« Il faut qu’il y ait des divisions entre vous. » (1 Corinthiens 11:19)
Ces mots de l’apôtre Paul m’ont fait sursauter. Il s’adresse à une église secouée par des disputes qu’il cherche à pacifier. Si ces mots nous surprennent, c’est que nous avons plutôt tendance à chercher à établir un consensus entre nous pour éliminer les conflits. C’est indispensable, et pourtant si cela devenait pour nous un absolu, ce remède qui nous faisait du bien à juste dose deviendrait un poison. C’est là que ce petit morceau de verset est salutaire.
- «il faut », dans la Bible, cela signifie que c’est voulu par Dieu.
- « des divisions » : des choix différents que font les personnes.
- « entre vous » : dans la communauté, par conséquent, le fait que nous ayons des choix, des sensibilités, des opinions, des rythmes et des priorités différentes ne nous empêche pas de former une communauté, précisément.
Pourquoi est-ce que Dieu aurait donc voulu qu’il y ait des divisions entre nous ? Parce que nous avons des personnalités et des histoires différentes, cela fait partie de notre richesse que nous ayons des avis et des fonctionnements différents. Il y a des choses sur lesquelles il est bon de faire consensus, et il est tout aussi bon d’apprendre à avoir une belle façon de vivre le dissensus. C’est respecter l’autre personne et c’est se respecter soi-même.
Dissensus et consensus, les deux
Dans bien des récits bibliques quand une personne se présente devant une autre ou devant Dieu, elle dit « me voici » (en hébreu : hinneni). C’est se présenter à visage découvert devant l’autre avec dignité et respect. Dans la sincérité. Avec le courage de reconnaître notre fragilité à chacun : nous sommes seul de notre genre et nous avons besoin des autres, différents. Deux personnalités, deux histoires qui se rencontrent. Il est essentiel de vivre ainsi d’une belle façon le dissensus. Ensuite, dans un second temps nous pourrons chercher à trouver de vrais consensus sur quelques points, et enrichir notre propre point de vue, parfois.
Malgré cela, nous sommes plus à l’aise avec le consensus qu’avec le dissensus. Quand Paul nous dit que le dissensus fait partie de la volonté de Dieu cela nous encourage et cela nous invite à travailler dans la prière notre recherche d’être en paix avec les autres.
par : pasteur Marc Pernot
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Cher Marc,
Merci de ce beau texte et de ce verset qui est l’anti-tour de Babel, dans l’uniformité de la pensée.
J’ai écrit :
9 septembre 2023 : Il « faut » qu’il y ait des divisions entre vous (1 Cor. 11 : 19)
Jésus avait averti : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. » (Matt. 10 : 34)
L’apôtre Paul le dit si bien : « Mais lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible. « (Gal. 2 : 11)
Et Jésus ne se privait pas de faire des reproches à ses disciples : « Il leur dit encore: Vous ne comprenez pas cette parabole ? Comment donc comprendrez-vous toutes les paraboles ?» (Marc 4 : 13)
Jésus n’avait pas que des paroles « bisounounours » envers sa famille, ses disciples, y compris les scribes et les pharisiens qu’il traitait d’ hypocrites, « sépulcres blanchis pleins de pourriture à l’intérieur ».
Pour nous aussi, nous avons cette injonction de Matt. 18 : 15 et suiv. : « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. » Il ne s’agit pas de lui dire ses quatre vérités, mais sa parole de vérité dont le but est un chemin de vie autant pour soi-même que pour celle, celui qui nous a blessés. Et sans commérages derrière son dos.
A nous d’y méditer chacun pour soi-même : comment faire reproche, comme recevoir un reproche par une parole de vérité dite et qui porte un fruit de vie ?
Il y a aussi ces versets de 2 Cor. 3 : 14-18 qui m’ont beaucoup interrogée sur l’intégrisme religieux : « Mais ils sont devenus durs d’entendement. Car jusqu’à ce jour le même voile demeure quand, ils font la lecture de l’Ancien Testament, et il ne se lève pas, parce que c’est en Christ qu’il disparaît.… ». La loi et la grâce, un équilibre si difficile à trouver.
Epée qui différencie, épée qui casse la pensée unique, épée qui individualise, épée qui inscrit chacune et chacun de nous dans son individualité propre et son « ego divin » dans l’altérité à autrui et sa filiation au Dieu et Père.
Bien cordialement
Claire-Lise Rosset
Grand merci pour ces réflexions et versets.
