La nuit où j’ai arrêté de croire à la théologie du sacrifice substitutif (pasteur Martin Thielen)
Pendant un culte du Vendredi saint, j’ai rappelé l’histoire vraie du sacrifice du Père Maximilian Kolbe à Auschwitz en 1941 :
En février 1941, les nazis incarcèrent le père Maximilian Kolbe à Auschwitz. Malgré la brutalité du tristement célèbre camp de concentration, le père Kolbe a vécu l’esprit de Jésus. Il partagea sa nourriture, abandonna sa couchette et pria pour ses ravisseurs. Il a rapidement été appelé dans le camp « le Saint d’Auschwitz ».
En juillet de la même année, un prisonnier s’est évadé du camp. L’usage à Auschwitz était d’exécuter dix prisonniers pour chaque évadé. Le lendemain matin, les gardes rassemblèrent les prisonniers dans la cour. Le commandant a choisi au hasard dix noms dans le registre. Tout le monde savait que s’ils entendaient leur nom, cela signifiait une condamnation à mort.
Le commandant a commencé à appeler les dix noms. A chaque fois, un prisonnier s’avançait. Le dixième nom appelé était Franciszek Gajowniczek. En entendant son nom, il se mit à pleurer en disant : « Ma femme et mes enfants ».
Les gardes perçurent un mouvement parmi les prisonniers. Ils levèrent leurs fusils. Les chiens se tendirent, anticipant un ordre d’attaquer. Un prisonnier se frayait un chemin vers le devant. C’était le prêtre, Maximilian Kolbe. Il ne montrait pas de peur sur son visage, ni d’hésitation dans sa démarche. Le garde lui cria de s’arrêter ou d’être abattu. « Je veux parler au commandant, » dit-il calmement. Le père Kolbe s’arrêta à quelques pas du commandant, ôta son chapeau et regarda l’officier allemand dans les yeux.
« Herr Commandant, je souhaite vous faire une requête : je veux mourir à la place de ce prisonnier. Il a ensuite pointé du doigt Gajowniczek, et expliqua : « Je n’ai ni femme ni enfants. En plus, je suis vieux et bon à rien. Il est en meilleur état. » L’officier lui demanda : « Qui es-tu? » « Un prêtre catholique. » La foule entière était stupéfaite, le commandant, inhabituellement muet. Au bout d’un moment, il a aboyé : « Requête acceptée ».
Et le Père Kolbe fut effectivement exécuté à la place de son codétenu. Gajowniczek survécut à la Shoah et retourna après la guerre dans sa ville natale de Pologne. Il plaça une plaque dans son jardin sur laquelle il écrivit : « Hommage à Maximillian Kolbe qui est mort pour que je vive. »
Dans ma prédication, j’ai ensuite brièvement comparé le sacrifice de Maximillian Kolbe à la mort de Jésus sur la croix. « Comme le prêtre, » dis-je, « Jésus est mort à notre place, pour payer le prix de notre péché. » Nous avons chanté un vieux cantique célébrant ce sacrifice de Jésus pour nous. Après le culte, même si tout s’était bien passé, je me suis senti mal à l’aise.
Après le service, je suis allé à mon bureau pour ranger ma robe de pasteur. Sans comprendre pourquoi, mon sentiment de malaise continuait, et même augmentait encore. Je me suis assis à mon bureau et j’ai passé en revue le culte, en particulier l’histoire du prêtre. Cela semblait une métaphore appropriée du sacrifice expiatoire de Christ pour nous. Mais quelque chose n’allait pas. L’histoire de Maximilien Kolbe me troublait. Pendant des années, j’avais eu de la peine avec la théologie de l’expiation, la croyance que Jésus est mort à notre place pour payer le châtiment de nos péchés. Mais la plupart du temps, j’avais ignoré mes réserves. Après tout, l’expiation substitutive par le sang était au cœur de la théologie chrétienne classique dans mon église. Qui étais-je pour la remettre en question ? Mais ce soir, je sentais que quelque chose n’allait vraiment pas.
