22 décembre 2022

Un cadeau de Noël tout doré - Photo de freestocks sur https://unsplash.com/fr/photos/k-Rp0V0XWWU
Question

A Noël, les anges annoncent « Paix sur la terre aux humains de bonne volonté » ? Et les autres ?

Par : pasteur Marc Pernot

Un cadeau de Noël tout doré - Photo de freestocks sur https://unsplash.com/fr/photos/k-Rp0V0XWWU

Le salut de Dieu offert en cadeau, vraiment en cadeau.

Question posée :

Bonjour
J’espère que vous allez bien, avec de bonnes célébrations de Noël à venir.
Je m’interroge sur le dernier terme de Luc 2, 14, eudokia. Il me semble qu’il se traduit de diverses manières. Soit on dit paix « aux hommes de bonne volonté », ce qui revient à donner l’agir aux humains, soit on dit « aux hommes qu’il agrée »… et là on donne l’agir à Dieu. Ou alors est-ce que ce terme condenserait les 2 en 1: Dieu choisit seulement les hommes de bonne volonté ?
Comment lisez-vous ce terme, qui signifie bienveillance, désir, choix, volonté ?
Si vous avez le temps, merci de m’éclairer.
Avec mes amicales pensées

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Effectivement, la question se pose. Et elle est effectivement assez essentielle. Cela touche même le cœur de la théologie du salut donné par Dieu en Christ. Et comme cette bonne nouvelle contraste pas mal avec le salut envisagé dans d’autres religions, mettant en avant l’agir de l’humain et un jugement ou karma assez rigoureux, cela mérite de se pencher dessus.

Effectivement, comme vous le dites, le mot grec « eudokia » vient de : « eu » (bon) et « dokia » (opinion) : c’est la bonne volonté, la bienveillance… Cela pose deux questions ici :

  1. Qu’est-ce que l’on entend précisément par eudokia
  2. Cette eudokia, ici au génitif (l’eudokia de quelqu’un) : c’est l’eudokia de qui ?

C’est donc une enquête qui se présente à nous. Comme cette enquête est un peu technique, c’est pourquoi je n’ai pas mis cette question dans les « simples versets médités » qui lisent un verset en se laissant simplement inspirer librement, nous laissant interroger et déplacer par le texte. Alors qu’ici, c’est la démarche inverse (et complémentaire) qui consiste à analyser le texte, à l’interroger.

Je partirai d’une recherche de « eudokia » dans le Nouveau Testament : à part Luc 2:14, nous avons eudokia dans les versets suivants :

  • Mt 11:26 Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi.
  • Lu 10:21 En ce moment même, Jésus tressaillit de joie par le Saint-Esprit, et il dit: Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi.
  • Ro 10:1 Frères, le voeu de mon coeur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés.
  • Eph 1:5 il nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté,
  • Eph 1:9 nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le bienveillant dessein qu’il avait formé en lui-même,
  • Php 1:15 Quelques-uns, il est vrai, prêchent Christ par envie et par esprit de dispute; mais d’autres le prêchent avec des dispositions bienveillantes.
  • Php 2:13 car c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir.
  • 2Th 1:11 C’est pourquoi aussi nous prions continuellement pour vous, afin que notre Dieu vous juge dignes de la vocation, et qu’il accomplisse par sa puissance tous les desseins bienveillants de sa bonté, et l’oeuvre de votre foi;

Il me semble que ces données apportent des éléments quant aux deux questions ci-dessus :

  1. La notion d' »eudokia » me semble bien signifier : le « dessein bienveillant », le « projet bienveillant », le « projet de bien en faveur d’un autre ».
  2. Sur les 8 occurrences de « eudokia » (en plus de Luc 2:14), 6 sur les 8 évoquent l’eudokia de Dieu. On remarque en Luc 10:21 qui est dans le même évangile que celui qui nous intéresse. Les deux 2 occurrences sur 8 qui restent parlent de l' »eudokia » de personnes humaines, c’est vrai, mais  on remarque que toutes ces personnes qui portent une « eudokia » sont des personnes dans le service de Dieu pour manifester son salut en faveur des humains. Elles sont envoyées par Dieu pour le salut de l’humanité. Donc dans un sens elles aussi manifestent l' »eudokia » de Dieu pour les humains.

