Jéricho : Comment vaincre ce qui nous empêche d’avancer ? (Josué 6)
Vidéo :
Enregistrement audio de la prédication / Enregistrement audio du culte
(Voir le texte biblique ci-dessous)
prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 19 décembre 2021,
par : pasteur Marc Pernot
Nous nous préparons à vivre Noël, puisque cette occasion nous est donnée. Noël est, parait-il, un salut offert à toute personne vivant en ce monde. Alors, le 25 décembre, tout ne sera que paix, joie, fraternité, abondance de bonheur partout pour tout le monde ? Nous savons bien que c’est plus compliqué que cela. Et pourtant : ce n’est pas faux non plus. C’est le but.
C’est pourquoi je vous lis ce texte du livre de Josué, car il dépeint cette question. L’épisode se situe à l’aboutissement de la promesse donnée aux Hébreux d’être libéré de leur esclavage en Égypte. Cela se réalise dans un cheminement qui évoque une gestation et un accouchement à une vie bien à eux. Au début du livre de Josué : nous en sommes là, une nouvelle génération est née et ils ont enfin mis les pieds dans « le pays où coule le lait et le miel ». Après la naissance, le lait évoque une croissance nourrie par Dieu qui est comme une maman qui nous allaite, le miel évoque la douceur de vivre.
Cette belle vie en croissance est le projet de Dieu pour chaque personne sur cette planète Terre. Bien sûr. Car il aime chacun de ses enfants, chaque peuple, comme si chacun était unique, précieux, choyé. C’est ce que nous dit l’Évangile du Christ.
Comment se fait-il alors que, dès leurs premiers pas en terre promise, les Hébreux buttent sur la citadelle imprenable de Jéricho ? Comment vont-ils poursuivre leur cheminement ? Comment est-ce que Dieu les aide ? Quel Évangile est-ce que cela dit pour nous aujourd’hui ?
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De quoi est-ce que parle ce texte ?
Serait-ce l’histoire de l’invasion et du massacre d’une population par une autre ? Et bien non. Car ce texte n’est pas un livre d’histoire, ce n’est pas le sujet, mais c’est une prédication, c’est un manuel de savoir être avec Dieu et avec notre prochain. Comme d’ailleurs toute la Bible : elle parle du présent de la vie de son lecteur. Voler et tuer ne fait pas partie du programme (selon le Décalogue de Moïse lui-même).
Au point de vue historique, le peuple hébreu commence en Canaan vers le XIIIe siècle avant notre ère. À cette époque Jéricho n’était pas une ville et il n’y avait pas de remparts, les preuves archéologiques sont formelles sur ce point. Elles révèlent que Jéricho est une des plus anciennes « villes » du monde, existant dès le IXe millénaire avant Jésus-Christ, que cette ville a été détruite au XVIe siècle avant Jésus-Christ et qu’elle ne sera réoccupée que vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ. Donc : point de remparts, point de roi ni d’armée, point de ville, point de massacre au XIIIe siècle quand les Hébreux se constituent en peuple à Canaan.
Cela veut dire qu’une lecture spirituelle de ce texte n’est pas une invention de chrétiens modernes, mais que le sujet de ce texte, dès sa rédaction, n’est pas de faire de l’histoire, c’est un traité portant sur la façon de vivre les promesses de Dieu pour nous. Les aventures des Hébreux nous parlent des difficultés sur ce chemin, de comment les surmonter avec l’aide de Dieu. Nous avons ici un mode d’emploi du salut de Dieu. Un mode d’emploi de Noël, un mode d’emploi des promesses de l’Évangile.
Heureusement. Car si on lisait ce texte au sens historique, ce serait l’histoire d’un Dieu qui donne à un peuple le pays d’autres peuples, et qui donne l’ordre de faire une tuerie de masse, exterminant le roi, ses guerriers, la population civile y compris les bébés, leurs veaux, vaches, cochons et couvées. Massacrés au nom du Dieu de la vie : impossible sur fond du décalogue qui interdit de voler ou de tuer qui que ce soit.
Au sens spirituel il s’agit de tout autre chose, il s’agit de dépasser ce qui nous bloque dans tout bon cheminement de vie. Ce qui est massacré ce sont nos entraves, nos faiblesses, nos dépressions, nos pertes de sens, nos folies et notre méchanceté, notre asthénie, etc. Tout ce qui nous empêche d’avancer.
Il est excellent que ce texte nous parle de cela sous forme d’un récit et non d’un enseignement. Cela nous aide à nous laisser inspirer par ce texte dans notre propre existence où nous avons nos propres chances et nos propres entraves. De plus, ce récit est un récit de miracle, cela nous dit que nos propres forces et notre propre sagesse sont sollicitées mais qu’elles ne suffisent pas. Ce n’est pas notre faute si nous avons du mal à avancer, nous sommes comme une poignée de bédouins du désert face à une citadelle imprenable. Jéricho, ville « fermée et enfermée », fermée sur sa propre fermeture comme une situation de vie inextricable.