Toujours assis à mon bureau, j’ai repensé à l’histoire du prêtre dans la Shoah. Je me suis demandé : « Dans cette métaphore, qui est la figure de Dieu ? Dieu n’était pas représenté par le prêtre aimant, car Maximillian Kolbe représentait Jésus, qui a abandonné sa vie avec amour et de plein gré. Alors je me suis demandé à nouveau : « Où est Dieu dans cette histoire ? » Et puis, dans un moment effrayant de prise de conscience, j’ai réalisé qui était réellement la figure de Dieu dans cette histoire ! Dieu le Père était représenté par le commandant nazi à Auschwitz qui exigeait le sang, la souffrance et la mort comme prix d’un comportement qu’il jugeait inacceptable. Cette prise de conscience m’a stupéfié. J’ai finalement réalisé que derrière la théologie, les liturgies, les prières, les chants habituels du christianisme selon lesquels Jésus « est mort pour nos péchés », se tenait une divinité assoiffée de sang, courroucée et vengeresse qui exigeait une livre de chair pour payer le prix du péché de l’humanité.
C’est, bien sûr, l’exact opposé de l’esprit de Jésus. Alors que les soldats romains l’exécutaient horriblement sur la croix, il n’a pas prié : « Père, venge-moi ! » au lieu de cela, Jésus a prié : « Père, pardonne-leur. » Alors que je réfléchissais à ce fait, je me demandais : comment cette image choquante d’un Dieu vindicatif peut-elle être réconciliée avec la croyance de Jésus en un Dieu qui aime chacun, qui est miséricordieux et qui pardonne tout ? La réponse était incroyablement claire. Ce n’est pas possible.
C’est la nuit où j’ai cessé de croire en l’expiation par le sang versé sur la croix à notre place.
Bien que la métaphore de l’expiation par le sang peut se comprendre dans un monde ancien qui pratiquait le sacrifice d’animaux, il est théologiquement choquant à l’ère moderne de penser que Dieu a exigé un sacrifice sanglant de son Fils afin de pardonner à l’humanité. C’est de la maltraitance divine, pas de la justice ou de l’amour divins. Comment pourrions-nous aimer, adorer et servir un Dieu aussi violent, impitoyable et vengeur ? …
Cependant, rejeter l’expiation par le sang ne signifie pas qu’il faut rejeter la croix de Jésus. Au lieu de cela, nous pouvons remplacer l’expiation substitutive par de bien meilleures compréhensions de la croix…
Martin Thielen
(pasteur dans l’United Methodist Church et la Southern Baptist Convention)
(article original en anglais + merci à Guilhem L. qui nous a signalé ce texte essentiel)
N’hésitez pas à proposer un beau texte de foi qui vous aurait inspiré.
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Bonjour Marc, ce thème de l’expiation me préoccupe pas mal depuis pas mal de temps. Je peux imaginer ce à quoi ce pasteur a dû profondemment réfléchir. Au sein des Eglises ADD, bcp de chants tournaient autour de cette théologie. Même après avoir opté pour l’Eglise Réformée de France (EPUdF), j’ai toujours ressenti une crainte à ce sujet. La peur de mettre mon salut en danger en laissant cette doctrine théologique de côté! Mais pourquoi cette expiation par le sang de Jésus a toujours été admise et même prêchée dans l’ensemble de la chrétienté. Je pensais il y a bcp d’années que seul les unitariens rejettaient cette théologie! Cette crainte existe toujours chez moi!
Cette théorie de l’expiation comme une rançon payée par le Christ a eu un immense succès car elle est très efficace pour tenir en main les fidèles ! En effet cette théorie donne une image de Dieu redoutable que les chefs d’églises peuvent ensuite utiliser pour dresser les fidèles par la crainte. Hélas.