
Un ange pour nous fortifier (Évangile selon Luc 22:39-46)
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Podcast audio de la prédication / Podcast audio du culte
(Voir le texte biblique ci-dessous)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 23 mars 2025,
par : le professeur Michel Grandjean
Verbatim de la Prédication
Je le sais bien : nous ne célébrerons la fête de Pâques que dans 4 semaines, le 20 avril. Ainsi en a décidé cette année la pleine lune. Mais, dans la période qui nous conduit à Vendredi saint et à Pâques, il est bon, je le crois, de s’arrêter sur des textes fondamentaux de l’Évangile. Celui sur lequel nous allons nous pencher aujourd’hui est de ceux que d’habitude on n’entend que lors de la Semaine sainte.
Commençons par une question simple : qu’est-ce qu’un évangile ? Vous allez me dire qu’un évangile, c’est un recueil avec des récits où l’on parle de Jésus et qu’on trouve dans le Nouveau Testament. Vous n’êtes pas très loin de la vérité, mais si vous regardez par exemple l’épître que Paul écrit aux Romains, il n’arrête pas de parler de Jésus, et pourtant l’épître aux Romains, ça n’est pas un évangile. Ce qu’on appelle précisément en évangile, c’est un texte dans lequel, d’une part, on rend compte des paroles et des actions de Jésus, et, d’autre part, on présente la passion et la résurrection, et cette seconde partie est très importante. Voyez dans l’évangile de Marc, le plus court, qui fait à peine 16 chapitres, les 3 derniers qui sont aussi les plus longs, concernent les derniers jours de la vie de Jésus, et dans l’évangile de Jean qui fait, vous pourrez le vérifier, 21 chapitres, les 4 derniers portent sur l’arrestation, la condamnation, la crucifixion et la résurrection de Jésus, c’est dire que ces textes en particulier de la passion sont au cœur de l’Évangile et qu’il vaut la peine, je le crois, de les lire et de les méditer pas seulement lors de la Semaine sainte qui passe d’ailleurs si vite qu’on n’a jamais le temps de s’arrêter sur l’ensemble de ces trois ou quatre chapitres vers lesquels nous conduisent les évangiles.
Aujourd’hui, nous sommes avec Jésus au mont des Oliviers. C’est un texte qui présente un certain nombre de difficultés, et la première, qui n’est pas la moindre, c’est de savoir quel est précisément ce texte, car il y a deux versets qui, tout à l’heure peut-être, vous ont fait tiquer et qui sont bizarres. Je les relis ici : « Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. Pris d’angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre. » Avouez que tout à l’heure, quand vous avez entendu ça, vous vous êtes dit : c’est un peu bizarre, et cette réaction a été tellement souvent partagée dès le 2ᵉ siècle, que bon nombre de manuscrits de l’Évangile de Luc ont tout simplement omis ces deux versets. Je le dis parce que nous sommes dans la paroisse de Cologny-Vandœuvres-Choulex : l’un des papyrus les plus précieux de l’Évangile de Luc, que les spécialistes connaissent sous le petit nom de p75, ce papyrus se trouve à la fondation Bodmer et il est très important. Quand le P75 vous dit quelque chose, on fait gaffe. Eh bien, il se trouve que, dans le P75, vous pourrez aller vérifier à la fondation, ces deux versets sont absents et cela pose un gros problème. Comment parler d’un texte si l’on ne sait pas quels en sont exactement les contours ? Les savants parlent à cet égard de critique textuelle. Il faut commencer par établir le texte sur lequel on va parler, et en l’occurrence, on a toute raison de penser que ces versets, Luc l’Évangéliste les a trouvés dans une source qu’il a utilisée, et ce n’était pas l’Évangile de Marc. La circonstance est que, par la suite, certains se sont dit que c’était tout de même un peu déplacé de présenter un Jésus rempli d’angoisse, parce qu’après tout, Jésus, c’est le Logos éternel de Dieu, c’est le maître du monde, Jésus ne devrait pas être angoissé. On peut fort bien imaginer que des scribes pieux se soient dit que ces versets faisaient un peu désordre et qu’il valait mieux les laisser de côté. La raison nous pousse à croire au contraire que ces versets appartiennent bel et bien à l’Évangile et nous allons tout à l’heure y revenir.
