Zachée : vivre mieux encore (Luc 19:1-10)
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Podcast de la prédication / Podcast du culte
(Voir le texte biblique ci-dessous)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 15 mai 2022,
par : pasteur Marc Pernot
L’épisode avec Zachée est un des plus connus de la Bible. L’histoire est assez rigolote avec ce petit monsieur qui grimpe dans un arbre afin d’arriver à voir Jésus.
La Bible est remplie de petites histoires toutes simples qui offrent à son lecteur une grande richesse de questionnement et de sens. Cela a fait le succès de la Bible, elle est devenue le texte le plus diffusé, le plus lu et le plus étudié du monde.
Zachée un homme juste, injustement méprisé
Si l’on regarde de près le texte, ce Zachée est formidable. Il est riche, il a un haut poste, il est honnête et même très généreux, il est intelligent, il sait se rendre disponible à ce qui lui arrive de bien. Il sait grimper aux arbres ce qui montre qu’il est agile et en forme physiquement.
Cela aurait largement de quoi satisfaire l’ambition d’une personne. Zachée ne se laisse pas prendre par cela. Il a une autre excellente qualité, une autre grandeur, fondamentale : malgré ses succès, il se reconnaît comme petit et il espère donc s’élever dans un domaine essentiel : dans sa qualité d’être.
C’est le sujet de ce récit. Dont voici probablement le point le plus utile pour nous : Ah que c’est bon, que c’est agréable de chercher à grandir dans notre qualité d’être. Cela nous permet de tirer le meilleur de ce que nous sommes et de ce que nous vivons.
Zachée est présenté littéralement comme un homme bien. Son nom même, « Zachée », évoque en hébreu la pureté et l’éclat de la neige !
Pourtant, si vous avez déjà entendu parler de cette histoire, vous avez peut-être entendu des commentaires disant que Zachée aurait fait sa fortune grâce à sa malhonnêteté, que c’est pour cela que les gens ne l’aimaient pas. Et que grâce à sa rencontre avec Jésus il aurait décidé d’être honnête. Cette explication est étrange car le texte dit l’inverse : que l’honnêteté de Zachée était pour lui habituelle même avant de rencontrer Jésus (les verbes sont au présent et non au futur). Le texte explique que s’il arrive à Zachée de faire le moindre tort à une personne il rembourse quatre fois ce qu’il a fait perdre. Ce qui était normal car c’est ce que suggère la Loi de Moïse (Exode 22:1), Zachée était donc déjà un homme juste. Le texte dit qu’il est même mieux que cela : il est incroyablement généreux, donnant bien au delà de la simple aumône demandée par la Torah.
C’est la foule qui calomnie Zachée, le traitant de pécheur et accusant Jésus d’être une mauvaise personne car il fréquente ce genre de mauvaises personnes. Il arrive que la foule soit ainsi méchante, et même injustement méchante, calomniant un homme bon comme Zachée, et un homme très bon comme Jésus. Cela existe depuis toujours dans toute société humaine, et cela ne s’est pas arrangé avec l’arrivée de l’imprimerie, puis d’internet et des réseaux sociaux. Jésus s’insurge contre l’attitude de cette foule, il rappelle que la personne injuriée est notre frère ou notre sœur, cela pourrait être nous-même, cette personne maltraitée.
Pourquoi est-ce que la foule se retourne contre Zachée ? L’histoire ne le dit pas, mais nous connaissons un peu la vie : Peut-être que certains ont cherché à se rendre plus importants en écrasant quelqu’un d’autre ? Peut-être que c’est par jalousie de la richesse de Zachée et de son poste élevé dans la société ? La jalousie peut engendrer ce type de mauvaise attitude à des personnes qui ne réfléchissent pas. Il y avait aussi des préjugés contre les péagers. Les préjugés sont toujours idiots : il existait des péagers qui volaient l’argent des pauvres gens, il en existait aussi manifestement qui étaient honnêtes. Zachée est non seulement honnête mais très généreux.
