Une statue d'ange dans un cimetière, beau et un peu triste, androgyne - Image par Wälz de https://pixabay.com/fr/photos/ange-chiffre-statue-deuil-1507747/
Développement

Deuil, culpabilité et espérance chrétienne après la perte d’un enfant

Un témoignage de souffrance et de culpabilité

Bonjour pasteur Marc

Le 8 septembre dernier, ma fille Priscille, 22 ans, est venue passer du temps à la maison. Comme elle souffrait d’une blessure récente à la main et au bras, car elle s’était fait agresser et frapper quelques jours plus tôt, elle cherchait quelque chose dans mon armoire à pharmacie. Elle a trouvé des anxiolytiques que j’avais eus il y a quelques années, et je l’ai vue en prendre. Puis, nous sommes allées au cinéma, passé la soirée à regarder un film, en rentrant, elle s’est endormie dans le fauteuil. Une amie qui est passée a remarqué que ma fille n’avait pas l’air bien, mais cela ne m’a pas alertée. Le lendemain matin, j’ai remarqué que Priscille respirait avec difficulté et avait un œil entrouvert. Ça m’a inquiétée, mais là encore, j’ai tardé à appeler les secours. Lorsque les pompiers sont arrivés, elle venait tout juste de cesser de respirer pour tomber dans le coma, puis mourir. Tout est arrivé si vite.

Depuis, je la pleure tous les jours, avec la double peine de l’avoir perdue et ma culpabilité de ne pas avoir réagi plus vite face au malaise de ma chérie. Je m’en veux terriblement et je prie Dieu le Père de la rejoindre.

Pour atténuer un peu ma culpabilité, je voulais vous demander si Dieu a permis le départ anticipé de mon bébé ou si, d’après Ecclésiaste 7:17, c’est uniquement notre faute, quand il est écrit : « pourquoi mourrais-tu avant ton temps? » De plus, d’après ecclésiaste 9:5 il est dit hélas que les morts ne savent rien puisque leur mémoire est oubliée… Que nous reste-t-il de Priscille?

Voilà ma situation aujourd’hui. Je souffre énormément, et nous sommes tous dévastés : son père et ses jeunes sœurs. Elle nous manque tellement.

Je terminerai en disant que Priscille avait été diagnostiquée schizophrène et autiste Asperger. C’était une jeune femme si gentille, trop souvent harcelée ou victime de vols. Elle faisait aussi tout son possible pour se libérer d’une dépendance aux opiacés. Elle ne méritait pas tout ce qui lui est arrivé. Comme dit son copain : « Pourquoi la vie s’est-elle acharnée sur elle ? »

Dans l’attente de votre réponse, merci fraternellement,

Réponse pastorale : comprendre le deuil chrétien

Chère Madame,

Je suis infiniment désolé et compatissant pour vous. Perdre un enfant est sans doute l’une des épreuves les plus profondément blessantes qui puissent exister. Perdre un enfant et se sentir d’une façon ou d’une autre plus ou moins responsable est infiniment pire encore. J’ai plusieurs fois rencontré cette situation dans mon ministère. J’ai en mémoire des cas où un tout petit enfant se noie dans la piscine alors que les parents étaient en train de bavarder sur le bord, pensant sincèrement avoir un œil sur leur enfant, et c’est arrivé malgré tout. Un million de parents surveillaient leur enfant de la même façon et il n’y a pas eu de drame. Nous ne sommes pas des robots. Quand nous faisons au mieux, avec 99,9 % de réussite, il reste le 0,1 % de chance qu’il arrive un pépin grave, et ça tombe au hasard, bien sûr. C’est simplement arrivé.

