Marc Pernot le Vendredi Saint 2025
Prédication

Pourquoi Jésus a-t-il été crucifié ? Qu’est-ce que cela peut nous apporter ? (Marc 12:1-12 ; Romains 5:6-11)

Une simple erreur de traduction a fait penser que Jésus aurait donén sa vie en rençon pour nous libérer. Or, payer pour la libération d’un esclave est une coutume grecque. Chez les hébreux les esclaves sont libérés par grâce. Jésus est mort pour manifester la grâce.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 2025,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Non pas une rançon, mais une libération.

Une funeste erreur de traduction, due à la différence de culture entre les Hébreux et les Grecs, une simple erreur de traduction est à la base d’un malentendu sur le salut que le Christ nous a apporté.

Dans nos traductions des évangiles, il est écrit : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Marc 10:45)

Ce verset est essentiel car il concentre le sens même de la mission du Christ (LE Fils de l’homme) pour sauver la multitude des individus.

Le Christ « est venu pour servir » : c’est donc le premier point, essentiel, et voici le second : « pour donner sa vie en rançon pour une multitude. » C’est là que cela devient délicat. Cette traduction du grec vers le français « donner sa vie en rançon » est effectivement exacte littéralement, car le mot grec λύτρον utilisé ici signifie effectivement en grec le prix du rachat d’un esclave dans la société grecque. C’était la coutume grecque : pour devenir libre, l’esclave devait arriver à payer une somme supérieure à sa valeur marchande. C’était très différent dans la société hébraïque : l’esclave hébreu était automatiquement affranchi au bout de 6 ans de travail, sans rien payer, nous dit la Bible (Exode 21:2). C’est aussi le cas quand l’Éternel affranchit les Hébreux de leur esclavage en Égypte : c’est « par grâce » nous dit la Bible, sans rien payer, ni à Dieu, ni au pharaon qui tenait les hébreux en esclavage. Affranchir, dans ce contexte, c’est libérer, c’est faire grâce, ce n’est pas payer une rançon.

Par conséquent, plutôt que « donner sa vie en rançon », nous pouvons comprendre « donner sa vie pour libérer » la personne humaine. Servir et libérer par grâce, tels sont les deux grandes missions du Christ. Libérer de quoi ? De nos chaînes intérieures, du péché, de la mort, de la peur de Dieu, de l’aliénation, du carcan des religions… C’est en nous que Dieu va opérer cette libération.

Quel idée de Dieu nous donne le Christ ?

Imaginer que Dieu aurait eu besoin du versement comme rançon de la souffrance et de la mort de Jésus est donc une régression par rapport à la théologie du livre de l’Exode. La Pâque juive célèbre depuis toujours le fait que Dieu affranchit son peuple par grâce, parce qu’il aime nous voir libres, en marche et rayonnants. Telle est la justice de Dieu : elle consiste à nous venir en aide, même quand nous sommes pécheurs. Telle est la justice de Dieu : ce n’est rien d’autre que son amour pour nous, comme un père ou une mère pour son enfant.

Imaginer que Dieu prendrait plaisir à la souffrance du coupable pour prix de sa faute est déjà une négation de cette justice de Dieu. Comme si cela ne suffisait pas, il a été imaginé que la souffrance et la mort d’un innocent, Jésus, satisferait grandement la justice de Dieu. Cette théorie abracadabrante rend un tel Dieu absolument effrayant, il ressemble plus au Dieu Moloch (Lévitique 18:21) ou au Dieu des Aztèques, assoiffés du sang des victimes immolées, si possibles fraîches et innocentes. Au contraire, l’idée même de sacrifice humain est absolument écartée avec horreur par la Bible, ainsi que la souffrance de l’innocent.

Il n’est donc pas imaginable que Jésus ait été sacrifié par Dieu pour racheter nos fautes et satisfaire à une certaine idée de justice. Mais alors, comment comprendre la Croix ?

La première raison d’être ce ces récits de la mort de Jésus en croix est que c’est ainsi que c’est arrivé historiquement, que cela a été un coup de tonnerre terrible dans la vie des disciples de Jésus.

Pourquoi Jésus a-t-il donné sa vie ?

Nous avons entendu cette parabole où Jésus lui-même dit que ce n’était pas la volonté de Dieu que son Fils meure, que son espérance était bien sûr que ses prophètes soient écoutés, et encore plus l’appel du Christ : que les gens comprennent enfin que Dieu espère des fruits de bonté et de justice, des progrès spirituels et moraux, du bonheur, de la paix. Au lieu de cela, ses prophètes ont été souvent maltraités. C’est un rude boulot d’être lanceur d’alerte. Il est poignant d’entendre Jésus raconter cette parabole : ce sont les paroles d’un homme qui sait les risques qu’il prend, comme les paroles d’un Martin-Luther King, d’un Guy Môquet, d’un Alexeï Navalny, ou le geste de l’homme debout devant les chars de Tiananmen… Chacune de ces circonstances est extraordinaire et en même temps fréquente, malheureusement, tant le despotisme est une maladie chronique de notre humanité.

