Quand les difficultés s’accumulent, j’ai l’impression que le signal entre Dieu et moi est brouillé, qu’on est déconnectés
Question posée :
Bonjour pasteur,
Je voudrais commencer par vous remercier pour tout ce que vous avez entrepris avec ce site, que je fréquente depuis de nombreux mois déjà. À la lecture de vos réponses à d’autres visiteurs, je vois bien que vous leur apportez un éclairage à la fois rassurant et fructueux, cela se ressent dans leurs réactions. Merci infiniment de prendre la peine d’en faire de même pour moi.
Je suis un étudiant de 23 ans, dans une situation je pense assez répandue parmi mes semblables : études difficiles, angoisse de l’avenir, crises en tous genres… rien d’extraordinaire. Vient de s’y ajouter l’annonce d’une prochaine opération chirurgicale qui ne présente aucun danger pour ma vie, mais qui entraînera une convalescence assez longue et des soins post-opératoires plutôt effrayants. Bien sûr, il y a pire, ce qui pousse à relativiser, mais j’avoue que le mélange de tout ça est parfois difficile à porter. S’y ajoutent aussi la culpabilité, l’envie d’avoir fait différemment, peut-être d’avoir consulté plus tôt…
Être chrétien peut parfois compliquer les choses, car c’est peut-être plus exigeant, mais la force que l’on peut en tirer dépasse de loin cet inconvénient. Grâce à vos interventions passées, j’ai petit à petit compris qu’il ne fallait pas tout attendre de Dieu sur le plan matériel : pour reprendre vos mots, qu’il « fait ce qu’il peut ». Moi qui ai parfois hésité entre diverses branches du christianisme, je me suis rendu compte que les dénominations professant le « si tu n’obtiens rien concrètement, c’est parce que tu pries mal/pas assez », ne me mèneraient nulle part.
J’ai appris à trouver dans la prière (et dans la réflexion que je porte sur Dieu) une source de paix et de réconfort, mais face aux difficultés, je trouve souvent leurs bénéfices très temporaires. Quand on se trouve confronté à des problèmes qui s’accumulent et s’aggravent les uns les autres, auxquels s’ajoute l’inquiétude permanente qu’ils engendrent, j’avoue qu’il est difficile (pour moi en tous cas, et pour le moment j’espère) de trouver dans la prière de quoi prendre suffisamment de hauteur et de recul pour vraiment dompter ses angoisses, ses douleurs, ses peurs… Certaines techniques qui me viennent du stoïcisme m’aident à relativiser un peu aussi, mais une fois plongé « dans la tempête », il en faut peu avant de se laisser noyer. Je n’ai pas l’impression que Dieu me voudrait du mal ou qu’il serait indifférent, mais plus les difficultés s’accumulent et plus j’ai l’impression que le signal entre lui et moi est brouillé, qu’on est déconnectés, ce qui me laisse un peu seul face à mes problèmes.
Je me demandais si vous aviez des conseils pour trouver dans Dieu et dans la prière quelque chose de plus profond, ou en tous cas qui s’avère plus solide, plus ancré en moi, plus durable. Je suis conscient qu’il s’agit peut-être simplement de persévérer dans la prière et éventuellement de l’intensifier, ou bien d’apprendre à accepter que tout comme nos soucis sont plus ou moins pesants selon les jours, la prière ne peut pas tout faire tout le temps… quoi qu’il en soit, vos conseils sont toujours bons à prendre, et j’espère qu’ils serviront à d’autres après moi.
Merci encore pour tout,
Bien à vous,
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Votre démarche, votre sincérité et votre lucidité sont géniales. Franchement, je pense que c’est très prometteur et que votre démarche vous sera extraordinairement bénéfique, à vous et à votre entourage.
Les difficultés dont vous faites part me semblent absolument normales.