La culpabilité face au deuil

C’est le cas de bien des accidents. Comme vous le dites, pour un parent, c’est la double peine. Vous ne pouvez faire autrement que de culpabiliser sur cet enchaînement malheureux. Bien sûr, après coup il est facile de dire : j’aurais dû faire cela, j’aurais pu faire ceci. Mais voilà, il y a une chose contre laquelle personne ne peut rien, c’est l’irréversibilité du temps. En réalité, c’est cela, plus que tout le reste, qui vous fait souffrir : ah si on pouvait revenir en arrière, je ferais autrement. Bien sûr ! Puisque vous ne vouliez pas la mort de votre fille. Votre amour pour elle se lit à travers chaque mot de votre message, avec en plus votre bienveillance et votre compassion pour elle. Au contraire, vous aviez plein d’espérance pour elle. Bien sûr que tout parent aurait pu être un meilleur parent. Avoir un Jésus-Christ de perfection comme parent n’aurait rien de facile non plus. Vous n’avez manifestement pas été une mauvaise maman. Vraiment pas. J’aimerais que tous les enfants reçoivent un tel amour d’au moins un de leurs parents, particulièrement pour un enfant qui a plus de difficultés.

Il n’est d’aucune aide de continuer à regretter cette irréversibilité du temps qui vous place face à un mur lorsque vous regardez en arrière ; c’est une voie sans issue. Bien sûr, aujourd’hui, vous ne pouvez pas faire autrement que d’avoir ce regard tourné vers le passé. Il faut le temps du deuil, il faut laisser le temps évacuer lentement le poison des regrets inutiles et des accusations injustes que vous vous portez. Votre message est un bon signe, je pense. Il montre qu’un éclair de début d’espérance d’aller mieux se fait sentir, comme un frémissement. Vous pouvez aller de plus en plus mieux, vous pouvez espérer que vienne vite le jour où vous commencerez à regarder vers l’avant, et à laisser dans l’histoire passée ce terrible accident. C’est sa place, il n’y a pas lieu de le revivre chaque jour.

Ce n’est pas être infidèle à Priscille que d’arrêter de ressasser les causes et les circonstances de l’accident et de ses difficultés. Au contraire. Elle sait parfaitement combien vous l’aimez et y êtes attachée. Ce ne sont pas ses problèmes ni son accident qui doivent être le cœur de votre mémoire pour elle, mais le souvenir de sa bonté, de ses moments de joie, des moments où elle était bien en famille, des moments où elle a été heureuse, des moments où vous avez été heureuse pour elle ou grâce à elle. Il faut se souvenir de votre amour pour elle et de son amour pour vous. Il faut chercher le meilleur, choisir la vie, choisir ce qui fait vivre, ce qui fait avancer, ce qui élève, ce qui porte du fruit.

Dieu et la souffrance humaine

Non, Dieu n’a pas envoyé la maladie la frapper, ni les addictions, ni les personnes méchantes qui l’ont agressée. C’est simplement la fatalité de la vie. Telle personne aura toutes les chances, telle autre, dans sa plus tendre enfance, sera frappée de cancers abominables. Pourquoi ? Oui, c’est injuste. Ce sont bien souvent les hasards de la biologie et de l’existence qui causent cela. Dieu ne veut pas non plus la méchanceté des humains qui en agressent et en frappent d’autres, mais Dieu n’a pas de chaînes pour les retenir. Dieu n’est pas tout-puissant, il est une dynamique d’évolution positive, il est la source transcendante d’amour. Dieu nous accompagne sans jugement dans les bons comme dans les mauvais jours, afin qu’il nous apporte lumière, chaleur, réconfort et un souffle de vie. Il nous aide à relever la tête. Et il nous aide à nous pardonner quand nous nous sentons impardonnables. Comme le dit l’apôtre Jean : si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur. Et il nous aime.