Je trouve donc choquant que des commentateurs salissent ainsi le personnage de Zachée en reprenant les calomnies de la foule, malgré le reste du texte.
Zachée un homme qui veut vivre plus haut.
Zachée est donc un homme qui a réussi et à qui la chance à souri. Tant mieux pour lui. Il aurait pu s’en contenter. Cela aurait été petit. Zachée nous indique un chemin qui est une excellente idée pour chaque personne, je pense : il cherche à grandir dans sa qualité d’être. Cela commence par reconnaître qu’en ce domaine on est petit, et d’espérer progresser.
Quel est le chemin proposé par Zachée pour développer cela ?
Le 1er point est qu’il veut voir Jésus. Il a dû en entendre parler en bien. La foule n’est pas toujours méchante, de la foule nous viennent aussi de bonnes idées. Il faut donc examiner par soi-même ce que l’on entend, rejeter les mauvaises choses et retenir de bonnes pistes à explorer. C’est ce que fait Zachée, il a décidé de chercher Jésus, juste pour voir. De le voir de ses propres yeux. De le voir par dessus ce qu’en dit la rumeur. Passer ainsi au dessus des mauvais côtés de l’humanité, et passer par dessus les bons témoignages afin d’aller à la source, de chercher à voir par soi-même.
Pour cela, Zachée grimpe dans un sycomore (c’est une sorte de figuier sauvage). Le figuier évoque l’étude de la Bible pour les rabbins de cette époque et dans les évangiles. Zachée n’est pas théologien, sa lecture de la Bible est peut-être un peu sauvage. Et bien : cela suffit déjà à Zachée pour s’élever. Le 2ème point est ici une recherche intellectuelle, à notre façon, à notre niveau : s’interroger sur Dieu et ainsi sur la source de la vie bonne.
Après un petit temps de patience de Zachée dans son sycomore, Jésus passe et le contact direct se fait, leurs regards se croisent et Jésus s’adresse personnellement à lui. C’est plus que ce qu’espérait Zachée, il était juste venu pour voir. Le 3ème point est l’expérience mystique, ou au moins l’expérience que ce que l’on a trouvé par notre recherche dans les textes nous rejoint, nous touche. Est-ce le but de notre cherche ? Non, ce n’est que le milieu du chemin.
Bizarrement, pour s’élever encore dans la qualité d’être, Jésus lui demande alors de descendre de son perchoir pour le recevoir chez lui. Il s’agit que nos recherches intellectuelles ne restent pas seulement de belles idées, que notre foi ne demeure pas seulement une belle émotion, que tout cela redescende sur terre. C’est le 4ème point. Que notre élévation s’infuse dans notre vie quotidienne, qu’elle s’incarne.
C’est comme cela que Zachée reçoit Jésus chez lui, et que nous pouvons accueillir le Christ. C’est avoir en soi quelque chose de cette puissance de vie. Ce n’est pas seulement entendre rapporter ses paroles par la Bible comme Zachée a entendu parler de Jésus : ça, c’est ce qui nous a mis en route. Ce n’est pas seulement s’élever par l’intelligence philosophique et théologique comme Zachée grimpant dans le sycomore. Ce n’est pas seulement le bénéfice de la prière comme Zachée croisant le regard de Jésus. C’est plus que cela : c’est recevoir en soi une force d’un autre ordre. Une source qui sauve le meilleur qui est en l’humain, telle est la puissance et l’objectif que Jésus exprime ici.
