02 janvier 2019

Philippe de Champaigne - Moïse et les 10 paroles Wikicommons (Hermitage Museum)
Bible

Pourquoi ne peut-on prononcer le nom Dieu? Jehova? Yavhe? Yod-He-Vav-He?

Par : pasteur Marc Pernot

Philippe de Champaigne - Moïse et les 10 paroles Wikicommons (Hermitage Museum)

Question posée :

Bonsoir,
Pourquoi ne peut-on prononcer le nom Dieu?
Jehova? Yavhe? Yod-He-Vav-He?
Merci.
Et bravo pour ce que vous faites !
Bien à vous et… bonne année 2019.

Réponse d’un pasteur :

Bonjour Monsieur

Ne pas prononcer le nom de Dieu est une idée un petit peu tardive dans la religion juive. Enfin, « tardif » est assez relatif compte tenu de cette longue histoire. Cela correspond peut-être à la peur d’enfreindre cette parole du décalogue « Tu ne prendras pas le nom de YHWH, ton Dieu, en vain » (Exode 20:7) ? Plus largement, cela correspond à une volonté de respecter la transcendance de Dieu, c’est à dire qu’il est d’un ordre différent que cet univers auquel nous appartenons. Effectivement, cela me semble bon à noter que Dieu est à l’origine de ce qui existe, à l’origine même de la possibilité d’exister. Et que par conséquent il dépasse tout ce que l’on peut en dire. Dans bien des cultures, le nom n’est pas seulement quelque chose de pratique pour dire de qui on parle mais correspond à l’identité de la personne, son être. Dans certaine culture, le vrai nom d’une personne est gardé secret afin que les autres n’aient pas prise, et la personne est désignée pour l’extérieur sous un nom d’usage. Le fait de ne pas dire le nom de Dieu est donc une pédagogie destinée à faire comprendre au peuple que Dieu est transcendant, qu’il est « au ciel » alors que nous sommes sur terre. Seul le grand prêtre avait le droit de chuchoter le nom de Dieu dans l’endroit le plus sacré du temple de Jérusalem une fois par an, après des rites de purification extraordinaire. Pratique qui se serait arrêté à la destruction de ce temple.

Alors comment savoir comment prononcer ce nom ? Cette question semble étrange puisqu’il est marqué dans la Bible. Mais dans le texte d’origine n’est marqué que les consonnes, sans voyelle ni ponctuation. Des voyelles ont été ajoutées assez tardivement par une équipe de « massorètes » qui a proposé vers le VIIIe siècle la vocalisation actuelle. En certains endroit cette vocalisation est discutable, quand il y aurait eu le choix de diverses vocalisation, les érudits qui ont fait ce travail ont choisi ce qui leur semblait le plus correct, c’est à dire à ce qui convenait le mieux à leur théologie à eux ?

En ce qui concerne le nom de Dieu, le texte d’origine comporte donc 4 consonnes hébraïques (tétragramme) : Yod Hé Wav Hé : YHWH le nom de Dieu en hébreu (YHWH). Quelles voyelles faut-il mettre si l’on veut le prononcer ? Les massorètes ne l’ont pas écrit puisqu’à leur époque ce mot ne se prononçait déjà plus depuis plus de mil ans déjà. Quand ce nom apparait, la tradition propose de dire à la place « Ha SHem » ce qui veut dire « Le Nom » ou de dire « Adonaï » ce qui veut dire « Seigneur ». Cette tradition est discutable, bien sûr. Chacun fait ce qu’il veut. Et ce n’est pas parce que l’on prononcerait ce nom que l’on ne respecterait pas Dieu, ou que l’on penserait avoir mis Dieu en fiches, en dogmes et en équations ! Les massorètes, qui étaient très très trèèèès respectueux de texte d’origine ne se seraient pas permis de gommer le tétragramme, ils se sont contenté d’habiller ces consonnes des voyelles correspondant à leur usage de lecture dans leur tradition : les voyelles de adonaï (« le Seigneur), prononcé à leur façon de l’époque, cela a donné les voyelles « é o a » le résultat alors YéHoWaH. D’où le Jéhovah qui est donc un curieux nom avec les voyelles d’un mot et les consonnes d’un autre. Ce n’est à mon avis pas l’invention la plus heureuse qui soit, mais ce n’est pas grave, cela permet de se comprendre.

La prononciation de ce nom de Dieu n’est en réalité un mystère pour personne car il apparait dans bien des noms propres. Par exemple le politicien Benyamin Netanyahou a un nom propre qui signifie « Yahou » + « a donné » (Netan). Ce nom propre assez usuel a gardé la mémoire de la prononciation du tétragramme YHWH = Yahou (comme le nom du moteur de recherche Yahoo). Cette vocalisation se trouve aussi dans des noms comme le prophète Jérémie qui est Yérémyah ou Yérémyahou en hébreu ce qui signifie : « Yahou » (ou par son nom abrégé « Yah ») « a établi » (Yéré).