Il arrive qu’une personne ressente parfois un apaisement radical et instantané par la foi. Cependant, les véritables évolutions prennent toujours un certain temps, que ce soit dans les réalisations humaines que dans les évolutions naturelles, il en est de même pour les bénéfices spirituels. Particulièrement dans une réalité aussi complexe que l’humain. L’aide de Dieu, l’action de ce que l’on appelle son souffle, son Esprit ou sa Parole : consiste en la poursuite de la genèse de notre être. Or, déjà, de notre conception à notre naissance il a fallu quelques mois, de notre naissance à une certaine maturité cela prend une quinzaine d’année, et encore une quinzaine d’années pour arriver à l’âge où Jésus arrive au stade où il saisit à bras le corps son projet de vie. En fait, cela prend toute une vie à évoluer, à se co-construire : Dieu en équipe avec nous-même, avec la participation aussi de ceux qui prennent soin de nous, parents, amis, professeurs, médecins…
Quand nous nous trouvons face à une difficulté, si elle n’est pas trop terrible, nous avons en général de quoi faire face avec nos ressources physiques, morales, spirituelles, intellectuelles. Ces ressources peuvent se travailler en souplesse et en forces, ce qui est plus facile quand tout va bien. Ce serait dommage de ne pas les exercer à ce moment là, mais c’est alors que l’on a le plus tendance à simplement nous laisser porter. On peut aussi, je pense, constituer comme des réserves de joie et de bénédiction, cela aussi se prépare, par la louange et par la gratitude au jour le jour.
Nous avons plus de mal quand il nous tombe dessus un essaim de difficultés, car nous nous retrouvons comme entouré d’ennemis, comme le disent bien des psaumes, car c’est un fait d’expérience que c’est alors que nous avons le plus de mal (Ps 22:13-17; 40:13; 88:18; 109:3; 119:61; 140:10).
Et c’est alors que l’aide de Dieu est inestimable, nous en avons le témoignage de génération en génération. Comment se manifeste-t-il ? Il semble que :
- Spirituellement : il nous donne éclairage et force spirituelle,
- Intellectuellement : il nous affirme que nous sommes gardé au delà de tout ce qui peut nous arriver de terrible : même diminué notre dignité d’humain, et d’humain vivant en ce monde, n’est absolument pas atteinte, et notre personnalité profonde est et sera toujours gardée.
Mais comme vous le dites très bien, c’est plus sur le moyen terme que l’aide de Dieu se fait sentir très efficacement, comme une genèse de notre être, et des réserves de bénédiction. C’est plus après coupe que l’on note que « quelque chose s’est passé, que du travail a été fait ».
A court terme, il peut arriver que nous nous sentions à sec, sans que le secours de Dieu soit sensible. Ce n’est pas de notre faute, ce n’est pas parce que nous n’aurions pas assez de foi, ni d’intelligence, ni de manque de préparation, non. Je verrais deux raisons à cela :
1) C’est parce que Dieu travaille alors dans la profondeur de l’être
C’est vrai que c’est surtout une paix et un réconfort psychologique que nous aimerions. C’est important, mais c’est plus un bénéfice collatéral, si je puis dire,
L’aide de Dieu ne se manifeste pas nécessairement comme un sentiment religieux. Ce registre n’est pas le tout de l’action de Dieu, et la personne humaine est loin de se limiter à cela. Que Dieu apporte un secours, on s’en rend compte souvent après coup. Qu’on ne s’en est pas sorti tout seul avec nos petites forces, ni la seule solidarité et technique humaines (très appréciables au demeurant). C’est le témoignage que j’ai reçu de bien des personnes, ayant vécu des choses extrêmement difficiles. Une force que nous ne connaissions pas, transcendante qui a mobilisé en eux une force.
2) Cela peut être aussi parce que ce qui nous éprouve est simplement trop
Que cela sature notre champ de perception profonde comme le soleil nous empêche de voir les étoiles. Voir par exemple Jésus, on ne peut pas dire qu’il manque de foi ni de forces, ni qu’il ne prie pas assez. Et pourtant à Gethsémanée, il est pris d’angoisse, il a besoin de sentir ses plus proches amis autour de lui (un bon conseil, mais il a de la chance d’avoir 3 amis, ce n’est pas le cas de tout le monde), il prie effectivement Dieu, mais il doit s’y prendre à plusieurs reprises, encore et encore, avant qu’il sente la présence de Dieu, que s’établisse comme un début de dialogue, et prenne courage (Marc 14:33-41). Avant que le sentiment de vide le reperdre sur la croix, où effectivement il ne sent plus la présence de Dieu le soutenir, il se sent abandonné, ne comprenant plus le sens de ce qui lui arrive (Marc 15:34-37).
Par définition, il est normal d’avoir du mal face aux difficultés. Bien sûr. Nous n’avons pas à nous en vouloir d’avoir du mal, et personne ne peut nous en vouloir de cela, et Dieu encore moins.En ce qui concerne la difficulté à affronter l’instant présent de la souffrance et de l’angoisse, nous sommes comme Jésus, nous subissons durement.