Selon Jésus lui-même, sa mort n’est absolument pas la volonté de Dieu, elle est un scandale pour lui et si Dieu était comme bien des humains, l’exécution de son fils ne pourrait que déclencher sa fureur. Comme, objectivement, ce n’est pas arrivé, cela montre que Dieu n’est pas un Dieu de vengeance, mais un Dieu qui aime et prend soin même de ses ennemis.

Cet amour unilatéral de Dieu se manifeste tout au long de la parabole de Jésus et c’est inspirant pour nous :

L’amour de Dieu est d’abord premier : nous sommes personnellement ce bon plan de vigne que Dieu a du bonheur à voir exister en ce monde.

L’amour de Dieu est dans chaque mot de cette parabole de Jésus : Dieu nous entoure de sa grâce comme d’une clôture qui nous protège des sangliers, de ce qui pourrait nous démolir. Il nous donne un pressoir qui est une image de notre capacité à aimer : à recueillir la moindre bonne goutte de ce qui est bon dans la vie en ce monde et dans ceux que nous croisons. Et il nous donne une tour comme une capacité d’élévation nous permettant de voir loin, en avance.

L’amour de Dieu est ensuite pardon et patience : quand nous ne portons pas de fruits de bonté et de justice, il ne réagit pas par la destruction mais en redoublant de présence auprès de nous, d’appel, et d’amour. C’est cet amour qui se manifeste en Christ, par sa vie et ses paroles. C’est un amour qui s’engage à fond, encore et encore.

Les intégristes de l’époque se sentent concernés par cette parabole de Jésus, mais au lieu de la comprendre comme une main tendue, ils fulminent et cherchent à éliminer Jésus. C’est aussi crétin que de casser le baromètre en espérant que cela fera venir le beau temps.

La croix est la manifestation de cet amour de Dieu. Le geste de Jésus dit que, contrairement à ce que nous disaient notre propre culpabilité et les intégristes : Dieu nous est et nous sera toujours favorable, envers et contre tout.

Se saisir de ces dons de Dieu

Chacun des dons de Dieu évoqués ici par Jésus sont à méditer pour bénéficier des services offerts par Dieu. Et là, ce n’est plus seulement de la théologie, c’est une pratique quotidienne pour s’exercer à les saisir, à en vivre. C’est aussi une inspiration pour vivre en essayant d’apporter aux autres de ce meilleur, manifesté par le Christ jusque sur la croix.

L’apôtre Paul comprend aussi la croix du Christ comme manifestant l’amour de Dieu pour nous. Avant cela, bien des personnes avaient particulièrement peur du jugement de Dieu. C’était avec crainte que l’on se tournait vers lui dans l’espérance d’améliorer notre dossier auprès de ses services. Mais l’amour de Dieu manifesté par Jésus change tout, il nous réconcilie avec Dieu, nous qui avions oublié Dieu, qui l’avions négligé ou craint.

Dieu, lui, n’a jamais eu besoin de se réconcilier avec personne. Il aime et a toujours tout fait pour nous sauver, et il fera toujours tout pour nous aider.

Mais comment faire entendre une personne qui ne veut pas écouter, comment faire voir clair à une personne qui garde les yeux fermés ?

La question clef est donc de réconcilier l’individu avec son Dieu, parce qu’une fois réconcilié avec Dieu tout est gagné nous dit Paul, Dieu pourra nous soigner et nous aider efficacement dans notre évolution. Nous et ceux qui nous sont chers.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Évangile selon Marc 12:1-12

Jésus se mit à leur parler en paraboles. « Un homme a planté une vigne, l’a entourée d’une clôture, il a creusé une cuve et bâti une tour ; puis il l’a donnée en fermage à des vignerons et il est parti. 2« Le moment venu, il a envoyé un serviteur aux vignerons pour recevoir d’eux sa part des fruits de la vigne. 3Les vignerons l’ont saisi, roué de coups et renvoyé les mains vides. 4Il leur a envoyé encore un autre serviteur ; celui-là aussi, ils l’ont frappé à la tête et insulté. 5Il en a envoyé un autre – celui-là ils l’ont tué –, puis beaucoup d’autres : ils ont roué de coups les uns et tué les autres. 6Il ne lui restait plus que son fils bien-aimé. Il l’a envoyé en dernier vers eux en disant : “Ils respecteront mon fils.” 7Mais ces vignerons se sont dit entre eux : “C’est l’héritier. Venez ! Tuons-le, et nous aurons l’héritage.” 8Ils l’ont saisi, tué et jeté hors de la vigne. 9Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, il fera périr les vignerons et confiera la vigne à d’autres. 10N’avez-vous pas lu ce passage de l’Ecriture : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la pierre angulaire. 11C’est là l’œuvre du Seigneur : quelle merveille à nos yeux ! » 12Ils cherchaient à l’arrêter, mais ils eurent peur de la foule. Ils avaient bien compris que c’était pour eux qu’il avait dit cette parabole. Et le laissant, ils s’en allèrent.

Lettre de Paul aux Romains 5 :6-11

6Alors que nous étions encore sans force, Christ, à ce moment, est mort pour des impies. 7C’est à peine si quelqu’un donnerait sa vie pour un juste ; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. 8Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. 9Et puisque maintenant nous avons été justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. 10Si en effet, quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, nous serons sauvés par sa vie. 11Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.