Personnellement, j’aime assez la traduction « l’Eternel » car cela rend un petit peu l’idée du mot YHWH qui est soit une conjugaison du verbe « être » ( HYH) soit une déclinaison du verbe « devenir » (HWH), cela peut être les deux. En tout cas l’idée est que Dieu, appelé par ce nom est source de l’être, source de devenir. Dans l’Apocalypse, Jean donne cette belle traduction « Celui qui est, qui était et qui vient » (1:4 ; 1:8 ; 4:8). Pas mal, non ? Donc la traduction « le Seigneur » reprenant la tradition de ceux qui prononcent le tétragramme « Adonaï » me semble être un contresens car cela fait penser à une autorité un brin féodale. Alors que Dieu est appelé YHWH quand il est au contraire proche, avec quelque chose d’une tendresse maternelle pour nous. Donc, personnellement, je garde « l’Eternel », ou Yahweh. Dans ma lecture personnelle j’aime bien aussi le diminutif Yah que l’on trouve également souvent dans la Bible (comme dans AlléluYah : Célébrons l’Eternel)

Merci pour les encouragements

pasteur Marc Pernot, église protestante de Genève

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10 Commentaires

  1. Dominique dit :

    Bonjour,

    merci pour cette question et la réponse !

    A noter qu’il semble que les juifs messianiques d’aujourd’hui pensent que le tétragramme YHWH se prononce plutôt Yahouweh, je ne sais pas pour quelles raisons… Yahou dans Netanyahou pourrait-il être une sorte de prononciation abrégée ?

    A noter surtout leur incroyable site pour tous ceux intéressés par les transcriptions des manuscrits bibliques, papyri, onciales, rouleaux de Qumran… avec comparaison au texte massorétique…

    Exemples de transcriptions disponibles (avec traduction New Covenant en anglais) de manuscrits importants :
    – papyrus 45
    – papyrus 66 un des plus anciens témoins de l’évangile de Jean, et surtout, presque complet.
    – la collection complète des transcriptions des manuscrits de Qumran (difficile à obtenir ou cher !) https://downloads.thewaytoyahuweh.com/pdf/dead_sea_scrolls/DeadSeaScrolls_Complete_Collection.zip avec comparaison au texte massorétique !!!

    Alleluïa !

  2. biduline dit :

    Je ne sais pas si on a le droit de faire de l’humour ici, Marc vous supprimerez mon commentaire si vous le jugez inconvenant ou inapproprié, mais… Allez je me lance !

    Mon grand père m’a toujours dit que le bon Dieu s’appelait Emile ! Car lorsque je faisais des bêtises enfant, il se mettait toujours en colère en disant :
     » Emile Bon Dieu d’ Emile bon Dieu !😇😂

    1. Marc Pernot dit :

      🙂 Elle est pas mal.
      Bien sûr qu’on a le droit de rigoler. Manquerait plus que ça.

  3. moi dit :

    Y H V H autrement dit le Tétragramme Sacré ne peut se prononcer : quatre consonnes hébraïques, tout simplement, parce qu’il n’y a pas de voyelle.
    Donc c’est simple, on a donné un nom de substitution : HACHEM, le nom.
    Simple, non ?

    1. Marc Pernot dit :

      A vrai dire, ce n’est pas si simple.

      La Bible Hébraïque entière est écrite avec uniquement les consonnes. Et pourtant on arrive à la lire.

      Comme indiqué, cela se lisait très probablement à l’origine Yahouh.

      Plus tard, des érudits (« les Massorètes », au 10e siècle) ont proposé une vocalisation de ce texte. C’est un travail très sérieux, seulement, c’est une proposition, correspondant à leur interprétation. Et en bien des endroits d’autres vocalisations sont possibles.

      En particulier en ce qui concerne YHWH, la tradition de ne pas le prononcer et de remplacer par « hachem » (le nom) ou Adonaï (me seigneur), est assez tardif (vers le 3e siècle avant Jésus_Christ). Les massorètes ont respecté cet usage en mettant des voyelles qui correspondent non pas à la lecture d’origine, mais aux formules de remplacement utilisées de leurs temps.

      La transcription Yahweh que l’on trouve parfois est assez spéciale, elle rend bien les quatre consonnes YWHW, avec les sons de Adonaï prononcé en latin (a – é). La transcription Yahouweh est à peu près aussi discutable, je pense. Mais chacun fait ce qu’il veut, l’essentiel est de savoir un petit peu ce que l’on fait, le sens que cela a.

