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Bible

La consommation de vin est-elle compatible avec la foi chrétienne ?

Par : pasteur Marc Pernot

Illustration : deux verres de vin - Image: 'Two glasses of red wine' by Marco Verch Professional Photographer https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/ http://www.flickr.com/photos/30478819@N08/32625920638

Question posée :

Bonjour Pasteur,

La question que j’aimerais vous poser aujourd’hui concerne la consommation de l’alcool au sein de la religion Chrétienne. Nous savons que dans certaines religions (Islam, Bouddhisme…), boire de l’alcool semble proscrit de la vie du croyant.

A travers certains versets bibliques ( Deutéronome chapitre 32 verset 33, Proverbes 21-17 et 23-20, 1 Ti 3-3, Rom 14-21), il semblerait que la consommation de vin et d’alcool soient fortement déconseillés dans le quotidien du croyant.
Mais d’autre part, la plupart des traditions affirment que le Christ lui même en consommait à table, et la tradition chrétienne n’en a jamais réellement proscrit la consommation.
Nous voyons également aujourd’hui tout les dégâts que font la consommation d’alcool, au sein des plus jeunes, au sein des couples, et par rapport au accidents de la route.

J’aimerais donc simplement avoir votre avis sur la question pasteur, en prenant compte des versets bibliques, de l’attitude de Jésus, et de notre société actuel.

Dieu vous bénisse pour votre ministère

Réponse d’un pasteur :

Bonjour,

Il est clair que bien des passages dans la Bible évoquent le fait que boire du vin n’est pas un interdit. Mais avant tout, pour nous chrétiens, la clef de lecture de la Bible et de nos existence est Jésus-Christ,

  • Deutéronome 32:33 « Leur vin, c’est le venin des serpents, C’est le poison cruel des aspics. » ce verset suppose précisément que le fait que « leur vin » soit un poison est un péché parce que normalement « leur vin » est au contraire source de vie. Pris littéralement (ce qui serait un contre sens), ce verset inviterait au contraire à produire du vin, et du bon. Cette image de la vigne produisant du bon vin est une image très classique dans la Bible pour évoquer la vie humaine associant le travail de l’homme et la bénédiction de Dieu. On pourrait traduire ce verset : la vie qu’ils proposent est un piège mortel.
  • Proverbes 21:17 “Celui qui aime la joie reste dans l’indigence; Celui qui aime le vin et l’huile ne s’enrichit pas.” Est-ce que prendre ce verset au pied de la lettre voudrait dire qu’il faudrait chasser de sa vie toute joie, tout vin et toute goutte d’huile ? Ce serait évidemment un non sens, car des dizaines de passages bibliques annoncent que Dieu est source de joie dans notre vie). Mais si cela veut dire qu’il n’est pas bon de prendre pour but ultime de son existence la joie on passe à côté c’est vrai, la joie étant un fruit d’une vie bien placée en ce monde et en Dieu. Par conséquent on ne peut pas dire non plus à partir de ce verset qu’il faudrait éviter le vin et toue huile pour faire cuire sa nourriture. Tout juste cela veut dire qu’avoir comme but de sa vie le fait de boire du vin ne serait pas génial, ce qui est certainement vrai mais on n’a pas besoin de la Bible pour savoir cela. Quant à l’huile, dire qu’il faudrait la rejeter de sa vie, quel sens cela aurait-il de prendre ce verset au pied de la lettre, matériellement parlant ? Symboliquement, l’huile est image de la bénédiction de Dieu ce qui est particulièrement vrai en Christ qui signifie littéralement « celui qui a reçu l’onction d’huile », et donc celui qui a reçu de Dieu la vocation d’être la source ultime d’huile c’est à dire de la bénédiction de Dieu dans notre vie. Refuser cette huile serait rejeter le salut de Dieu en Christ. Mais ce verset qui nous invite à ne pas avoir pour objectif d’avoir de l’huile peut signifier que l’objectif de notre vie n’est pas de chercher le salut ni la bénédiction de Dieu, cela serait encore de l’égoïsme, cela s’accueille, se reçoit avec reconnaissance mais c’est Dieu que l’on cherche, on le cherche pour lui-même pas pour profiter de lui. On le cherche par grâce et non par intérêt. Pour le vin il me semble que c’est la même chose, le vie est une image de la vie humaine débouchant sur la vie éternelle grâce à Dieu, il n’est pas bon de vivre avec comme objectif d’avoir la vie future, ce serait encore de l’égoïsme et non de l’amour, mais la vie future doit être comme un don gratuit que l’on accepte avec reconnaissance.
  • Proverbes 23:20-21“ Ne sois pas parmi les buveurs de vin, parmi ceux qui font excès des viandes: car l’ivrogne et celui qui se livre à des excès s’appauvrissent.” La traduction « buveur de vin » est ici trop faible car le verbe SaBA en hébreu sert spécifiquement pour parler de l’ivrognerie. Ce verset ne dit donc pas qu’il faudrait ne pas boire de vin ni de manger de la viande mais d’abuser de vin ou de viande. C’est évidemment une bonne idée de ne pas devenir un ivrogne, ni même de se saouler, évidemment, ni de devenir un glouton. Mais on n’a pas besoin de la Bible pour nous le commander, c’est une simple question de bon sens.
  • Pour Tite 3:3, je ne vois pas le rapport avec le fait de boire ou non du vin, il ne s’agit pas particulièrement de cela.
  • Romains 14:20-21 “Pour un aliment, ne détruis pas l’œuvre de Dieu. En vérité toutes choses sont pures; mais il est mal à l’homme, quand il mange, de devenir une pierre d’achoppement. Il est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de s’abstenir de ce qui peut être pour ton frère une occasion de chute, de scandale ou de faiblesse.” La réponse est dans la passage : on ne peut isoler le verset 21 de son contexte, en particulier du verset 20 qui montre précisément qu’il n’y a rien d’impur dans les aliments du point de vue religieux, mais que la question de boire ou manger telle ou telle chose doit être examinée aussi sous l’angle de la perception qu’en ont ceux qui nous entourent, et qui pourraient être choqués. Selon Paul, rien n’interdit de boire du vin en privé, mais si c’est un scandale pour ceux qui sont à côté de nous c’est mieux de l’éviter à cause d’eux. Pour nous ce n’est donc pas génial de boire du vin à côté de musulmans, par exemple ? Et encore plus si l’on partage un repas avec des anciens buveurs qui ont choisi d’être abstinents, ce ne serait pas corrects de les tenter et sympa de s’associer à leur effort, non ?