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11 Commentaires

  1. Yann dit :

    C’est bien une rançon payée par le « sang précieux » de Jésus « qui s’est sacrifié comme un agneau sans défunt » comme du temps de la prêtrise…Jésus est appelé « l’agneau pascal ». Cet animal devait être sacrifié année après année en souvenir de la libération du peuple et Jésus a dit « faite ceci en souvenir de moi ». La Bible Segond 21 dit implacablement (dans toutes les traductions comme celle-ci protestante) : « Vous le savez en effet, ce n’est pas par des choses corruptibles comme l’argent ou l’or que vous avez été rachetés de la manière de vivre dépourvue de sens que vous avaient transmise vos ancêtres, mais par le sang précieux de Christ, qui s’est sacrifié comme un agneau sans défaut et sans tache. » (1 Pierre 1:18,19)

    1. Marc Pernot dit :

      « L’agneau de Dieu » fait à mon avis plus référence à l’agneau de la Pâque juive, qui n’était pas un sacrifice de propitiation mais un agneau sacrifié pour que les hébreux s’en nourrissent et aient ainsi la force de se mettre en chemin vers la libération hors de l’esclavage. C’est exactement cela que propose le Christ quand il nous conseille de manger sa chair et de boire son sang. C’est un service que Dieu nous offre pour vivre, à notre tour, notre Pâque.

      La Parabole des vignerons me semble parfaitement dans le contexte, elle parle de l’intention de Dieu en envoyant son Fils, avec l’intention qu’il puisse être respecté, et le risque qu’il soit massacré, et le début d’une résolution des intégristes de l’époque d’arrêter Jésus.

      Mais vous pouvez tout à fait avoir votre interprétation, bien sûr. L’essentiel est que l’interprétation de chaque personne la fasse avancer dans la foi.

  2. Maki dit :

    En hébreu, le terme grec λύτρον (lutron) traduit par rançon correspond à כפר (kafar) – d’où vient le mot kippour – expiation, couverture, protection.
    Il y a une dimension sacrificielle, mais non pas de substitution punitive ; plutôt un acte d’amour libérateur, comme celui du goël, le proche qui rachète un parent en détresse.

    1. Marc Pernot dit :

      Exactement. Et le kippour aussi ne consiste pas tant à changer Dieu que de changer le cœur de l’homme, à le réconcilier avec Dieu, avec les autres et avec lui-même.

  3. Jean-Pierre dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Merci Pasteur Marc Pernot pour cette excellente prédication !!!
    La justice de Dieu, c’est son amour pour nous aider à nous affranchir, à nous libérer du mal qui est en nous et autour de nous.
    Amitiés fraternelles en Christ,
    Jean-Pierre
    de Ruffec en Charente
    (France)

    1. Marc Pernot dit :

      Merci, cher Monsieur pour cet encouragement. La suite dans la prédication suivante sur la résurrection .

  4. André dit :

    Pourquoi au verset 9 il les feras disparaître ou feras périr ?

  5. Sandrine dit :

    Pourquoi au verset 9 il les feras disparaître ou feras périr ?

    1. Marc Pernot dit :

      C’est ce que l’on attendait avec une théologie d’un Dieu impitoyable, ou avec une pensée humaine de la justice… Et puis, non / Dieu ne s’est pas mis en colère contre l’humanité à cause de l’exécution du Christ, car Dieu est amour et pardon.

  6. Pascale dit :

    Deux remarques :
    1) En vous lisant, cela paraît si limpide : comment Dieu aurait-il pu vouloir que son Fils soit traité  de la sorte ? Mais affirmer que la croix n’était pas dans les plans de Dieu, cela dit en filigrane que la résurrection telle qu’on en a le récit dans les Évangiles, n’était pas nécessaire à la mission du Christ. Après tout, comme vous le dites dans votre deuxième prédication, l’essentiel est notre propre résurrection. Et des récits de résurrection, au sens de remettre debout, il y en a d’autres. Merci de bousculer, de provoquer la réflexion : aucun dogme n’est sacré.
    2) Oui, le geste de Jésus révèle l’infini de l’amour de Dieu. Et il est aussi un immense geste d’amour d’un être humain pour Dieu. Sans doute l’un ne va pas sans l’autre.

    1. Marc Pernot dit :

      Chère Pascale
      Magnifique.
      La résurrection est le geste de Dieu qui fait que la vie l’emporte sur la mort, le bien sur toute négativité.
      Si les choses avaient tourné autrement lors du procès de Jésus devant le sanhédrin, ou de son procès devant Pilate (ça s’est joué à pas grand chose), Jésus aurait poursuivi autrement, il aurait poursuivi son ministère pour manifester son amour pour Dieu et les humains, ou il aurait été assassiné autrement ? C’est impossible à savoir, cela mériterait bien des romans. Mais dans chaque cas, je suis convaincu que la puissance de résurrection qu’est Dieu aurait trouvé un chemin pour manifester la victoire de la vie sur la mort.

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