  4. Dominique dit :

    Bonjour,

    en fait, le tétragramme sacré est supposé ne pas être prononcé dans la Bible hébraïque (bien qu’il apparaisse environ 6828 fois dans le texte), mais il semble que des prononciations multiples, partielles ou non, se retrouvent dans les noms de plusieurs prophètes, personnages et expressions bibliques, avec des variantes qui correspondent à des conjugaisons de verbes ou autres variations des mots en hébreu. Il semble donc qu’il existait plusieurs prononciations utilisées, peut-être selon les époques ou livres bibliques, parmi toutes les possibilités de vocalisation cohérentes. Et d’autre part, cela confirmerait que l’interdiction est intervenue tardivement, puisque de nombreux noms sont composés à partir d’une partie au moins de ce tétragramme.

    Au passage, l’argument en faveur de la possibilité de prononcer Yahouweh est le suivant : en considérant que le waw sémitique vaut deux w ( w-a-w ), la prononciation devient Yah + ou (1er w) + w (2ème w) + eh.

    Voici quelques exemples à partir des articles https://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_th%C3%A9ophore et wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/Theophoric_name (noms de divinités), en espérant que les transcriptions de l’hébreu sont à peu près correctes :

    Prophètes
    1. Esaïe ou Isaïe : Isaiah => Yesha-Yahu : réunit la syllabe « Yah », le verbe « sauver » Y-Sh-‘ (ישע), et le pronom personnel הו (hou, « il ») qui met ici une emphase sur le sujet du verbe. Il peut donc se traduire par « Lui, Dieu, sauve » ou « Lui, Dieu, est salut », prononciation Yahu
    2. Ézéchiel => Ye dzekiel, « Dieu renforcera », prononciation Ye
    3. Jérémie > Yirme Yāhū « élevé par Dieu » ou « Dieu est haut », prononciation Yahu
    4. Zacharie : Zechariah => Zekari Yah, « Dieu s’est souvenu », prononciation Yah

    Personnages :
    1. Jacob => Ya’qob, Yah + qob « Dieu a soutenu »
    2. Jonathan : Yonathan => Yo nathan « don de Dieu » (synonyme de Nathanël, Nathan El), prononciation Yo
    3. Josué, Jésus => Yeshua (forme courte), Yehoshua (forme longue), Yeho-shua, « Dieu sauve », « Dieu secourt » (idem Isaiah Yesha-Yahu, avec une autre forme conjuguée), prononciation Yeho pour la forme longue (la forme courte pouvant aussi être liée à une forme conjuguée de « sauver » Y-Sh-‘ (ישע))

    Expressions
    Alleluia => haleluya, Hallel Yah, « Louer Dieu »

    1. Marc Pernot dit :

      Ce n’est pas dans la Bible Hébraïque que le tétragramme est supposé ne pas être prononcé. À l’époque de la rédaction de ces textes, ce nom était encore prononcé. C’est dans une tradition plus tardive et tout à fait respectable. Seulement, on peut aussi le prononcer tout en étant conscient et attentif à ne pas penser que nous enfermerions l’être Dieu dans notre pensée sur lui, dans nos credos, doctrines. C’est surtout cela, je pense qu’il est important de considérer.

  5. Félicité dit :

    Il est toujours mieux de sanctifier le nom de l’éternel Dieu notre père en le mettant à part, sans le prononcer comme lui même l’a voulu en le donnant, avec intention de ne pas le laisser se faire prononcer.

    1. Marc Pernot dit :

      Dieu n’a jamais dit qu’il ne fallait pas prononcer son nom. Au contraire, il envoie Moïse portant son nom devant son peuple.
      Ce qui est marqué dans les « Dix Paroles », c’est « Tu ne prendras pas le nom de YHWH, ton Dieu, en vain » (Exode 20:7), cela ne veut pas dire de ne pas prononcer son nom, mais que ce ne soit p

    2. Marc Pernot dit :

      Il n’est pas marqué dans la Bible qu’il ne faudrait pas prononcer le nom de Dieu, au contraire Dieu envoie Moïse porter son nom devant son peuple. Ce qui est marqué dans les « Dix Paroles », c’est : « Tu ne prendras pas le nom de YHWH, ton Dieu, en vain » (Exode 20:7) : cela invite à employer ce nom mais à ne pas en faire n’importe quoi. De ne pas le placer trop haut (comme si Dieu était lointain, inaccessible et indifférent), ni trop bas (comme si Dieu était à notre service pour lui suggérer ce qu’il devrait faire). A partir de ce texte, une tradition relativement tardive de certains milieux juifs influents décidèrent de ne pas prendre de risque et de ne pas pronocer du tout le nom de Dieu, YHWH. Et ils le remplacèrent par une fonction, ou un titre, celui de « Seigneur », ce qui donne effectivement une théologie d’un Dieu assez terrible, loin du Dieu de tendresse et de compassion qu’évoque le nom de YHWH. A mon avis.

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