femme lisant, assise sur une pile de livres, avec une inscription derrière. Photo by Clay Banks on https://unsplash.com/photos/NGupON6JOYE
Bible

Est-ce qu’une lecture non-croyante du texte biblique est un problème majeure pour sa compréhension ?

Par : pasteur Marc Pernot

femme lisant, assise sur une pile de livres, avec une inscription derrière. Photo by Clay Banks on https://unsplash.com/photos/NGupON6JOYE

« Suivez les traces des livres, grimpez, montez, de là haut il y a une magnifique vue ».

Question posée :

Marc,

J’ai un gros doute sur lequel vous pourriez sûrement m’éclairer sans vous prendre trop de votre temps précieux, bien sûr, car il n’y a là rien de grave, ni d’urgent.

Le problème, c’est un article de Jean Zumstein et un de vos derniers posts sur le verset de Jean 3.13 qui ont formé un petit combo.

Zumstein écrit, dans un article qui m’a interpellée, intitulé « Croire et comprendre » que ces deux activités de l’esprit « croire » et « comprendre » doivent s’entrecroiser pour retirer l’essentiel du texte biblique. Je vous avoue que le premier terme de sa dichotomie m’échappant entièrement, je me suis demandée en lisant son article s’il n’était pas en train de me dire que je n’allais rien y comprendre.

J’étais aussi franchement dépitée de me voir reléguée par ce théologien dans ce qu’il appelle « le positivisme exégétique » avec d’autres lecteurs incapables d’articuler eux-aussi ces deux activités, pour des raisons différentes : les fondamentalistes, les utilitaristes et les fous-fous qui expérimentent le divin au quatre coins de la rue. Charmante compagnie !

Alors, je fais un petit tour sur votre site et je tombe en première page sur le verset de Jean 3.13 dans l’analyse duquel je lis que « l’observation, le raisonnement », « la théologie dogmatique » ne vous semblent pas, comme pour Zumstein, suffisants pour comprendre efficacement le texte biblique, notamment ce verset, carrément coton il est vrai. Effectivement, je ne me risquerai pas à la moindre analyse. Jean Zumstein évoque une « appropriation existentielle » qui, pour lui, doit se montrer consubstantielle à la compréhension du texte biblique, ce que vous-même appelez, il me semble, une « expérience spirituelle », une « théologie expérimentale » face à une théologie dogmatique.

J’ai la vilaine impression comme de me réveiller et je me demande ce que je fais là finalement à faire de la « théologie d’arrière-cour » si j’ai bien compris ma situation vue par Zumstein. Après tout, ce n’est pas non plus mon truc, la théologie. Mon objectif était très modeste – je ne souhaite évidemment pas devenir pasteur ce qui est le cas de la quasi-totalité de mes condisciples – c’est assez drôle cet environnement et ils sont très sympas – mais moi, je venais là juste pour comprendre.

Alors Zumstein, et vous-même me mettez le doute – à juste titre d’ailleurs. Est-ce qu’on peut comprendre la foi chrétienne, ce qui reste un des enjeux essentiels du texte biblique, non ? sans avoir la foi ? Sans être chrétien ? Pour moi, oui. Sinon, nous ne pourrions même pas entrer en dialogue. On ne peut pas demander au médecin d’attraper toutes les maladies pour les comprendre. Mais c’est peut-être aussi comme si on regardait quelqu’un faire du vélo et qu’on essayait de comprendre ce que c’est que cette plaisante action. On comprendrait bien le mécanisme et le processus physique à exécuter mais l’expérimenter, faire du vélo, n’aura rien à voir avec cette connaissance toute théorique évidemment.

Maintenant, cette « appropriation existentielle » dont parle Zumstein, qu’il pense devoir être coextensive à la compréhension du texte, je ne sais pas trop comment la comprendre. Est-ce que c’est comme pour le vélo ? Ou comme pour le médecin ? C’est vrai que plus je lis ces textes, plus la perspective de Zumstein m’échappe. Plus je lis les Evangiles, plus je les compare avec d’autres textes, plus Jésus m’apparaît comme un simple personnage, une construction de l’esprit, la mise en forme narrative d’une sagesse qu’on pourrait très bien trouver en partie chez un néoplatonicien ou un stoïcien de la même époque. Bien des lecteurs, je suppose, ont dû vous parler de cet effet déréalisant. Je corresponds probablement à un stéréotype mais je ne sais pas lequel… En même temps, Jésus gagne aussi en profondeur dans la compréhension que j’en ai – et qui a bien évolué – puisque cela ne retire absolument rien à mes yeux à la valeur de son enseignement qui, sur de nombreux points, me semble tout à fait digne d’être écouté. Je ne vois pas ce qu’on pourrait trouver à redire à quelqu’un qui prône l’amour du prochain, le soin des autres et surtout le met en pratique : « Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin. » Marc 8.3. C’est assez fantastique, littéralement, dans cette anticipation, de voir jusqu’où va la sensibilité de l’Incarnation et jusqu’où le sens de ce verset peut se diffracter dans l’expérience. Il peut même s’appliquer à quelqu’un qui se demande ce qu’il fait en théologie. Je viens de m’en apercevoir, là ! en vous écrivant… Je n’en suis pas étonnée puisque j’ai défendu récemment l’idée que la dimension poétique du texte biblique le rendait non seulement, par essence, multiforme mais aussi manifestait la parole, la vie qui l’animait, aucune véritable parole ne pouvant s’exprimer dans l’univocité. Oui, c’est un texte vivant. Il y en a d’autres mais ils ne sont pas si nombreux.