Ensuite, quand on s’interroge sur le sens d’une notion dans le grec des évangiles, il est une bonne idée d’aller chercher dans la traduction en grec de la Bible hébraïque, traduction dite des Septantes (LXX) qui date de -300 avant Jésus Christ et très utilisée par les rédacteurs du Nouveau testament en grec. Dans la Bible des LXX, « eudokia » traduit la racine hébraïque « ratson » (la bienveillance pour quelqu’un) et ce mot « eudokia » se trouve dans les livres canoniques de la Bible presque uniquement dans les Psaumes :

  • Ps 5:13 Car tu bénis le juste, ô Eternel! Tu l’entoures de ta grâce comme d’un bouclier.
  • Ps 19:15 Reçois favorablement les paroles de ma bouche Et les sentiments de mon coeur, O Eternel, mon rocher et mon rédempteur!
  • Ps 50:20 Répands par ta grâce tes bienfaits sur Sion, Bâtis les murs de Jérusalem!
  • Ps 68:14 Mais je t’adresse ma prière, ô Eternel! Que ce soit le temps favorable, ô Dieu, par ta grande bonté! Réponds-moi, en m’assurant ton secours!
  • Ps 88:18 Car tu es la gloire de sa puissance; C’est ta faveur qui relève notre force.
  • Ps 105:4 Eternel, souviens-toi de moi dans ta bienveillance pour ton peuple! Souviens-toi de moi en lui accordant ton secours,
  • Ps 145:16 Tu ouvres ta main, Et tu rassasies à souhait tout ce qui a vie.

Dans tous ces passages, il s’agit de la bienveillance de Dieu, ou plutôt de l’Éternel c’est à dire Dieu en tant que source de vie, de pardon, de tendresse maternelle. Il s’agit donc de l' »eudokia » de Dieu envers les humains. L' »eudokia » n’est pas trouvée par exemple dans des livres de lois ou se sagesse comme une bonne œuvre de l’humain envers Dieu.

Je dirais donc qu’il me semble hautement vraisemblable que dans Luc 2:14, la « eudokia » dont il est question est celle de Dieu pour chaque personne humaine. Il n’est pas question que Dieu cherche le salut uniquement de ceux qui seraient préalablement de bonne volonté eux-même, laissant les autres à leur mort. Car précisément le salut de Dieu est pour les pécheurs. Tout particulièrement dans l’Évangile selon Luc, par exemple dans la parabole de la brebis perdue (Luc 15). Dieu offre son salut à toutes et tous, à commencer par ceux qui en ont le plus besoin : ceux qui sont perdus, ceux qui se sont éloignés de Dieu et du bien.

La bonne volonté humaine éventuelle est le fruit du salut. L’humain ne nait pas libre, il nait esclave (de son propre désir, de ses propres besoins). La liberté de l’humain est le résultat d’un processus de libération, c’est ce que nous célébrons à Pâque (juive) et à Pâques (en Christ) : c’est une libération dont Dieu est l’acteur.

C’est vrai que Luc insiste souvent sur le libre choix de la personne humaine face au salut offert par Dieu en Christ. Mais cette question de la bonne ou mauvaise volonté de l’humain vient seulement après : en se positionnant par rapport à ce salut donné par Dieu. Mais la bonne volonté de Dieu n’est pas remise en cause par le péché (la mauvaise volonté de l’humain), et la bonne volonté de Dieu ne cesse jamais : comme le berger qui cherche : il cherche encore et encore jusqu’à ce qu’il trouve sa brebis.

Donc, bref, ce verset de Luc 2:14 me semble rendre grâce à Dieu ainsi : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre dans les humains, selon de le projet bienveillant de Dieu. »

Au passage, chanter « la gloire de Dieu » n’est pas lui décerner une médaille ou lui accorder un titre, mais de lui souhaiter une belle efficacité dans son projet de sauver chaque personne humaine, de souhaiter « que sa volonté soit faite » (comme le dit Jésus dans sa prière), effectivement, comme elle l’est dans les lieux très hauts (dans ses projets éternels et transcendants), que cela puisse effectivement se concrétiser un petit peu plus dans de la paix sur terre, et en nous.

Et au passage encore « la paix« , la shalom hébraïque ce n’est pas être seulement bien tranquille et serein comme un lac quand nulle brise ne vient rider sa surface. La « paix » c’est l’aboutissement d’un projet, d’une construction : la paix pour un humain c’est d’être dans un niveau de développement humain qui nous ferait atteindre celui du Christ. Personnellement et collectivement pour l’humanité (comme corps dont nous sommes des membres). C’est un sacré programme. C’est un horizon, effectivement, mais nosu ne sommes ni tout à fait nuls ni tout à fait Christ, nous sommes en chemin, en genèse entre les deux.

Donc : rien à craindre de Dieu, tout à espérer. Sa joie sera de nous voir avancer ne serait-ce que d’un petit pas, ou même seulement un regard vers lui.

Joyeux Noël

par : pasteur Marc Pernot

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