Reprenons notre texte. Jésus sortit et se rendit comme d’habitude au mont des Oliviers. Quelques pages plus haut, Luc nous avait dit que Jésus, depuis qu’il était entré à Jérusalem, passait ses journées à enseigner au temple et que, la nuit venue, il se rendait avec ses disciples au mont des Oliviers pour y dormir. Il le fait donc comme d’habitude, c’est une chose qui est tout à fait normale, sauf que ce soir-là, Jésus ne s’apprête pas à dormir ; à l’inverse, il dit à ses disciples qu’il va s’agir de prier pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation. Impossible de ne pas voir ici les échos de cette prière de Jésus que nous dirons tout à l’heure, « ne nous laisse pas entrer en tentation. » Jésus incite ses propres disciples à prier par ces mots et lui aussi prie pour échapper à la tentation : le Christ s’adresse à Dieu. Écoutons-le encore : « Père, dit-il, si tu veux écarter de moi cette coupe, pourtant que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se réalise. » C’est la passion qui commence : cette souffrance qui attend le Christ, cette mort à laquelle il va succomber, et alors là, on le voit, la passion n’est pas du théâtre, impossible de redire comme le font certains enfants qu’après tout Jésus savait bien qu’il allait ressusciter et que, somme toute, la crucifixion n’était qu’un mauvais moment à passer. Ce n’est pas du tout comme ça que Jésus voit les choses : il est pétri d’angoisse de ce qui va survenir, alors c’est vrai, on a tendance à préférer d’autres lectures de Jésus, par exemple celle qu’on trouve dans l’Évangile de Jean quand Jésus dit dans une prière « mon âme est troublé mais c’est précisément pour cette heure que je suis venu » : alors là on voit un Jésus courageux, vaillant, intrépide : certes mon âme est troublée, mais c’est pour ça que je suis venu, j’ai la conviction que ces mots sont plutôt ceux qui expriment la foi des disciples, la foi des disciples en un Jésus fort, en un Jésus créateur du monde et que les mots de l’Évangile de Luc sont plus proches de la réalité historique de Jésus qui a peur de mourir, et c’est ici précisément qu’il y a ces deux versets bizarres, ces versets qui ne se trouvent pas à la Fondation Bodmer dans le papyrus 75 mais qui pourtant, je le crois, font partie intégrante de l’Évangile de Luc « alors lui apparut du ciel en ange qui le fortifiait, pris d’angoisse il priait plus instamment et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombait à terre. » Ce passage nous fournit aujourd’hui deux leçons.
La première, c’est que l’angoisse est légitime : nous pouvons avoir peur de la mort, nous pouvons avoir peur de la souffrance, et nous n’avons pas à avoir honte d’être angoissé, nous n’avons pas à avoir honte d’avoir peur. Jésus lui-même connaissait cette angoisse.
La deuxième leçon, c’est qu’au cœur de cette angoisse, Dieu vient nous secourir. « Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. » Mais le secours de Dieu ne prend pas toujours les contours qu’on aurait imaginés. D’ailleurs, ici, vous le voyez bien dans ce texte, les choses sont des plus bizarres : on aurait pu imaginer que Jésus est en angoisse et que, voyant cette angoisse, Dieu lui envoie un ange pour le réconforter, mais vous l’avez entendu, c’est exactement l’inverse. Dieu envoie un ange pour réconforter Jésus, et ensuite on nous dit que Jésus est plein d’angoisse, c’est-à-dire qu’au cœur de cette angoisse nous sommes secourus de Dieu. C’est-à-dire aussi que ce secours de Dieu ne fait pas disparaître, comme par un coup de baguette magique, l’angoisse qui nous étreint.