Ce que dit ce récit de Josué, l’apôtre Paul le dit avec son propre langage (Romains 7:19-25) : « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas… Car je prends plaisir à la visée de Dieu, selon l’homme intérieur, mais je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de ma conscience, et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! »
Paul parle également d’un combat qui est au dessus de nos forces, et d’une victoire grâce à Dieu en Christ. La victoire du meilleur de nous-même sur une autre part de nous-même qui nous plombe.
Ce récit des Hébreux victorieux de Jéricho nous apprend à éliminer ce qui nous bloque dans le cheminement de la promesse de Dieu pour nous, comme on élimine sans pitié une tumeur cancéreuse.
Josué est donc arrivé sur la terre de la promesse. C’est déjà un miracle. Pour nous, c’est le fait d’être vivant et d’avoir notre belle personnalité animée d’un souffle : c’est un miracle incroyable. Reste à vivre, jour après jour, en avançant, d’une façon ou d’une autre, et c’est un sacré défi. Nous avons tous nos Jéricho.
Première étape : un début de foi
À la fin du chapitre précédent (5:13-15), Josué, face à Jéricho, se découvre, accompagné par Dieu, par sa parole, par sa puissance, ou est-ce un humain, est-ce nous-même inspiré par Dieu ? C’est un début de foi et de prière, un début d’inspiration. Et de cela nous sommes au moins un petit peu capable puisque c’est un don de Dieu qui est à l’origine même de notre être.
Ce Dieu n’a rien de tout-puissant, s’il l’était il effacerait Jéricho d’un éclair de foudre. Au contraire, c’est en inspirant une méditation patiente au peuple qu’il donnera aux Hébreux de franchir cette étape difficile. L’annonce de Noël est à recevoir comme celle de l’ange à Josué, c’est l’annonce d’un salut qui nous est donné dans la faiblesse pour nous aider à avancer, nous.
La première chose est donc de se laisser inspirer une confiance par Dieu pour y aller : « L’Éternel dit à Josué : Vois, je livre entre tes mains Jéricho et son roi, ses vaillants guerriers. ». C’est déjà accompli et pourtant c’est encore à faire. C’est impossible et pourtant déjà en vue. Le premier point est un courage reçu, une vision.
Deuxième étape : faire le tour d’une belle façon
Ensuite, c’est une démarche : faire le tour du problème en silence, patiemment pendant 7 jours. Ce chiffre montre bien, si nous ne l’avions pas encore saisi, que ce qui est en question n’est pas une destruction mais une création, comme les 7 jours de la Genèse par Dieu : partant du chaos, commençant par une mise en lumière, puis la mise en ordre progressive de la réalité de ce monde, pour arriver à l’humain articulé à Dieu. Chaque pas de notre cheminement, chaque palier franchi, chaque résilience vécue est le fruit de cette création.
Faire le tour du problème qui nous bloque, donc, et le faire d’une certaine façon précisée dans ce manuel de savoir franchir nos Jéricho :
Mobiliser d’abord notre avant garde pour marcher devant, littéralement les « ayant été équipés » : ce qui constitue notre force personnelle, notre intelligence, notre bon cœur, notre génie propre à mobiliser. La bénédiction de Dieu est une mise en avant de talents que nous ne nous connaissions pas toujours.
Marchent ensuite 7 prêtres (encore le chiffre 7) sonnant de 7 trompes de bélier, et portant l’arche d’alliance. Nous avons là des symboles de ce que Dieu a apporté aux hébreux durant leur cheminement dans le désert. La trompe de bélier (le shoffar) évoque la voix de l’Éternel sur le Sinaï, l’arche d’alliance garde le souvenir des commandements de Dieu (les tables de l’alliance), de la nourriture que Dieu donne pour avancer (la manne), et des miracles faits par Dieu (le bâton de Moïse). Ces traces de mémoire sont convoquées pour faire le tour du problème présent. Dieu n’a pas besoin de cette liturgie pour être présent, il l’est dès le début de l’histoire. Cette liturgie est plutôt un entraînement des participants, une ouverture à Dieu. C’est le rôle du culte, celui que nous vivons actuellement, et le culte essentiel qu’est l’exercice spirituel privé que nous pouvons nous ménager dans notre journée.
Marche enfin dans ce cortège un 3e groupe formé par le peuple qui est ici appelé « le rassemblant », cela peut évoquer le fait d’aller chercher quelques-uns pour faire corps, cela peut évoquer aussi le fait de se rassembler soi-même dans les différentes facettes de notre être.
