J’apprécie vos bulletins et vous en remercie.
J’aurai bientôt 88 ans et je viens d’apprendre que j’ai un cancer de stade 4, lequel, même traité, ne me laisse qu’un avenir limité.
Depuis quelque temps je savais que j’arrivais en fin de piste, sans vraie panique, mais avec de constants remords.
Il m’arrive de douter et d’avoir peur sur ce qui vient, mais je me souviens alors de la parole de Jésus à Jaïrus et que j’ai retrouvée sur une tombe : Ne crains pas, crois seulement.
Un conseil de votre part sera toujours le bienvenu.
Respectueusement vôtre.
Réponse :
Cher Monsieur,
Je suis vraiment désolé d’apprendre votre maladie, et les soucis que cela cause, la peine, la souffrance, même s’ils savent mieux la gérer aujourd’hui, de lourds traitements, des attentes dans les hôpitaux.
Les questions que vous soulevez sont universelles, et vous les exprimez de façon tellement profonde, humaine et vraie : Comment gérer les remords face à la mort ? Quelle est la place de la foi et du doute ? Vous demandez des conseils : quelle sagesse de chercher ainsi. Je pense à quatre axes de réponse : la prise en compte des limites humaines, la fonction du pardon de Dieu, le recentrage sur l’émerveillement présent, et l’acceptation du doute.
I. La Réalité des Remords et de la Peur
Le Déni et la Prise de Conscience de la Finitude
Frappés par la maladie, comme vous le dites, nous prenons conscience que nous sommes sur terre en temps limité. Nous le savons tous évidemment, nous le savons intellectuellement, mais longtemps nous faisons comme si ça ne nous concernait pas véritablement. Or la vie en ce monde est dure par certains côtés, mais elle est aussi une merveille. Une merveille à vivre une seule fois. Cette réalité nous trouble, avant de passer à autre chose, il est sage de vouloir rester encore un peu plus.
Remords et Faillibilité : Un Signe de Grandeur Philosophique
Je comprends que vous puissiez ressentir des remords, toute personne qui a de la conscience en ressent. C’est normal. Cela fait partie de la grandeur de l’humain de toujours viser l’infini, la douleur de l’humain est d’avoir cette visée de l’infini et d’être une personne limitée, faillible. Cette confrontation avec la finitude de l’Être est à l’origine de l’angoisse existentielle. ». C’est donc normal d’avoir des remords. Comment dépasser ce blocage ?
II. Le Pardon de Dieu : Libération du Passé
La Fonction Thérapeutique du Pardon Inconditionnel
Face à la peine que nous avons à nous pardonner à nous-mêmes, face à cette souffrance qui consiste à sans cesse repasser les mêmes événements, Dieu nous apporte son pardon. Il est sans condition. C’est l’essence même de la grâce inconditionnelle. Ce pardon est un acte de sotériologie. Dieu ne garde pas le compte de nos erreurs, de nos manques, de nos faiblesses. Bien sûr car c’est ainsi quand on aime une personne. Mais en plus ce pardon de Dieu est un soin : afin que nous ne restions pas bloqués sur le passé, quel qu’il soit, mais après avoir discerné ce qui est bon et moins bon dans les traces de notre passé, il faut laisser ce pardon faire son œuvre dans notre être, dans notre conscience et dans notre vie.
Dieu est Plus Grand que Notre Cœur : Un Pilier Théologique
L’apôtre Jean a cette formule célèbre, magnifique et si vraie au cœur de sa méditation sur l’amour dont Dieu nous aime : « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. » (1Jean 3:20). C’est si vrai : nous avons tant de mal à nous pardonner à nous-mêmes. Confions donc nos remords à Dieu, qu’il nous aide à regarder maintenant le présent.
III. L’Émerveillement dans le Présent : Le Secret de la Fin de Vie
Le Présent comme Bénédiction et Miracle
Le pardon nous permet d’avancer dans cette bénédiction qui consiste à pouvoir alors s’intéresser au présent. Bien sûr, il existe un jour où nous mourrons mais en attendant : tous les autres jours nous vivrons. Et Dieu nous y accompagne sans cesse avec bienveillance. Nous pouvons alors chercher ce qui compte véritablement pour nous ? Qu’est-ce qui nous élève l’âme et le cœur ? Alors nous pourrons nous recentrer dessus.
Or, à y penser : chaque journée est précieuse comme un miracle. Chaque pas que nous pouvons faire est précieux comme un miracle. Chaque occasion de rencontre. Chaque frémissement de tendresse, d’affection, d’amitié est un miracle incroyable. Goûter cela, chercher à valoriser la beauté et la préciosité de chaque moment, le goûter.
Le Mouvement vers la Louange : Dépasser Regrets et Remords
Cultiver l’émerveillement, les petites et grandes bonnes surprises et les rapporter dans la prière, c’est la force de la louange. Dieu en fera ce qu’il sait si bien faire : nous augmenter, nous renforcer. C’est ainsi que l’émerveillement dans le présent et la louange deviennent peu à peu bien plus importants que les remords et les regrets.
IV. Le Doute : Un Chemin vers une Foi Vivante
Se Réconcilier avec le Doute : Une Foi Vivante et Sincère
Même si l’on a vécu dans une relation à Dieu profonde jusqu’à présent, même si l’on a une confiance en lui, il est normal que l’inquiétude et la fatigue ébranlent notre foi et notre paix. Même Jésus a connu cela dans une nuit difficile avant d’être arrêté, puis sur la croix. C’est tout à fait compréhensible. Le conseil que nous recevons du Christ à travers ces récits, me semble être la prière. Une prière où l’on peut dire effectivement, comme Jésus le fait, ce que nous avons sur le cœur : nos peurs, notre espérance de s’en sortir au mieux, nos doutes et même nos reproches contre Dieu. Il comprend.
Douter est une bonne chose quand cela stimule notre recherche, l’ouvre, permet un cheminement : c’est ainsi que notre foi est vivante, Dieu nous accompagne avec bienveillance, il nous comprend. C’est alors le bon doute. Mais il peut y avoir aussi le doute qui nous ronge, comme le remords peut le faire aussi. Comment dépasser alors ce blocage ? Prier quand même. Comme on se force à prendre un médicament. Dieu comprend, Dieu prend soin de nous.
Le Doute pour l’Inconnu : L’Espérance de la Vie Future
L’interrogation sur ‘ce qui vient’ est au cœur de l’eschatologie. Nous ne pouvons l’imaginer, mais pouvons nous fonder sur la Promesse de Dieu donnée par le Christ en bien des occasions, mais pas seulement : qu’il y ait une vie après la mort, il me semble que c’est assez logique. En effet, le plus improbable des miracles, c’est que Dieu nous a donné la vie : partant de la poussière du sol, le créateur est arrivé à faire une créature douée d’une personnalité et capable d’aimer. À côté de cela, nous garder en vie et au-delà de la survie de nos cellules me semble être moins difficile. Mais bien sûr il est impossible de s’imaginer comment cela pourrait marcher, et donc il est normal que nous ayons des doutes sur cette suite.
Nous verrons bien. Connaissant Dieu tout ce qu’il a fait dans ce monde et dans notre vie, j’affirme sans crainte avec l’Évangile, que nous ne pouvons avoir que des bonnes surprises dans la suite, infiniment plus et mieux que ce que nous pouvons imaginer.
Avec mes pensées, les plus fraternelles.
Dieu vous bénit et vous garde. Aujourd’hui, chaque jour, et éternellement, sans condition ni limite. Car Dieu est comme ça.