Cette angoisse fait partie de la nature humaine. Cette angoisse est légitime et nous n’avons pas à faire les fiers-à-bras en disant « nous, nous sommes chrétiens, nous sommes promis au ciel, donc n’ayons pas peur ici-bas, notre vie connaît la souffrance, la nôtre propre ou celle des gens qui nous sont chers ». Notre vie connaît la mort, celle de gens qui nous sont chers et la nôtre qui nous attend. Et, bien au cœur de cette angoisse qui est parfaitement légitime et que nous n’avons pas à dissimuler, nous savons que Dieu envoie un ange pour nous secourir.
La suite du récit, vous l’avez entendue, tourne court. Jésus réveille ses disciples, mais il les en guirlande en disant : « Maintenant, levez-vous, puisque vous n’êtes pas capables de prier sans vous mettre à roupiller, levez-vous et priez. » Mais cette prière va être aussitôt interrompue, parce qu’arrive une cohorte de soldats avec Judas pour arrêter Jésus, et la suite de l’histoire nous conduira jusqu’à Pilate et jusqu’à Golgotha. Ce texte, les interprètes ont compris depuis longtemps qu’il occupe dans l’Évangile de Luc une place fondamentale.
On connaît bien, au début de l’Évangile, le récit des tentations. Jésus est au désert et le diable le tente par trois fois, et l’on a bien compris que ce récit des tentations est ce qui va permettre ensuite le ministère de Jésus, sa prédication, ses rencontres, ses guérisons, ses miracles. De la même façon, ici, nous avons affaire à un récit de tentations qui va ouvrir vers la Passion du Christ.
Ce que cette prière au mont des Oliviers nous laisse, c’est d’abord cette immense proximité de Jésus dans la souffrance. Quand nous souffrons, nous pouvons savoir que Jésus est avec nous, parce qu’il sait de quoi il retourne, et Jésus, comme nous, sait que le secours de Dieu, ça n’est pas cette baguette magique qui aplanit d’un coup toutes les difficultés. L’ange vient fortifier Jésus et Jésus est rempli d’angoisse. La souffrance, ni la mort, ne nous sont épargnées ici-bas, mais nous avons une promesse : le Christ est avec nous et il sait ce que sont la souffrance et la mort, et nous savons aussi que Dieu nous enverra toujours, quand il le faudra, un ange pour nous fortifier.
Amen
professeur Michel Grandjean
(ceci est une simple transcription d’une parole orale, en l’état)
Textes de la Bible
Évangile selon Luc 22:39-46 (Jésus au mont des Oliviers)
39Il sortit et se rendit comme d’habitude au mont des Oliviers, et les disciples le suivirent. 40Arrivé sur place, il leur dit : « Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation. » 41Et lui s’éloigna d’eux à peu près à la distance d’un jet de pierre ; s’étant mis à genoux, il priait, disant : 42« Père, si tu veux écarter de moi cette coupe… Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! » 43Alors lui apparut du ciel un ange qui le fortifiait. 44Pris d’angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des caillots de sang qui tombaient à terre. 45Quand, après cette prière, il se releva et vint vers les disciples, il les trouva endormis de tristesse. 46Il leur dit : « Quoi ! Vous dormez ! Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ! »
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Cher Marc,
Je vous remercie de cette prédication du Prof Michel Grandjean. En l’écoutant hier après-midi, j’avais l’impression de m’immerger dans l’angoisse du Christ lors de cette scène au Mont des Oliviers. C’est assez vertigineux de réaliser que Dieu envoie un ange pour fortifier son Fils avant que son vrai combat ne débute.
Et pour nous aussi, dans nos angoisses humaines, nous avons tant besoin de la force divine pour mener nos combats pour la justice, pour la paix, pour la joie – y compris dans l’épreuve -, car on a chacune et chacun nos anges qui nous fortifient dans nos circonstances du moment.
Dieu en soit loué !
Petit détail, il manque quelques mots à la fin de l’avant dernier paragraphe : « affaire à un récit de tentation qui va ouvrir vers la passion de Christ.»
Merci beaucoup. Bien vu. J’ai pu corriger grâce à vous.