Pour résumer ma question : est-ce qu’une lecture non-croyante du texte biblique est un problème majeure pour sa compréhension ? Et en fait, ce n’est pas exactement cela ma question, là c’est trop binaire en plus. Ce serait plutôt : « qu’est-ce que c’est « une lecture existentielle » en théologie ? Parce que toute lecture est un tant soit peu existentielle, nous touche, nous remue, nous fait penser…etc, sinon il faut jeter le livre.

Amicalement,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Vous savez, pour me lire de temps en temps, que la distinction faite entre « croyant » et « non croyant » me semble très délicate, c’est comme si l’on comptait distinguer entre les personnes qui aiment et les personne qui n’aiment pas. Qui aiment quoi ? Qui aiment comment ? Qui aiment à quel degré entre 0 (ne pas aimer du tout) et 10 (aimer au point de donner sa vie) ? Si je dis cela, ce n’est pas très original, c’est ce que dit Jean dans sa première lettre « quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ».

Ensuite, c’est vrai que le texte biblique est écrit pour que son lecteur effectue un travail sur lui-même, je pense. Celui qui ne s’implique pas personnellement d’une façon ou d’une autre dans son étude du texte passe à côté du truc. Mais ce n’est pas interdit non plus et ce n’est pas inintéressant de faire une étude du texte biblique en restant un observateur extérieur sans s’impliquer personnellement. De même : un violon est fait pour apporter de l’émotion à l’auditeur, et c’est sous cet angle là qu’une profonde approche de ce qu’est un violon peut se faire. Mais il est possible et enrichissant de s’intéresser au violon comme objet décoratif, ou dans une étude sur les outils de travail du bois au XVIIIe siècle, ou à la dendrochronologie, ou à la lutherie… De même on peut s’intéresser à la Bible sur bien des angles : la philosophie sous-jacente, la rhétorique, la langue, le judaïsme et la politique au Ier siècle, etc. On a le droit de s’intéresser à un livre sans qu’il nous remue. Mais oui, je pense que pour saisir ce qu’est la Bible, et particulièrement les évangiles, il est bon d’ s’impliquer personnellement dans le texte. D’accord avec cette expression de « lecture existentielle », et je ne fais pas tant de différence que cela avec une « lecture croyante ».

A vrai dire, il y a des lectures dites « croyantes » qui me me semblent plutôt « dogmatiques », cherchant dans la Bible à conformer un certain catéchisme, ou justifier ce que l’on pense déjà, ce qui est loin d’être une approche où le lecteur est prêt à se laisser déplacer par son expérience de lecture et d’interprétation. La question n’est pas tant de « comprendre » ce que dit le texte. La question est de le faire fonctionner. Et cela n’arrive que si l’on en a une lecture où l’on s’implique. La question est plus de se comprendre soi-même, de comprendre notre monde, notre vie, notre fonctionnement, en lisant le texte.

Je ne sais pas si ce texte est vivant, c’est un très bel hommage que vous rende au texte biblique. C’est plutôt la lecture de ces textes par une lectrice sincèrement en recherche d’approfondissement personnel qui rend cette expérience de lecture puissante. Ces textes sont des textes sincères, des auteurs y ont mis leur tripes afin que leurs lecteurs puissent être rendus plus vivants, au sens noble du terme, par leur pratique d’interprétation du texte. C’est textes sont dont magnifiques, certes, mais c’est vous, comme lectrice, qui les rendez vivants d’une belle façon. Mais hélas ces textes peuvent aussi devenir des armes pour décourager, oppresser, culpabiliser, aliéner des personnes. Ces textes ont alors été rendus vivants autrement et d’une mauvaise façon. D’où l’importance de les prendre pour en faire de belles choses.

En ce sens, ces textes appartiennent au patrimoine pour que quiconque le désire s’en saisisse. Manquerait plus que ça ! Sentez vous tout à a fait autorisée à lire ces textes de la Bible et à vous enrichir de leur étude. Quand bien même vous vous pensez « non-croyante », je trouve que vous les lisez d’une magnifique façon.

Bien à vous.

par : pasteur Marc Pernot

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