Un robot regarde son propre visage - Image par Jonny Lindner de Pixabay
Développement

La réussite du transhumanisme (à prolonger la vie des humains) deviendra une menace à la foi en Dieu ?

Un robot regarde son propre visage - Image par Jonny Lindner de Pixabay

Un peu de science sans conscience : passe encore. Mais beaucoup de science sans trop conscience est peut-être un peu risqué, non ?

Question posée :

Depuis un certain temps je m’intéresse aux courants trans-humanistes. Intéressant de découvrir que le transhumanisme nous promet une vie perpétuelle. D’ici quelques années, l’humain pourra vivre longtemps sur terre. 300 ans voire 1000 ans. Donc vers une vie éternelle.

Est ce que vous ne voyez pas comme moi que cette réussite du transhumanisme (à prolonger la vie des humains sur terre) deviendra une menace à la foi en Dieu?

En effet, l’une des raisons qui poussent nombreux à croire en Dieu, c’est la peur de la mort. on se dit, que deviendrons nous après notre vie terrestre? On croit alors à la vie en Dieu (la vie éternelle).

Alors du moment que nous ne mourrons plus, selon le transhumanisme, vous ne voyez pas qu’il n’y a plus de raison de croire à la vie éternelle prônée par la Bible?

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir Monsieur,

C’est vrai que l’on entend dire que les recherches sur le trans-humanisme sont très actives et avec des budgets de recherche colossaux. C’est sans doute que des résultats incroyables sont attendus, effectivement. Il est cependant bien possible que la presse et les livres à sensation exagèrent les perspectives afin de rendre plus spectaculaires leurs articles et livres.
Mais non, je ne pense pas qu’une prolongation considérable de la longueur de la vie humaine serait une menace sur la foi en Dieu. Il me semble que cela pourrait au contraire lui être favorable :
  1. Il est possible que certaines personnes se sentent poussées à croire à cause de la peur de la mort et une espérance de la vie future. Mais c’est à mon avis une très mauvaises raison de croire. Car la personne qui essaye de faire le bien et de prier Dieu en vue de son salut éternel : la motivation profonde de cette personne est entièrement centrée sur elle-même, sur son bénéfice. Or, ce que nous dit le Christ c’est que l’essentiel pour bien vivre est de vivre en aimant Dieu et en aimant son prochain comme soi-même. Celui qui prie Dieu motivé par son intérêt personnel n’aime pas Dieu, il s’aime lui-même et il prend Dieu et la prière comme de simples instruments utiles. Celui qui aide un pauvre en pensant gagner des points pour son propre salut éternel n’aime pas la personen qu’il a soit disant « aidée », il aime seulement lui-même et utilise la détresse d’un homme pour assouvir son ambition.
    => Cette « foi » est donc vénale, elle n’est pas une réponse à la grâce de Dieu.
  2. Dans la Bible, et en particulier dans les Evangiles, ce qui est encouragé c’est de vivre, avec l’aide de Dieu, la vie présente d’une belle façon. C’est dans ce domaine que s’exerce la foi, la réflexion théologique, la prière, le service. Par ailleurs, le Christ nous dit que ce qu’il y a de plus beau dans la vie présente est plus fort que la mort et reste vivant au-delà. Mais il n’insiste pas tellement là dessus, il en parle même fort peu. En tout cas, le concept de vie éternel, de résurrection, de nouvelle naissance, ou de de Royaume Dieu sont dans le Nouveau Testament des réalités de la vie présente, à vivre aujourd’hui et maintenant, par la grâce de Dieu.
    => Donc, non, même si la mort physique n’était plus à craindre, cela ne changerait pas la foi dont parle le Christ.
  3. Au contraire. Plus la vie présente serait longue, plus elle serait complexe à vivre d’une belle façon, à cause de la durée, et à cause de la cohabitation avec nos collègues en humanité, et les autres vivants de la planète, et la planète elle-même. Or, plus de complexité dans les enjeux et les questions conduit à un besoin exponentiel de réflexion, de sagesse, de profondeur et d’élévation. Je pense que le besoin d’approfondir notre réflexion et notre spiritualité seraient indispensable à la vie, et même à la survie.
    => La fin de la mort ne serait certainement pas le début de l’insouciance. Au contraire.
  4. Mais de toute façon, j’ai bien l’impression que la mort est pour nous quelque chose qui reste assez abstrait. Bien sûr, nous savons depuis très jeune que tout le monde meurt un jour. Nous voyons d’autres personnes mourir et c’est parfois un choc immense, mais à nous, cela ne nous est jamais arrivé, et finalement nous savons intellectuellement que nous mourrons un jour, mais nous ne le savons que superficiellement. Je pense que notre réelle expérience de nos limites (de notre « finitude ») n’est pas notre mort, c’est bien plus concret, bien plus quotidien, bien plus frustrant, énervant, décevant : c’est que nous n’arrivons même pas à être notre propre dieu : si nous cherchons à changer un tant soit peu notre caractère, nous en sommes incapable. Même faire un petit régime, arrêter de fumer, faire un peu d’exercice : ces petites choses toutes simples à priori sont héroïques à réussir. C’est ce qu’exprime l’apôtre Paul de façon magnifique : « 18Je le sais, rien de bon n’habite en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Car il est à ma portée de vouloir, mais non pas de produire le bien. 19Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas. 20Si je fais ce que, moi, je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le produis, c’est le péché qui habite en moi. 21Je trouve donc cette loi, pour moi qui veux faire le bien : ce qui est à ma portée, c’est le mal. 22Car, pour ce qui est de l’homme que je suis intérieurement, je prends plaisir à la loi de Dieu, 23mais je vois dans mon corps tout entier une autre loi qui lutte contre la loi de mon intelligence et qui me rend captif — captif de la loi du péché qui est dans tout mon corps. 24Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? 25Grâce soit rendue à Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur ! » (Romains 7:18-25)
    => Cette réalité là, elle restera, quelque soit notre corps plus ou moins bionique ou robotique.
  5. Et l’incroyable richesse que prend la vie humaine par la foi, l’espérance et l’amour (comme le dit encore Paul), cela restera, et le nombre des années augmentant, la chance de le vivre encore plus profondément augmente. Les personnes les plus profondément humaines et bienveillantes que j’ai connues dans ma vie étaient des personnes très âgées. Toutes les personnes âgées n’ont pas progressé de cette façon. Et il y a des jeunes absolument merveilleux de bonté et de profondeur, il est bien possible qu’ils continueront à approfondir encore, année après année, leur être. Une vie bien bien plus longue et en bonne forme peut être une chance de voir exister de bien belles personnes. Peut-être aussi une disparité plus importante encore dans l’élévation de la conscience et de la beauté des sentiments. Révélant l’influence de la foi sur notre parcours de vie.
Je pense ainsi que, pour des raisons impérieuses concernant l’avenir de l’humanité et de la planète, il y a une importance cruciale à travailler la question du sens et de la spiritualité. Et donc de la foi, et de s’ouvrir à l’aide de Dieu. Car tant que nous n’avons que peu de pouvoir, les dégâts que nous pouvons occasionner sont limités, mais dans la mesure où notre pouvoir augmente, nous nous rendons compte que les dégâts peuvent vite devenir ingérables. Quand grandit notre science, grandissent de réels besoin de conscience.
Dieu nous bénisse et nous accompagne, vous en particulier et nous tous ensemble, petite planète bleue.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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Un commentaire