Donc, je ne vois absolument rien dans ces textes qui serait contre le fait de boire du vin dans la vie quotidienne. Mais c’est parfois une bonne idée de s’abstenir.

C’est plutôt une question de bon sens, une question de respect, parfois une question de médecine, qu’une question religieuse. C’est une question d’actualité, vous avez raison. L’alcoolisme de bien des étudiants est assez préoccupant, effectivement. Sans parler de l’alcoolisme qui est une des importantes causes de violence envers les femmes dans les familles, et les accidents au volant. Mais il faudrait parler aussi des drogues qui, même appelées « douces » ne sont pas sans effets néfastes…

Et vous avez raison, s’il n’existe pas de texte biblique contre une consommation raisonnable de vin, il y a de nombreux passages qui seraient plutôt favorables, dans l’ancien comme dans le nouveau, et en particulier dans la bouche du Christ (c’est le cas de le dire !) :

  • Jésus est critiqué par des intégristes (déjà à l’époque, ça existait) d’être, lui, Jésus, « un mangeur et buveur » (Mt 11:19, Lu 7:34), Donc non seulement il n’interdisait pas mais il n’était pas franchement abstinent lui-même.
  • L’Evangile selon Jean s’ouvre par le récit des noces de Cana qui montre Jésus transformer de l’eau en fin pour que la fête ne soit pas perturbée par un manque de vin. Bon, certes, le sens symbolique de ce récit est très fort, de sorte qu’il n’est pas nécessairement à prendre au pied de la lettre, mais il n’empêche que ce récit lui-même montre qu’il n’était en tout cas pas scandaleux du tout que Jésus se sente concerné par le manque de vin pour une fête de village.
  • Lors de son dernier repas avec ses disciples, la coupe de vin a une importance toute particulière, et expressément, si l’on en croit l’Evangile selon Luc, Jésus nous donne l’ordre d’en boire tous ! Il aurait pu prendre une coupe d’eau, de lait de chèvre ou de sirop d’orgeat s’il était contre le vin, non ? Sauf que le vin a une importance allégorique tout à fait particulière et majeure dans la Bible comme image de la vie éternelle donnée par Dieu en Christ.
  • Le psalmiste nous dit que le vin est une des bénédiction de Dieu : « Dieu donne… Le vin qui réjouit le cœur de l’homme, et fait plus que l’huile resplendir son visage, et le pain qui soutient le cœur de l’homme…. » (Psaume 104:15) Il y a aussi quantité de passages du cantique des cantiques, d’Ésaïe…
  • L’apôtre Paul conseille à son ami Timothée “Ne continue pas à ne boire que de l’eau; mais fais usage d’un peu de vin, à cause de ton estomac et de tes fréquentes indispositions.” ( 1 Timothée 5:23). A vrai dire, j’ai des doutes sur les compétences de l’apôtre Paul en ce qui concerne la médecine, mais en tout cas ça montre que ce n’était pas tabou.

Mais qu’importe, finalement. Si l’on veut être abstinent c’est une possibilité pour chacun de l’être en tout cas pour une personne qui aurait du mal à se contenir. Il est mieux alors d’arrêter totalement,c’est une question de bon sens. Il est tout à fait possible de faire la fête entre amis sans qu’il y ait d’alcool. Il est tout à fait possible de déguster un hyper bon plat sans avoir un vin qui aille avec, même si c’est un peu dommage à mon avis, car il peut y avoir là une véritable œuvre d’art, et que

Du point de vue de l’éthique, de toute façon, même s’il y avait un verset très clairement contre le fait de boire un petit verre de vin, par exemple dans la bouche de l’apôtre Paul, il ne faudrait pas le prendre non plus comme une nouvelle Loi ! Nous sommes maintenant sous la grâce et la responsabilité personnelle. Le principe de base est d’aimer Dieu de tout son être, d’abord, et d’aimer son prochain comme soi-même, nous dit le Christ, ce que Saint Augustin exprime joliment ainsi « Aime et fait ce que tu veux, car de la racine de l’amour ne peut sortir que du bien ». Voilà l’évangile. S’ouvrir à Dieu pour qu’il nous donne une tête et un cœur un capable d’aimer et donc de décider par nous-mêmes avec un peu de justice et de créativité personnelle.

Sans refuser non plus les joies et les bénédictions qui nous sont offertes, ni de transformer la chance que nous avons quand la vie nous sourit en des temps où nous pouvons donner aux autres un peu de joie, et prendre nous mêmes de la force pour mieux avancer par la suite…

Dieu vous bénit et vous accompagne fidèlement

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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