Il peut arriver que notre vocation soit d’apporter la controverse, pas seulement de noter que les postions sont différentes. Cela demande un discernement particulièrement aiguisé afin que le remède que nous pensons devoir apporter ne soit pas pire que le mal que nous pensons avoir repéré…
Cela demande aussi une prière et un amour profonds
+1 pour 1-Corinthiens 😉
Je suis d’accord, il me paraît vraiment souhaitable d’éviter une théologie même idéale dont toutes les briques seraient imposés à chacun•e. Laissons chacun•e se construire sa propre mosaïque théologique ! Comme pour la tour de Babel effectivement : mieux vaut plusieurs projets d’humanité en plusieurs langues, avec une pluralité qui descend jusqu’à chaque personne, voire avec plusieurs avis possibles pour la même personne sur certains sujets majeurs… Même les manuscrits bibliques chrétiens semblent abonder en ce sens, avec de tellement nombreuses variantes textuelles pour chaque livre du Nouveau Testament, variantes qui pourtant au final racontent la même histoire. Les églises protestantes sont assez diverses de ce point de vue, mais plusieurs variantes possibles et intéressantes ne me semblent pas (encore ?) exister.
Avec l’espérance que la Foi en Dieu vivant et source d’Amour, d’être, de liberté, de vie et de mouvement, et le choix de la voie et de l’enseignement de Jésus Christ suffisent à donner la magie d’une coalition joyeuse malgré ses personnalismes nombreux.
Peut-être cette idée de 1-Corinthiens est-elle justement un des premiers points d’accord majeur !
cf aussi Luc 12:51-53 (// Matthieu 10:34-36) :
51« Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division.
52 Car désormais, s’il y a cinq personnes dans une maison, elles seront divisées : trois contre deux et deux contre trois.
53 On se divisera père contre fils et fils contre père, mère contre fille et fille contre mère, belle-mère contre belle-fille et belle-fille contre belle-mère. »
(je confirme pour les divisions intrafamiliales, d’ailleurs on peut ajouter : fils contre mère…).
Mais Paul dans 1-Corinthiens 11 ne dit pas que la division vient de Jésus Christ, mais qu’elle est une épreuve pour faire émerger des positions qui résistent justement à l’épreuve de cette division.
Et Paul dit d’ailleurs cela avant de rappeler la distinction entre nourriture d’Église, communautaire, et nourriture privée : « chacun se hâte de prendre son dîner, de sorte que l’un a faim tandis que l’autre est ivre. N’avez vous pas des maisons pour manger et boire ? » Peut-être ceci peut-il être transposé à la nourriture spirituelle venant de l’étude de la Bible ? En tout cas Paul continue ce chapitre avec la transmission de l’eucharistie, ce qui en fait un passage parallèle de la Cène dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc.
En revanche Paul insiste également dans cette même épître sur certaines divisions à éviter, de l’ordre de la dispute :
1-Corinthiens 1:11-13 :
10 Mais je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ : soyez tous d’accord, et qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée.
11 En effet, mes frères, les gens de Chloé m’ont appris qu’il y a des discordes parmi vous.
12 Je m’explique ; chacun de vous parle ainsi : « Moi j’appartiens à Paul. – Moi à Apollos. – Moi à Céphas. – Moi à Christ. »
13 Le Christ est-il divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ?
=> Comment concilier ces apparentes contradictions entre d’une part (Luc 12:51-53, Matthieu 10:34-36, 1-Corinthiens 11) : la division est nécessaire pour faire émerger de nouvelles positions meilleures, voire voulue, apportée par Jésus Christ ; et d’autre part 1-Corinthiens 1, 2, 3 : éviter la division et rechercher l’unité ?
Sur certains sujets, le consensus serait donc souhaitable plutôt que la division, il existe bien sûr des sujets de type adiaphora (laissés au libre choix, souvent en matière de liturgie, de rites particuliers…), et il existerait des sujets majeurs où la division est structurellement peut-être pas souhaitable mais dans la pratique inévitable ? Mais est-ce toujours les mêmes sujets qui seront des sujets de convergence ? Probablement pas selon les Églises et les personnes entre lesquelles les divergences apparaissent, ainsi que selon les lieux et les époques.
Effectivement, consensus et dissensus partiels continueront d’aller souvent de pair…
Pour ma part, j’apprécie la discussion et le débat, j’essaye même parfois de proposer plusieurs solutions, options, de faire une mini auto-dialectique (thèse, antithèse, synthèse), pas de souci donc si quelqu’un voulait discuter, exprimer son désaccord… Je suis conscient en revanche que les débats peuvent durer longtemps s’ils commencent, sans forcément déboucher de façon « rentable » en terme de temps d’écriture et de lecture sur des résultats rapides et concrets et intéressants, et qu’il vaut donc mieux dans la pratique souvent laisser la place au flux de nouveaux articles, par choix de construction des articles et du site. Je prévois pour ma part en tout cas d’essayer de m’auto-réguler dans les allers-retours si jamais retour il y avait, à juste un exposé de quelques points ou précisions essentiels avant un passage à un autre article.
Johnas