16 mars 2022

crocus perce neige - Photo de Johannes Plenio sur https://unsplash.com/fr/photos/MVr6pgZzlbY
Théologie

Malentendu sur le mot de « résurrection »

Par : pasteur Marc Pernot

crocus perce neige - Photo by Johannes Plenio on UnsplashLe mot de « résurrection » est trompeur, il laisse supposer un retour à la vie, or ce n’est pas du tout de ce dont il est question dans le grec des évangiles. Trois verbes y sont utilisés pour parler de cet événement, aucun de ces verbes ne comprend l’idée d’un retour comme le laisse supposer le « re » de résurrection et de « ressusciter ». Les verbes trouvés dans la Bible sont « vivifier » (zoopoiein), « se lever » (anistemi) et « s’éveiller » (egeirein). Ces verbes grecs appartiennent au vocabulaire de la vie de tous les jours contrairement au verbe ressusciter qui a un parfum de mystère et de sacré.

Heureusement que nous pouvons connaître parfois des retours à la vie après une grave difficulté, on parle alors de réanimation ou de résilience. Ce n’est pas de cela dont il est question dans cette notion traduite par le mot de « résurrection ». « Vivifier » parle d’une vie augmentée, une vie encore plus vivante. En effet, celui qui « se lève » était déjà vivant quand il était couché, mais en se levant il peut, en plus, se déplacer pour aller où il veut, il peut s’élever, découvrir, rencontrer, agir plus facilement. Quant à « être éveillé » c’est assez utile pour être créatif et libre. Telle est la résurrection.

L’apôtre Paul en parle comme étant à vivre durant notre vie en ce monde, comme une expérience que nous pouvons avoir déjà vécue (Colossiens 2:10) et que nous pouvons approfondir encore. La résurrection n’est donc pas principalement celle d’une espérance de vie après la mort (nous verrons bien en temps utile), elle est celle d’être encore plus vivant maintenant d’un souffle, d’un enthousiasme, d’une façon d’aimer, d’espérer et de découvrir.

Joyeuses Pâques aux chrétiens, Hag Pessah Sameah « חג שמח פסח » aux juifs, heureux printemps à chacune et chacun. En pensée et en action pour ceux qui souffrent.

par : pasteur Marc Pernot
(éditorial du bulletin de la paroisse)

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8 Commentaires

  1. coelacanthe dit :

    Bonjour,

    Je suis d’accord, mais je voudrais redire la même chose avec des mots qui me conviennent mieux, je n’emploierais pas pour ma part le terme de « malentendu » qui génère (chez moi en tout cas) une perception négative ou qui me paraît à son tour risquer d’engendrer un blocage ou un nouvel obstacle.

    En Luc 24:34 et Jean 12:1, c’est le verbe egeiro qui est utilisé pour exprimer ce qui est traduit en français par la ressurection de Jésus et celle de Lazare par Jésus.

    Pour ce verbe « egeiro » en grec, il faut plusieurs verbes en français pour le traduire ou bien utiliser un sens figuré ou étendu, car ressusciter au sens propre ne traduit qu’un des sens étendu du verbe grec : il existe plusieurs sens de base pour ce verbe comme se lever ou s’éveiller, et à partir de là plusieurs étendus : se réveiller, amener à la vie, se rétablir à partir d’un état endommagé voire de la mort. C’est se dernier sens qui correspond à ressusciter en français au sens propre. Mais en un sens figuré, ressusciter signifie aussi se remettre, se rétablir, faire preuve de résilience…

    Il y a donc une distribution différente des sens entre le français ressusciter et le grec egeiro, et là où il s’agit d’un sens étendu voire figuré en grec, il s’agit du sens propre en français, et réciproquement, avec cependant une absence des sens concrets en français (comme se lever).

    La prise de conscience de cette différence de sens entre le français et le grec peut alors être une invitation à entendre davantage les significations plus concrètes du grec, qui s’applique donc potentiellement dans davantage de contextes de la vie quotidienne, et non uniquement dans une perspective de survie espérée de l’âme ou de l’esprit quand le souffle de vie quitte définitivement le corps.

    1. Marc Pernot dit :

      Au sens propre, le verbe « egeiro » ne comprend pas l’idée de retour en grec. Ou très exceptionnellement, comme la construction du second temple sur les ruines du premier temple détruit.
      Mais il me semble qu’il y a malentendu sur le mot de résurrection surtout car c’est un mot forgé de toute pièces par les religieux alors que dans le Nouveau Testament c’est un mot du langage de tous les jours, par exemple quand il est écrit « Jésus se leva, et le suivit » (Matthieu 9:19), egeiro est traduit ici à juste titre par « se lever ». Ou pour l’avertissement « Il se lèvera de faux christs et de faux prophètes » (Matthieu 24:24).

      1. Turritopsis nutricula dit :

        Merci en tout cas d’avoir signalé ce point car je ne m’étais jamais posé la question avant la lecture de cet article.

        Voici la ressource que j’ai utilisé pour effectuer ma propre enquête :
        https://www.stepbible.org/?q=reference=John.12|version=SBLG|version=FreLou2&options=VHVN&display=INTERLEAVED
        Passer le curseur sur les mots en grec pour avoir accès à la traduction mot à mot avec les différents sens possibles.

        Luke 24:34
        (SBLG) λεγοντας οτι οντως ηγερθη ο κυριος και ωφθη Σιμωνι.
        (FreLou2) et qui leur dirent: «Le Seigneur est réellement ressuscité et il est apparu à Simon.»
        => ηγερθη, egeiro pour ressusciter, et il me semble qu’il s’agit bien du sens figuré ou étendu en grec, et du sens propre en français.