Rendez-vous à Jéricho
C’est pourquoi l’Evangile nous dit que cela se passe à Jéricho. Cette rencontre dont Luc nous parle ici a pu historiquement se passer ailleurs, peu importe. Si Luc précise un lieu c’est pour nous aider à comprendre l’enjeu qu’a pour nous ce qui est raconté. Luc parle de Jéricho. Cette ville est bien connue dans la Bible comme le point d’entrée du peuple hébreu en terre promise par Dieu, figure de la vie en abondance que Dieu espère pour tous. Jéricho est pour les hébreux l’ultime porte à franchir après leur libération de l’esclavage, après leur marche avec la Parole dans le désert. Zachée vit ce jour-là son Jéricho : son entrée spirituelle dans la vie où « ruisselle le lait et le miel » (Exode 3:8), le lait qui fait grandir et le miel qui nous donne des forces et nous réjouit de sa douceur.
Nous avons nous-même rendez-vous à Jéricho :
- Cette histoire nous dit que Jésus est déjà en marche vers notre Jéricho afin de chercher et de sauver le meilleur qui est en nous.
- D’un autre côté nous voici en train d’étudier la Bible et de prier, comme on grimpe dans un figuier.
À vous d’écrire la suite de l’histoire.
Amen.
Textes de la Bible
Évangile selon Luc 19:1-10
1Jésus entra dans Jéricho et traversa la ville. 2Et voici qu’un homme appelé du nom de Zachée qui était chef des péagers et qui était riche 3cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas, à cause de la foule, car il était de petite taille.
4Il courut en avant et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu’il devait passer par là.
5Lorsque Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et lui dit : Zachée, hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison.
6Zachée se hâta de descendre et le reçut avec joie.
7En voyant cela, tous murmuraient en disant : Il est entré loger chez un homme pécheur.
8Mais Zachée, debout, dit au Seigneur : Voici, Seigneur : Je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j’ai extorqué une somme à quelqu’un, je lui rends le quadruple.
9Jésus lui dit alors : Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un enfant d’Abraham. 10Car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
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Bonjour,
Nous sommes deux laïques chargées d’un groupe « Evangile du dimanche » dans une paroisse rurale catholique. Nous avons été enthousiasmées par l’interprétation de Luc 19, 1-10 du Pasteur Pernot. Nous avons inventorié les traductions de la Bible. Un nombre non négligeable ne respecte pas le didomi ou apodidomi, verbes grec au présent ! Ils font précéder ces verbes par « je vais » , mettent un futur ou ajoutent « dorénavant ». Conditionnées depuis toujours par ce genre de traduction, notre surprise est totale ! Merci de nous avoir ouvert les yeux.
Nous sommes conquises par cette lecture mais nous nous posons une question. Comment dans cette perspective d’un Zachée qui a toujours été généreux et droit, interpréter les versets 9 et 10 ? Nous les avons toujours lus comme la conclusion de Jésus témoin d’une conversion de Zachée. En adoptant cette lecture, qu’est-ce qui était perdu ? Pourquoi le salut vient-il « aujourd’hui » puisque Zachée pratiquais déjà la générosité et la droiture auparavant ?
Respectueusement.
Nicole et Odile
Chères mesdames
Grand merci pour ces encouragements formidables.
Je vais réfléchir à la question, mais cela va me demander quelques jours car je suis actuellement assez pris par de joyeuses et intéressantes rencontres, mais assez pris quand même…
Bravo de lire et creuser les Ecritures
Merci pour votre patience.
Bravo de creuser les écritures, de vous poser des questions, c’est très fécond. L’Evangile du dimanche devient alors un Evangile qui fait vivre, qui fait cheminer, qui nous ouvre à cette Parole que Dieu espère tant nous souffler.
Le salut n’est pas seulement une question de moralité, c’est à dire de comportement avec les autres.
C’est vrai qu’il est très utile et bon de se comporter avec honnêteté et générosité. C’est à encourager.
Et pourtant, ce n’est pas cela que Jésus nous présente comme l’essentiel dans son Evangile : c’est d’aimer Dieu de tout son être, et d’aimer son prochain comme soi-même (Luc 10). Il y a une nuance essentielle entre servir avec grande générosité et aimer.