  1. Padawan Skywalker dit :

    Je suis tout à fait d’accord avec les points 2, 3, 5, merci infiniment pour ces perspectives que je trouve magnifique ! Et effectivement ce genre de questions se posera un jour ou l’autre. Je pense que le point 4 serait quand même un peu influencé par des capacités corporelles renouvelées par des bains de jouvence et un état de grande forme assez régulier, à voir.

    Concernant le point 1, je réagis à la phrase « Celui qui prie Dieu motivé par son intérêt personnel n’aime pas Dieu, il s’aime lui-même et il prend Dieu et la prière comme de simples instruments utiles ». Je réagis à la théologie.
    Je repars de la phrase précédente : « Or, ce que nous dit le Christ c’est que l’essentiel pour bien vivre est de vivre en aimant Dieu et en aimant son prochain comme soi-même ». A partir de là, je pense que cela dépend de la situation de chacun. Certaines personnes peuvent avoir besoin de d’abord se sentir bien en elles-mêmes, de se sentir en confiance. Ensuite viendra pour elles le temps de s’occuper éventuellement de d’autres personnes. Et même il existe aussi des cas neutres, on peut prier pour la vérité (au sens de vérité logique, pas de la fidélité comme selon l’autre sens du mot « Emet » en hébreu, ce qui n’empêche pas de prier aussi pour la fidélité au sens biblique, mais la recherche de la vérité au sens logique est sauf erreurs multiples de ma part en principe automatiquement fidélité à Dieu).
    Je dirais donc, aimer Dieu, aimer la vie, son principe, son idéal, d’une part. Et aimer son prochain comme soi-même, peut être synonyme de s’aimer soi-même comme on aime les autres, comme on valorise les autres dans l’idéal. S’aimer soi-même pour ensuite mieux aimer les autres, ou autant qu’on aime les autres dans l’idéal. C’est une question de recherche de justice, d’équilibre. Mais parfois, à certains moments, ou pendant des mois et des mois si c’est le cas, on peut il me semble se recentrer sur soi-même, soi-même d’abord, soi-même uniquement, prier pour soi uniquement, je ne pense pas que cela soit un problème, on fait ce que l’on veut, ça peut être un stade d’évolution, une étape sur sa route.

    Cordialement,

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