Dieu n’a pas laissé tomber Priscille dans des addictions qui l’ont finalement emportée. Il l’a entourée de son amour. Il vous a donné un cœur, aussi, pour l’aimer et l’entourer, ce qui a été le cas. Elle a eu aussi l’amour de son copain qui a de la compassion pour elle. Priscille avait au moins cette chance formidable d’avoir des personnes qui l’aiment. Dieu ne « laisse pas faire » le mal, mais il ne peut pas empêcher une personne de prendre un dangereux cocktail d’anxiolytiques. Dieu est le Dieu de la vie et fait tout ce qui est possible pour faire vivre, et nous appeler à la vie. Bien sûr que Dieu vous appelle à choisir la vie. C’est la meilleure des façons de faire échec à la mort, à ce qui tue les enfants.

L’espérance chrétienne et la vie après la mort

Quant à Priscille, je suis persuadé que, de là-haut, elle voit l’amour que vous lui portez et combien vous êtes désolée qu’elle soit partie si tôt. Mais on ne « retrouve » pas ceux que l’on aime et qui sont dans l’au-delà : car nous serons avec eux plus tard comme nous sommes avec eux maintenant, ni plus ni moins, attachés par l’amour, par le respect, par la mémoire affectueuse de tout ce qu’il y a eu de beau comme sentiment et comme pensée entre nous. Ce qui nous fait aujourd’hui sourire nous fera sourire, ce qui nous touche aujourd’hui nous touchera demain. Car c’est l’amour qui est plus fort que la mort, rien d’autre que l’amour et ses liens d’attachement. Or, manifestement, vous avez un trésor dans le cœur.

La foi chrétienne face à la vision intéressante mais désabusée de l’Ecclésiaste

Ce passage de l’Ecclésiaste que vous citez nous invite à la sagesse, parce que cela nous aide à vivre et nous connecte avec Dieu. Certes, celui qui a une hygiène de vie déplorable a une moins bonne espérance de vie, celui qui conduit prudemment sur la route aura moins d’accidents. Ce n’est pas que Dieu le bénirait plus qu’un autre, car Dieu est de toute façon complètement dévoué à nous faire vivre notre meilleure vie possible, compte tenu des circonstances et des aléas. C’est pourquoi Dieu nous appelle et nous éclaire. Il nous aide à nous ressusciter maintenant. Que ce soit la vie qui l’emporte sur la mort, l’amour qui l’emporte sur la haine, l’espérance et la consolation l’emportent sur le mal.

Certes, le livre de l’Ecclésiaste dit que les morts sont dans une sorte de néant, il y a quelques passages bibliques disant cela. La Bible est un livre très pluraliste, réunissant bien des voix. Dans ce concert, l’Ecclésiaste est une de ces voix. D’autres, comme le Psaume 121 par exemple, disent que Dieu garde notre âme pour toujours. Cela fait qu’au temps de Jésus la question de la vie après la mort était discutée : on voit débattre les sadducéens et les pharisiens sur cette question, les premiers rejetaient l’hypothèse d’une vie après la mort alors que les second y croyaient dur comme fer. Jésus, lui, nous dit que ce qui est vraiment vivant en nous en ce monde est vivant pour toujours (Jean 11:25). Paul dit que l’amour ne meurt jamais (1 Corinthiens 13) et explique au chapitre 15 sa conception de la vie future…

L’amour plus fort que la mort

A mon avis cela fait sens. Mais effectivement, nous verrons bien. Pour l’instant : le fait de dire que l’amour est plus fort que la mort est une expérience bien réelle, une expérience très concrète que vous vivez manifestement, un expérience bien belle et vraie. Par l’amour, et la mémoire fidèle au meilleur, la personne aimée peut encore effectivement nous élever, nous faire cheminer.

Dieu vous bénit. Il est avec vous pour lutter contre votre souffrance et votre culpabilité, l’une comme l’autre sont injustes, inutiles et cruelles.

Dieu vous bénit et vous accompagne dans ce chemin de consolation.

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. Andre dit :

    Vos. Mots sont vraiment très beaux tres touchant pour cette personne Marc. Ca fait vraiment beaucoup de peine pour elle j!’espère que! elle trouvera du réconfort dans l!’avenir

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