Les Évangiles : des textes entièrement symboliques, en dehors de toute existence historique des personnages ?
Question posée :
Bonsoir, Monsieur le Pasteur,
Après avoir lu, Paul à Patras, de Maurice Mergui, je viens d’être confronté, au titre encore plus » fort » Jésus Christ, sublime figure de papier ( pour ne pas employer « de papyrus » ,selon son auteure. ) De Nadine Charbonnel.
Quelle immense approche midrashique, du Nouveau Testament ….? 500p. Chez Berg International. Que pensez-vous de cela ?.
Avec mes salutations respectueuses et cordiales.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Ce genre de littératures développe des idées intéressantes sur le sens même des évangiles, en particulier avec une méthode d’interprétation rabbinique qui n’est pas étrangère au milieu de composition et de réception des textes du Nouveau Testament. Ce livre est à mon avis dans la lignée des livres de Bernard Dubourg « L’invention Jésus » de 1987, auteur à la plume aussi cultivée que truculente. Développant d’un côté la richesse de sens des évangiles et argumentant que cela laisserait à penser que personnages des évangiles n’auraient pas existé, à commencer par Jésus de Nazareth lui-même.
Par ce côté, cette littérature s’apparente à ces complotistes qui disent, par exemple, qu’aucun astronaute n’a marché sur la lune. Cela fait un peu sourire, ou un peu pitié si l’on est plus charitable. Que leur répondre ? Quelle preuve peut-on avancer que les américains ont vraiment marché sur la lune ? Il y en a quand-même une, qui me semble assez probante : c’est que Russes, en pleine guerre froide, n’ont accusé une seconde les américains de ne pas avoir marché sur la lune. Il en est de même pour l’existence historique de Jésus. Aucun opposant au christianisme des dizaines de premières générations, et il y en avait, n’a utilisé d’argument du genre « votre fondateur n’a même pas existé, ce ne sont que des légendes ». Les opposants disaient plutôt qu’il était sorcier et source de zizanie, ou fondateur d’une détestable secte… Quant aux historiens contemporains et exégètes de la Bible, croyants ou non croyants, il y a une quasi unanimité pour dire l’existence de Jésus de Nazareth. Ce n’est pas une preuve à 100% de cette existence historique de Jésus, mais le signe que c’est hautement plausible.
Mais de toute façon, d’accord avec ce genre de littératures. L’immense intérêt des Evangiles est immense, en lui-même, et demeurerait même si l’homme Jésus n’avait pas existé. Mme Charbonnel le reconnait elle même. Et elle a bien raison sur ce point. Il y a bien eu une personne géniale entourée de quelques autres qui ont initié cet incroyable enthousiasme christique au début de notre ère. Qu’importe si le nom de cette personne géniale est « Jésus » (« Josué ») ou Tartempion. Reste qu’il y a eu un événement datable historiquement, et quelque chose de très inspirant qui est apparu et qui a changé la face du monde.
Et nous sommes bien d’accord depuis toujours qu’il convient de distinguer la figure du Christ dans ces textes du Nouveau Testament (et encore plus dans la production chrétienne ultérieure) et la personne historique de Jésus de Nazareth. Bien du sens transmis par les paroles ou par la vie de ce Jésus ont été mis en récit sous forme de récit allégorique. Certes. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’existence même de ces personnages est une allégorie. Comme souvent, un peu de nuances est nécessaire pour prendre en compte une réalité complexe. Les textes des évangiles sont en partie symboliques et en partie historiques. Penser que les évangiles seraient une composition littéraire entièrement symbolique manque de nuances. Comme cela manque de nuances de dire que tout serait à prendre au sens matériellement, factuellement historique. L’une ou l’autre de ces extrêmes passent à mon avis à côté de quelque chose d’essentiel en ce qui concerne l’origine de la foi chrétienne.
Bien cordialement
Dieu vous bénit et vous accompagne.
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Personnellement, je pense (après avoir lu divers livres et articles) qu’il est fort probable que les personnages fondateurs de l’Ancien Testament (Abraham, Moïse, Joseph ou autre) n’aient pas de réalité historique. Mais pour ce qui concerne Jésus, je ne peux pas l’imaginer une seule seconde. Si c’était le cas, le Nouveau Testament perdrait pour moi 99 % de sa valeur et ma foi serait bien mise à mal, voire plus.
Dans l’Ancien Testament, pour ce que j’en connais ou perçois, on voit des personnages essentiellement entrer en dialogue avec Dieu ou être son porte-parole. Alors que dans les évangiles on voit en Jésus, un homme intimement lié à Dieu, bien au-delà de la parole, ce qu’on peut appeler l’incarnation. Il est l’homme tel que Dieu le rêve, il est celui qui connait Dieu et qui cherche à nous mener à lui. Si ce n’était qu’une allégorie, alors le côté réellement humain de Jésus disparaîtrait et son message perdrait toute sa force.
Concernant la dernière phrase du commentaire de Pascale, il me semble que que les concepts d’allégorie, de fable ou de mythe, n’impliquent pas une idée de perte ou de diminution de valeur. Le mythe a une portée bien plus profonde qu’un événement historique. Le mythe d’Icare a une portée infiniment plus importante que le vol de Clément Ader. On a parfois tendance à surévaluer les faits historiques et à considérer les mythes comme d’insignifiantes affabulations alors qu’ils expriment des valeurs essentielles indicibles autrement que par la voie symbolique. Voir à ce sujet l’imposante bibliographie de Mircea Eliade. Plutôt que de dire « ce n’est QUE de la mythologie », je serais enclin à dire « ce n’est QUE de l’histoire ». Ceci dit, et bien que je n’en sache absolument rien, je suis enclin à penser que Jésus a existé aussi bien qu’Apollonius de Tyane ou Honi le traceur de cercles par exemple. Et après tout, qui sait si Ulysse n’a pas réellement « fait un beau voyage »? Le fait que les instances académiques raillent systématiquement le courant mythiste ou le cachent sous le boisseau me laisse aussi indifférent que l’affirmation de ceux qui considèrent qu’une préface de Thomas Römer suffise à légitimer le livre de Nanine Charbonnel.
Lorsque j’écris « si ce n’était qu’une allégorie », cela ne signifie pas que les récits mythiques ou allégoriques (ils sont nombreux dans la Bible) ont moins de valeur que d’autre récits et il est clair qu’ils énoncent des vérités. Il n’empêche que certains faits historiques peuvent, eux aussi, avoir une très grande portée. Concernant Jésus, je maintiens que la réalité historique de l’existence d’un tel homme (je ne parle pas de chaque épisode évoqué dans les évangiles) de par sa proximité avec Dieu, m’apparaît comme étant indispensable à la force du message contenu dans le Nouveau Testament. Bien entendu, ce n’est que mon point de vue et je ne suis pas pasteur.