C’est ce que remarque l’apôtre Paul dans son fameux hymne à l’amour :
Et effectivement :
Ce n’est pas dit. Et si ce n’est pas dit c’est que la question est ouverte, et utilement ouverte pour nous questionner, nous, lecteur, sur ce que nosu faisons : sommes nous juste ? Généreux ? Et si oui pourquoi le faisons nous ? Par amour pour l’autre ?
En tout cas Zachée tient à dire à Jésus son comportement, pourquoi le fait-il ? Ce n’est, là non plus, pas dit.
La réponse de Jésus manifeste que de toute façon va chez toute personne, chez les personnes de mauvaises réputation comme il va dans la maison d’un responsable pharisien sarcastique. Car la promesse faite par Dieu à Abraham est que tous seront bénis. Que tous sont pécheurs et qu’en Christ le salut entre dans chaque maison, chercher ce qui est perdu, peut-être le cœur angoissé de Zachée sur son salut ? Peut-être qu’avec ce geste le salut entre dans cette maison où s’est glissé quelques mauvaises langues pleines de préjugés haineux, leur apprenant à ne pas juger leur frère et à se réjouir plutôt que le salut vienne pour chacune et chacun ?
Dieu vous bénit et vous accompagne
Un grand merci pour votre réponse qui me ravie.
Quelle révolution de sortir du Zachée converti modèle !
Je pense également que ce texte est plus spirituel que moral. Les mots forts : chercher, demeurer, voir et même maison qui se répètent deux fois l’attestent.
Mille mercis pour votre homélie et votre réponse !
Fraternellement.
Bien vu ! Ces mots forts donnent une indication.
Bonjour cher pasteur Marc Pernot,
En espérant que vous vous portez bien, je me permets de vous écrire pour vous poser une question.
Il y a quelques jours, je suis tombée sur cette prédication . Votre lecture m’a beaucoup interpellée, et j’aimerai bien savoir quelles sont vos sources pour affirmer que la fameuse réplique de Zachée est au présent.
En vous remerciant de l’attention donnée à mon courriel, je vous salue cordialement.
Chère Florence
Merci pour l’intérêt que vous portez à cette prédication. C’est un honneur. Il peut m’arriver de me tromper, en tout cas c’est toujours de bonne foi. Mais ici, je pense qu’il est exact que dans cette histoire « l’honnêteté de Zachée était pour lui habituelle même avant de rencontrer Jésus (les verbes sont au présent et non au futur). »
Quelles sont mes sources ? le texte grec de l’Évangile. Pour être pasteur on est supposé maîtriser suffisamment par soi-même l’hébreu biblique et le grec biblique. C’est bien la moindre des choses puisque l’étude de la Bible est la base de la mission du pasteur, et que les textes bibliques sont soit en hébreu, soit en grec.
Pour une personne qui désire étudier la Bible d’un peu plus près, il est néanmoins possible d’avoir de se pencher sur les textes originaux sans connaître le grec et l’hébreu grâce aux outils bibliques modernes sur le téléphone ou sur l’ordinateur. Par exemple avec l’application « Online Bible », on peut chercher le passage l’on veut, afficher les « numéros Strong », pour un verbe on a alors deux numéros, le premier donne le verbe grec ou hébreu (ce qui permet ensuite de voir où ce mot grec se retrouve dans l’ensemble de la Bible, et donc de mieux saisir ses divers sens), le second numéro est le temps du verbe (ce n’est sont pas tout à fait les mêmes temps qu’en français, cela demande de se pencher un petit peu dessus, mais ce n’est pas une longue étude). Pour ces fameux verbes qui vous intéresses, ils sont donc au présent, en Luc 18:8 « je donne <1325> (5719) aux pauvres » le numéro 5719 signifie que le verbe didomi est à l’indicatif présent actif.
D’ailleurs, les traductions moderne et rigoureuses de la NBS et de la TOB traduisent bien ce verbe au présent de l’indicatif, mais c’est vrai que les traductions sont parfois pas exactes exactes.
Dieu vous bénit et vous accompagne