        John 12:1
        (SBLG) Ο ουν Ιησους προ εξ ημερων του πασχα ηλθεν εις Βηθανιαν, οπου ην Λαζαρος, ον ηγειρεν εκ νεκρων Ιησους.
        (FreLou2) Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où était Lazare qu’il avait ressuscité.
        => ηγειρεν, egeiro pour ressusciter, et il me semble qu’il s’agit bien ici également du sens figuré ou étendu en grec, et du sens propre en français.

        Je viens aussi de consulter le « Analytical Greek lexicon of the New Testament – Samuel Bagster and son » que l’on peut télécharger sur archive.org (libre de droits car publié il y a très longtemps) et ce lexique indique bien le sens de ressusciter pour egeiro sauf erreur de ma part.

        Amicalement,
        Turritopsis nutricula (rajeunissement éternel continu plutôt que résurrection discontinue dans son cas, il existe des animaux qui ressuscitent continuellement en un certain sens 😉 )

        1. Marc Pernot dit :

          Encore une fois, oui, les dictionnaires bibliques indiquent bien « ressusciter » comme traduction de « egeiro », c’est précisément là qu’est le malentendu. Vous avez mis le doigt sur le problème. On est alors entre la « traduction » et la « prédication » chrétienne, cherchant à injecter dans le texte un catéchisme qui a été conçu bien après lui.

          1. Coelacanthe dit :

            D’accord, merci, si je comprends bien vous suggérez de traduire ainsi les deux passages comme des éveils, des « redressements » ? :

            Luc 24:34
            (SBLG) λεγοντας οτι οντως ηγερθη ο κυριος και ωφθη Σιμωνι.
            (nouvel essai de traduction 1) et qui leur dirent: «Le Seigneur est réellement éveillé et il est apparu à Simon.»
            (nouvel essai de traduction 2) et qui leur dirent: «Le Seigneur est réellement levé et il est apparu à Simon.»

            et

            John 12:1
            (SBLG) Ο ουν Ιησους προ εξ ημερων του πασχα ηλθεν εις Βηθανιαν, οπου ην Λαζαρος, ον ηγειρεν εκ νεκρων Ιησους.
            (nouvel essai de traduction 1) Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où était Lazare qu’il avait fait s’éveiller.
            (nouvel essai de traduction 2) Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où était Lazare qu’il avait fait se lever.

            Mais qu’est-ce que cela apporterait selon vous de modifier ainsi la traduction ? Je ne sais pas si le sens devient plus clair ainsi ?

          2. Marc Pernot dit :

            Ce que cela apporterait à mon avis, comme indiqué plus haut,

            1. C’est que c’est plus fidèle au texte original, utilisant des verbes utilisés dan notre réalité quotidienne et non pas ce mot religieux inventé de toute pièce qu’est « ressusciter ».
            2. C’est que cela nous aide à nous ouvrir à cette puissance qui donne vie à notre vie, et à discerner des trace de résurrection dans le cheminement réel de notre existence, le récit devenant plus familier.
                = être levé et être éveillé, au passé : avoir été levé, avoir été mis sur pieds, avoir été éveillé. Au passif désignant discrètement Dieu comme acteur. Plus que se relever et se réveiller, qui laisse entendre un retour en arrière, et bien plus que ressusciter qui voile de mystère et de religiosité une réalité à vivre.
          3. Coelacanthe dit :

            Je ne sais pas si cela vous satisfera, mais voici ce qu’indique le dictionnaire des racines des langues européennes de R. Gransaignes d’Hauterives, Larousse 1948 à propos de ressusciter et de resurrection :
            – ressusciter : du latin resuscitare, faire revivre, avec resuscitare = re + suscitare = à nouveau + élever, où suscitare = sub + grec kineô mouvoir (qui a donné cinéma en français), de l’indo-européen kei mettre en mouvement, soit au final « mettre en mouvement à nouveau à partir du sol (ou du bas) » : s’élever à nouveau, être élevé à nouveau
            – résurrection : du latin surgere = sub + rigere, se dresser au sens de se diriger ou de s’ériger en droite ligne à partir du bas (ou du sol), de l’indo-européen reg, mouvement en droite ligne, soit au final « action de se redresser ou d’être redressé, de se dresser à nouveau, de se mettre debout ou d’être mis debout avec la capacité d’aller de nouveau en droite ligne »

            Dans les deux cas, l’étymologie fait écho très précisément au fait d’être mis en mouvement et de se relever ou d’être relevé.

            Ces racines latines sont plus anciennes que la rédaction du Nouveau Testament :
            delubra deum suscitare, élever un temple au dieu. Lucrèce, 5, 1166, 1er siècle avant Jésus Christ

            Au final c’est peut-être seulement l’usage qui aujourd’hui à une connotation plutôt religieuse implicite.
            Si on s’en tient purement aux deux étymologies latines, cela semble refléter assez bien le sens et l’usage pratique et courant du mot grec il me semble.

          4. Marc Pernot dit :

            Oui, bien sûr. Cela confirme ce que j’avançais : le mot ressusciter en français comprend une notion de retour, qui n’est pas dans le verbe grec d’origine. Donc non, les termes latins ne reflètent pas fidèlement le sens des verbes grecs. Au contraire. Seulement, ce sont certains lexiques de grec biblique qui intègrent a posteriori le sens du verbe « ressuscitare » dans leur proposition de traduction du grec, sens qui n’y était pas. Ni l’idée de retour, ni le côté religieux.

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