Je pense que ce verset de l’apôtre Paul est dans un certain sens exact « Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés/éprouvé au-delà de vos forces; mais avec la tentation / épreuve il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. » (1 Corinthiens 10:13). Mais ce verset pose deux dangers d’interprétation assez graves :
D’abord, évidemment, Dieu ne tente ni n’éprouve personne. C’est ce monde qui a une certaine dureté. C’est pourquoi on peut lutter franchement contre ce qui nous tourmente, c’est avec Dieu que nous luttons.
Ensuite, ce verset est parfois faux. Il arrive que le bénéfice de l’aide de Dieu sur nos forces immédiates ne soit pas suffisant et que les catastrophes qui tombent sur une personne dépassent ses forces humaines et spirituelles, et que cette personne s’écroule alors sans que cela soit sa faute. C’est là que ce verset est dangereux, car sa lecture à la lettre peut être culpabilisante, désespérante pour un personen qui sent qu’elle n’a pas la force. Non seulement elle serait en grande peine, mais en plus ce serait sa faute de ne pas relever la tête : coup de massue ajoutant la peine à la peine. D’où l’importance de la solidarité et de la compassion, afin de se soutenir les uns les autres « Si quelqu’un est plus fort qu’un seul, deux peuvent lui résister; et la corde à trois fils ne se rompt pas facilement. » (Ecclésiaste 4:12). Jésus le sait, lui qui a cherché des amis, même s’ils sont loin d’être à la hauteur, ces apôtres, l’humain n’est pas seulement une petite personne comme un fétu de paille sur les vagues, il est membre d’un corps. Même Jésus a eu besoin d’une épaule à ses côtés.
Bon courage, bonnes forces dans ces combats. Que la paix de Dieu vienne en votre âme.
Il vous bénit et vous garde.
par : pasteur Marc Pernot
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Quand j’ai dit plus haut que la théologienne déclarait que ceux qui suivent le Christ ne meurent pas dans leur lit, elle n’a pas dit que ce serait le cas de tous évidemment, mais pour un certain nombre qui ont voulu apporter de grands changements positifs pour les peuples. ( Un Pape a été blessé par balle, par exemple )
D’accord j’ai compris ce que vous avez dit mais dès fois je ne sais pas comment m’y prendre avec Dieu y’a des moments où je me dis que je fais mal par exemple je m’y prend mal pour apprendre a mieux le connaître que je capte toujours le contraire des signes qu’il m’envoie bon et quand je suis triste J’suis dans un état ou personne ne peut me consoler et je déteste ses moments je l’avoue
J’aime pas trop la tristesse ou encore ressentir une douleur négative … Mais j’y peux rien vue les situations que je traverse des fois je ne peux pas empêcher ses émotions négatives
Bonjour
Il faut se méfier, effectivement, des « signes » ou des « songes » que l’on pense voir. Dieu communique par son Esprit en nous. C’est là, à l’intérieur de nous-même qu’il convient de chercher à discerner notre chemin, en confiance dans l’amour de Dieu.
Bon courage dans les moments difficiles. Personne n’aime traverser des moments de creux. Dieu est à nos côtés, particulièrement dans ces moments là. C’est ce que dit par exemple le Psaume 23, que vous pourriez méditer, prier, dans ces moments là.
Dieu vous bénit et vous accompagne
parfois le rhytme de nos vie ne nous permet pas de penser à Dieu, de le prier,… comme on le souhaiterait.
Faire une retraite peut alors beaucoup aider.
Il y a, par exemple, l’abbaye d’orval qui permet ce temps d’arrêt, de prière, de ressourcement
( c’est catholique mais nous sommes chrétiens avant tout)
La piste des abbaye trappistes me semble bonne, dans ce registre, j’ai pratiqué, dans l’ordre de mes préférences :
Tamié, en Savoie : belle église, chants au top, magnifiques promenades en montagne, bonne cuisine au fromage (ça compte aussi)
Aiguebelle, dans la Drôme : belle église ancienne, magnifique environnement pour se promener
Cîteaux, en Bourgogne : histoire inspirante, belles promenades en forêt
Acey, en Bourgogne aussi : belle église ancienne, proximité des moines, un peu de difficultés à se promener dans les environs
Orval en Belgique : bon lieu pour travailler en paix dans ces immenses bâtiments, bière de table délicieuse.
A quoi j’ajouterais la Pierre qui Vire, seulement il n’y a pas toujours le silence à table ce qui rompt un peu l’immersion dans un temps de retraite.