Toute personne qui tombe a des ailes…
Je croise un poème de Ingeborg Bachmann comprenant cette phrase célèbre et j’y reconnais un éclat d’Évangile.
À la sortie des années terribles du nazisme, cherchant à penser le monde à nouveau, en philosophe, en poétesse et en lectrice de Simone Weil, Ingeborg Bachmann écrit :
Qu’il est beau le temps où germe de la datte le noyau !
Toute personne qui tombe a des ailes.
Cela me semble faire écho à l’Évangile. Il y a dans ces vers une intuition, et probablement une expérience de résurrection possible, résurrection au sens de « résilience », au sens d’ouverture sur un nouvel avenir possible pour toute personne, dans toute situation, et pour notre monde.
Rien de plus sec et dur qu’un noyau de datte, comme mort et désespérant. Il arrive que notre moral et notre vie soient un petit peu comme ce noyau de datte ? La poétesse nous glisse à l’oreille cette idée subversive : tout noyau de datte a en lui une capacité à germer. Et quand cela arrive, c’est une joie plus grande encore que quand la date était sucrée et bien juteuse. C’est parfois une image aussi simple qui, nous revenant en tête, va pouvoir briser la fermeture que nous pensions sans issue. Et ce temps dur devient déjà un temps de germination d’une vie.
Si nous nous sentons tomber sans rien pour nous retenir, nous pourrons aussi nous souvenir de ce vers célèbre, car il a aidé bien des personnes : « Toute personne qui tombe a des ailes ! » Nous sommes un ange, en réalité, avec des ailes. Nous ne sommes pas seulement un corps pesant, nous sommes aussi du ciel puisque nous avons des ailes, retournant la fatalité et porteur de Bonne Nouvelle, comme un ange. Et quand nos ailes ne suffiraient pas à nous porter, nous avons des amours qui nous tiennent, au moins celui de Dieu.
Nous retrouvons cette figure aérienne dans un de ses autres poèmes qui reprend, lui, explicitement la Bible avec cette histoire du déluge : l’humanité violente que certains pensaient punie par un Dieu violent qui se révèle être en réalité source de vie et de bénédiction. C’est ce que révèle la colombe qui revient vers les naufragés :
« Après ce déluge,
je voudrais voir la colombe,
et rien que la colombe,
sauvée une fois de plus.
Je me noierais dans cette mer !
Si elle ne s’envolait pas,
ne publiait pas une feuille sur la situation,
à la dernière minute. »
La poétesse choisit de se concentrer sur la colombe apportant dans son bec une feuille d’olivier, comme si en première page des nouvelles était publiée la réalité : un avenir de bénédiction renouvelée. Nous pouvons voir la colombe revenir vers nous. Nous pouvons même être parfois une colombe pour d’autres, puisque nous avons en réalité des ailes.
par : pasteur Marc Pernot
(éditorial du bulletin de la paroisse)
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