Femme sautant en l'ai en extension dans une rivière - Photo de Tim Mossholder sur Unsplash Photo de Tim Mossholder sur https://unsplash.com/fr/photos/nO6NxJvBzow
Bible

Il semblerait que le verbe « être » ne se conjugue pas au présent en hébreux mais au passé et au futur ?

Femme sautant en l'ai en extension dans une rivière - Photo de Tim Mossholder sur Unsplash Photo de Tim Mossholder sur https://unsplash.com/fr/photos/nO6NxJvBzow

Tentative d’illustration pour Dieu tout en mouvement.

Question posée :

Cher Pasteur,

Visitant régulièrement votre site, je désire m’abonner aux nouvelles et comme demandé, je vous envoie ce mail.

Vos publications sont enrichissantes car elles sont une invitation à une réflexion personnelle approfondie sur des bases solides tout en étant ouvertes sur une évolution de la compréhension des Écritures. Merci pour ce fameux travail, pour votre ouverture d’esprit, votre tolérance qui ne peuvent que rassembler autour de l’Amour divin.

Je profite de ce mail pour vous partager un article récent, paru dans La Libre Belgique, important journal national de mon pays, et rapportant une interview de la rabbine Delphine Horvilleur. Cet article m’a interpellé par rapport à une question que je me pose sur Exode 3,14.

Exode 3, 14, dans beaucoup de traductions, est rendu par : « Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis ». Or, il semblerait que le verbe « être » ne se conjugue pas au présent en hébreux mais bien au passé et au futur. Par contre, je crois que la NBS traduit le verbe être au futur. Au premier abord, dans le sens littéral du futur, cela voudrait-t-il signifier que Dieu n’est pas immuable mais peut changer ? À moins qu’Il annonce que son action ne sera pleinement comprise et/ou achevée que plus tard, notamment par l’incarnation de la Parole en Jésus ? Jean 14, 6 fait d’ailleurs dire à Jésus : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (mais à ce niveau, le texte est en grec). Ou alors, le futur nous renvoie à nous-même dans la relation que nous pouvons construire avec le divin ?

Par rapport au verset Exode 3,14, la pensée de la rabbine Delphine Horvilleur m’a interpellé : « Nos identités sont mouvantes et en chemin….. On peut avoir été, on peut être en devenir, mais on n’est jamais….. Nommer, c’est définir et définir, c’est finir…. Le divin est indéfinissable, transcendant, échappe à toute définition…. L’interprétation est infinie…. Tout texte, et a priori la Bible, doit pouvoir être interprétée. Le sens du texte ne doit jamais être fini…. Il faut que chacun puisse en dire quelque-chose de nouveau, qu’il y ait constamment un renouvellement du sens pour que le texte ni la tradition ne meurent….. La Bible nous invite à avoir une pensée complexe. Nous ne pouvons pas l’instrumentaliser et cela engage constamment notre responsabilité…. (car)…. Nous pouvons mener le texte vers le morbide ou vers la grandeur…… Le texte n’est jamais aussi important que les commentaires, la chaine d’interprétations qui a été rédigée à son égard….. L’interprétation du texte prend toujours le pas sur la littéralité parce que le texte peut dire plus qu’il ne veut dire….. Nous devons nous inscrire dans une chaine d’interprétative…. Nous devons éviter de nous enfermer dans des idéologies hyperindividualistes pour lesquelles notre identité serait uniquement déterminée par notre désir, par notre ressenti ».

Qu’en pensez-vous ?

Bien à vous

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Merci, grand merci pour les encouragements.

Et pour cette référence à Delphine Horvilleur. Son travail est plus qu’excellent, articles, livres, interviews… (d’ailleurs, c’est pour cela que je l’avais invitée à prêcher au culte du dimanche quand j’étais pasteur à Paris, ce qu’elle avait très gentiment accepté alors qu’elle est certainement débordée).

Bien entendu : elle a raison quand elle dit que les verbes hébreux n’ont pas de présent (pas besoin de préciser qu’elle connaît un million de fois mieux l’hébreu que moi).

Pour expliquer : dans la conjugaison des verbes en hébreu, il n’y a pas de passé, présent et futur (comme en français)  : il y a l’accompli (c’est accompli dans le passé, et donc éventuellement cela est encore dans le présent), et il y a l’inaccompli (l’opération est encore en cours, il y a déjà de l’être dans le présent et cela continue dans l’avenir, et éventuellement se déploie).

Dans Exode 3:14 , le verbe être est à l’inaccompli les deux fois. Cela signifierait donc quelque chose comme : « je suis déjà et je serai : ce que je suis et je serai ». Ou « je suis déjà et je deviendrai : ce que je suis / ce que je deviendrai ».

Pour compléter la complexité, Dieu se présente alors sous le nom de YWWH ce qui est une conjugaison du verbe être, mais à une forme bizarre, hybride, à la fois avec des caractéristiques de l’accompli et de l’inaccompli. Allez traduire cela ?!? C’est pourquoi dans l’Apocalypse, Jean appelle Dieu « celui qui est, qui était et qui vient« . Excellente traduction, fort intéressante, du tétragramme YHWH. Cela donne une notion de Dieu dynamique, celle de Dieu éternel et éternellement en devenir, un Dieu vivant, en fait.

Votre lien avec Jésus disant : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » est excellent : la vérité est cheminement et vie. Dieu plus encore que tout autre.

Tout à fait d’accord, bien sûr avec Delphine Horvilleur pour appeler à la multiplicité des interprétations de la Bible, de chaque mot, de chaque lettre de la Bible : c’est tout à fait fondamental, la Bible a été écrite pour cela, et comme cela. De plus, ces textes sont faits pour permettre au lecteur de travailler sur lui-même, ces textes sont efficaces et créateurs, ils suscitent des déplacements et des évolutions pour son lecteur. En fonction de là où il en est et de ce qu’il est.

  • C’est pourquoi la Réforme protestante a tenu par-dessus tout à apprendre à lire aux fidèles, même les plus simples, afin qu’ils deviennent interprètes de la Bible, par eux-même.
  • C’est pourquoi le culte ne comporte pas seulement des lectures bibliques mais que la lecture est suivie d’une prédication, qui propose une interprétation du texte, subjective, appelant les participants au culte à développer eux-même leur propre interprétation.
  • Marc-Alain Ouaknin est un auteur qui est vraiment à lire sur ce sujet.
  • Cela est (ou devrait être) un rempart contre tout intégrisme.
  • Cela dit ce n’est pas parce que ces textes appellent à de multiples interprétations que toute interprétation est valable. Il existe des interprétations qui sont mauvaises, voire nocives.

Bonne lecture, réflexions, interprétations
Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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