean-Marie dit :

    Bonsoir,
    Un grand merci pour vos commentaires et explications très précieux. Concernant la faute de traduction, j’oserais une nouvelle question qui vous paraitra peut-être très naïve: si la faute de traduction, en l’occurence dans la version Louis Segond, est à ce point avérée, pourquoi n’a-t-elle pas été corrigée dans la version Segond 21? Le contre-sens parait ici majeur!
    Dieu vous bénisse.

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour.

      La traduction Segond 21 est loin d’être une des plus respectueuse des textes originaux. La NBS l’est un peu plus, elle donne « fait rendre des comptes aux fils » ce qui est déjà mieux mais reste inquiétant. Et au moins c’est plus proche d’un des sens de Paqad qui, comme je le disais, peut vouloir dire « tenir compte de ». La traduction de la NBS, avec son « faire rendre des comptes », adopte donc quelque chose d’apparenté au sens possible de « tenir compte », sauf qu’ici le verbe hébreu est au qal avec Dieu pour sujet, cela exclut le sens « Dieu fait rendre des comptes aux enfants » et pourrait signifier « Dieu tient compte des enfants » ce qui est déjà bien plus encourageant.

      La traduction anglaise a été plus sérieuse dans sa recherche du sens des mots hébreux : la KJV donne « visiting », ce que je préfère franchement.

      C’est effectivement choquant que les traducteurs mettent en Exode 34:7 « punir » pour le verbe paqad, alors qu’en Exode 4:31 ces mêmes traducteurs savent traduire le verbe paqad parlant de l’action de Dieu par « visiter », au sens d’intervenir pour sauver : « Le peuple crut. Ils apprirent que l’Eternel avait visité les enfants d’Israël, qu’il avait vu leur souffrance; et ils s’inclinèrent et se prosternèrent. »

      Peut-être que cette faute de traduction « punir » vient de la traduction latine « Dieu reverse l’iniquité des pères sur les enfants » (qui reddis iniquitatem patrum in filiis), copiant elle même la traduction grecque des LXX ayant traduit l’hébreu par quelque chose comme « Dieu reporte l’injustice des pères sur les enfants » (ἐπάγων ἀνομίας πατέρων ἐπὶ τέκνα καὶ ἐπὶ τέκνα), alors que pour Exode 4:31, les LXX traduisent bien le verbe paqad par « visiter » (ἐπεσκέψατο ὁ θεὸς τοὺς υἱοὺς Ισραηλ )

      C’est pour cela que nos églises demande que les pasteurs apprennent à travailler l’hébreu et le grec de la Bible, c’est afin ne pas être complètement prisonnier d’une tradition humaine projetant sa théologie dans une traduction, et qui plus est une traduction menaçante, cruelle, étrangère à ce qu’enseigne et fait le Christ.

      Désolé, cette question est assez technique.

      Dieu vous bénit et vous accompagne

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *