Dieu a créé l’humain pour être fécond, se multiplier ? Argument pour le couple « traditionnel » ?
Question posée :
Bonjour Pasteur,
Hier, j’ai eu une discussion très franche avec le curé Catholique de ma paroisse et je me suis retrouvée prise de court sur les arguments théologiques qui permettraient d’affirmer que l’homosexualité vécue (c’est à dire de vivre en couple dans l’amour et la joie et avec une pratique sexuelle) et que la contraception (pas seulement la méthode Ogino) ne sont pas contraires à la volonté de Dieu. Son argument était simple: Genèse chapitre 1, 26-27 : 27 Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme.
28 Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la.
A cela, il faudrait ajouter Genèse chapitre 2, 18-24 : 24 À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.
Le curé disait que seul un couple d’un homme et d’une femme avec le projet d’avoir des enfants pouvaient être à l’image de Dieu. Je lui ai fait remarquer que le célibat (notamment des prêtres) contredisait ce qu’il me racontait. Il m’a parlé d’autres catégories de personnes, celles ayant choisi le célibat, les eunuques et les handicapés, mais je dois avouer ne pas avoir compris sa réponse (ni comment il mettait toutes ces personnes dans un bloc).
Il refuse d’unir dans le mariage des couples qui disent ne pas souhaiter avoir d’enfants, mais il n’a pas de soucis pour unir des personnes âgées ou infertiles, cela n’a aucun sens pour moi. Il m’a aussi parlé de couples qui pratiquaient une contraception naturelle comme étant la seule méthode valable.
Je ne peux pas concevoir d’un Dieu d’amour qui a créé toute cette diversité de vies, de caractères, de sexualités, mais qui imposerait un seul chemin « à son image », celle d’un couple hétérosexuel, fertile et pratiquant seulement une contraception « naturelle » si tant est qu’elle en pratiquerait une.
Je pense que Dieu accueille chacun dans sa spécificité, qu’il veut notre bonheur dans le respect de qui on est, pas d’imposer un modèle unique qui non seulement ne permet pas l’épanouissement de chacun, mais qui créé en plus la culpabilité de ne pas atteindre cet « idéal ».
Ceci est mon intuition, ma conviction profonde, mais est-ce qu’elle est étayée par la théologie?
Merci beaucoup pour votre aide,
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
- Comme vous le dites, ce n’est pas logique, car le Christ n’a pas eu d’enfant (que l’on sache) et pourtant il est, pour la théologie chrétienne l’humain véritable. On ne peut plus image de Dieu ! Aller prétendre ensuite, à partir de ce verset que l’image de Dieu est le couple formé par un papa et une maman ayant des gosses, cela ne cherche même pas le moindre début de cohérence avec l’Evangile du Christ, ce qui est un petit peu la base en christianisme ?
- Il est en général dangereux de faire une lecture fondamentaliste, matérialiste, d’un seul verset de la Bible sans examiner de contre-passages qui permettraient d’ouvrir un questionnement.
- En l’occurrence, cette lecture permet de soutenir une conception de l’humain et du couple comme devant faire un maximum d’enfants, de remplir et de dominer, soumettre la planète. Hum, cela fait de graves dégâts à plusieurs niveaux.
- Pour la planète, je ne suis pas certain que ce soit véritablement prophétique d’encourager une démographie croissant exponentiellement. Cela a bien des chances de ruiner la planète et d’engendre des problèmes non seulement écologique mais de violence quand les ressources manqueront.
- En ce qui concerne la conception (c’est le cas de le dire) de la fécondité humaine et de notre vocation. Elle peut être biologique, certes, et aussi spirituelle, sociale, humaine, artistique, intellectuelle…
- Cette conception fait que des personnes ne sen sentent pas des humains accomplis quand elles n’arrivent pas à créer un couple ou à ne pas avoir d’enfant. C’est cruel. Et c’est faux. On peut avoir une très belle vie célibataire et/ou sans enfant. On n’en a pas ? et bien on peut poursuivre le projet ou on peut s’investir dans d’autres projets.
- Cette conception tend à imposer à des personnes d’avoir des enfants : cela fait énormément de malheur. Faire un enfant, l’éduquer, en prendre soin : c’est un sacerdoce qui est génial quand on a la vocation de le faire. Si on ne l’a pas, si on ne le sent pas, si on y est forcé, la vocation peut venir ensuite devant un enfant qui arrive, mais parfois c’est quand même compliqué si on a vraiment été forcé et qu’on le fait à contre cœur, cela peut être assez terrible pour les parents et aussi pour l’enfant.
- Cela est effectivement extrêmement péjoratif pour les personnes stériles, quelle qu’en soit la raison : physique, psychique, ou à cause de l’âge).
- Cela donne une mauvaise idée de notre corps et des plaisirs du corps, qui seraient comme sales, sauf si, à la limite, cela servait à fabriquer un enfant. Non : des relations sexuelles, la sensualité peuvent dans bien des cas participer à la beauté de la vie d’un couple, et de l’épanouissement de la personne. Et le couple humain a, en lui-même, une beauté, une bonté, une vocation possible.
- l’appel est de grandir, de s’élever par l’élévation de l’esprit, de l’âme, de l’intelligence, de la liberté, de l’amour de l’autre.
- l’appel est de trouver sa vocation, de multiplier le bien, le bon, le beau, le vrai. De multiplier les relations bonnes, de multiplier les beaux projets de création et de vie. En effet quand Dieu crée l’humain à son image (quelques versets plus haut), il est en train de discuter de son bon projet et il est en train de créer. Ce sont ces gestes là qu’il est possible de multiplier. Quand il y avait quelque centaines de milliers de personnes sur terre, avec une espérance de vie très courte, l’esprit prophétique pouvait donner comme priorité de faire le plus d’enfants possible poru qu’il en reste un ou deux. Aujourd’hui, je ne suis pas bien certain qu’il faille avoir le projet de faire le plus d’enfants possibles. Sauf si c’est la vocation particulière de tel couple particulier.
- la nature qu’il faut soumettre, c’est d’abord notre propre nature, la dominer, l’apprivoiser, la domestiquer par l’Esprit.
- à vouloir nous fondre dans le groupe, rétif à être nous-même : « Le corps n’est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait: Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps ne serait-il pas du corps pour cela. Et si l’oreille disait: Parce que je ne suis pas un oeil, je ne suis pas du corps ne serait-elle pas du corps pour cela? Si tout le corps était oeil, où serait l’ouïe? S’il était tout ouïe, où serait l’odorat? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu. Si tous étaient un seul membre, où serait le corps? » (1 Corinthiens 12:14-19)
- à être xénophobe, refusant que l’autre soit différent de nous : « Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’oeil ne peut pas dire à la main: Je n’ai pas besoin de toi; ni la tête dire aux pieds: Je n’ai pas besoin de vous. » (1 Corinthiens 12:20-21). Hélas, certains le peuvent et l’assument, en disant qu’une personne qui n’a pas la « bonne » teinte de peau (pas la même que la sienne) n’a pas sa place, ou une personen qui n’a pas la « bonne » orientation sexuelle (pas la même que la mienne, ou pas celle de la 95% de la population) n’est pas dans le plan divin.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
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Je crois que, lorsque qu’il est écrit que : « C’est pourquoi l’homme abandonne son père & sa mère ; il s’unit à sa femme, & ils deviennent une seule chair » (Gn 2:24), c’est Moïse qui explique pudiquement qu’Adam (l’homme) & Ève (sa femme) se cachèrent de Dieu (abandonne son père & sa mère), & qu’illes eurent des relations sexuelles (il s’unit à sa femme & ils deviennent une seule chair)1.
Je crois qu’étant dans l’innocence, ignorant que Dieu n’aime pas la fornication ni l’adultère (Ex 20:14 ; Pr 6:32 ; Rm 7:2 ; 1Co 6:18-20 ; Ep 5:5 ; Hé 13:4), Il les a d’abord bénit pour avoir une juste copulation (Gn 1:28). Je crois que l’impératif de procréer n’a lieu d’être qu’en cas de crise démographique, & c’est dans cet objectif que Dieu a créé Adam & Ève de sexes opposés (Gn 1:28 ; Gn 9:1).
Tout en restant un but souhaitable du mariage, avoir des enfants n’est pas obligatoire pour reconnaître la validité de celui-ci, car plusieurs personnages de la Bible ont été stériles pendant des années, avant d’avoir un enfant par adoption ou grâce de Dieu, sans que leur mariage ne se soit trouvé invalidé (Sarah & Abraham, Rebecca & Isaac, Rachel & Jacob, Anne & Elkana, Zacharie & Élisabeth).
Oui on peut lire ce texte comme cela, cependant il n’est pas parlé ici de relations sexuelles, et les questions ouvertes par ce texte sont bien plus amples et à un tout autre niveau que la simple question du sexe.
Je ne sais pas d’où vient cette manie de certains religieux et certains philosophes (psychanalystes) de toujours ramener tout au sexe ? Cela doit probablement questionner sur leur façon de vivre leur propre désir ?