Cette troupe ainsi formée a la charge de faire le tour de la citadelle imprenable en silence, dans la maturation, dans la méditation, dans la concentration sur la démarche elle-même. Faire le tour 1 jour, puis 2, jusqu’à 6, puis un 7e jour en silence, faisant simplement le tour du problème puis retournant à leurs affaires et à leur repos. Patiemment, alors que rien ne semble se passer. La construction est intérieure, invisible aux yeux. On a tendance à trop vite parler dans la prière, ce qui gêne la maturation, le travail intérieur de création de Dieu. Le temps de notre parole vient seulement à la fin, le 7e jour après avoir fait ce jour là 7 tours de la ville en silence.
C’est alors que vient le temps de nous exprimer : une puissante clameur ou chacun donne sa propre voix librement, selon ce qu’il a sur le cœur après tous ces tours du problèmes vécus dans la méditation sur ce que Dieu a fait jusqu’à présent. La muraille s’écroule alors et permet à chacun de monter devant lui-même. Nos propres forces alors suffisent à éradiquer ce qui nous bloquait. Les hébreux peuvent alors progresser d’une étape, s’élever d’un sommet.
Nous avons là une méthode toute simple. Tourner ainsi pendant 7 jours, avec 7 tours le 7e jour. Comme chaque fois que dans la Bible nous avons un chiffre remarquable, l’indication du 7 ne signifie pas une quantité mais la qualité du temps à vivre ainsi, cela nous invite à tourner autour du problème le temps qu’il faut jusqu’à ce que nous sentions que Dieu a pu mettre un peu d’ordre dans notre chaos : nous créer un peu et nous bénir. Par contre, la mention qu’il s’agit de jours, et non de semaines ou d’années, dit que ce temps n’a pas à être trop long. De l’ordre de quelques jours pour faire le tour du problème en silence, dans la louange, pour une formation de notre être et notre confiance. Puis y aller de bon cœur, comme nous le sentirons alors. Avec l’aide de Dieu.
Amen.
Textes de la Bible
Josué 6
Les hébreux viennent de passer le Jourdain, entrant enfin en « Terre Promise ». À leur premier pas ils butent à Jéricho contre une citadelle imprenable. Un récit invraisemblable et plein d’enseignements.
Jéricho était complètement fermée et enfermée à cause des Israélites. Personne ne sortait et personne n’entrait.
2L’Éternel dit à Josué : Vois, je livre entre tes mains Jéricho et son roi, les vaillants guerriers… [selon les indications de l’Éternel :]
6Josué, fils de Noun, appela les sacrificateurs et leur dit : Portez l’arche de l’alliance et que sept sacrificateurs portent sept cors de bélier devant l’arche de l’Éternel. 7Puis il dit au peuple : Passez, faites le tour de la ville, et que l’avant-garde passe devant l’arche de l’Éternel. 8Il en fut comme Josué l’avait dit au peuple. Les sept sacrificateurs qui portaient les sept cors de bélier devant l’Éternel passèrent et sonnèrent du cor. L’arche de l’alliance de l’Éternel les suivait. 9L’avant-garde marchait devant les sacrificateurs qui sonnaient du cor, et l’arrière-garde suivait l’arche. On marchait au son du cor. 10Josué avait donné cet ordre au peuple : Vous ne crierez pas, vous ne ferez pas entendre votre voix, et il ne sortira pas une parole de votre bouche, jusqu’au jour où je vous dirai : Poussez des clameurs ! Alors, vous pousserez des clameurs. 11L’arche de l’Éternel fit le tour de la ville ; elle tourna une fois, puis ils rentrèrent au camp et y passèrent la nuit.
12(Le deuxième jour), Josué se leva de bon matin et les sacrificateurs portèrent l’arche de l’Éternel. 13Les sept sacrificateurs qui portaient les sept cors de bélier devant l’arche de l’Éternel se remirent en marche et sonnèrent du cor. L’avant-garde les précédait, et l’arrière-garde suivait l’arche de l’Éternel. On marchait au son du cor. 14Ils firent une fois le tour de la ville, le deuxième jour ; puis ils retournèrent dans le camp. Ils firent de même pendant six jours.
15Le septième jour, ils se levèrent avec l’aurore et firent le tour de la ville dans le même ordre, sept fois. Ce fut le seul jour où ils firent sept fois le tour de la ville. 16Alors, à la septième fois, les sacrificateurs sonnèrent du cor et Josué dit au peuple : Poussez des clameurs, car l’Éternel vous a donné la ville ! 17La ville sera vouée à l’Éternel par interdit, elle et tout ce qui s’y trouve.
(Cf. édition de La Colombe)
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