Rembrandt : Jésus chassant les marchands du temple (musée des Beaux-Arts Pouchkine - Wikicommons)
Bible

Pourquoi arrivait-il à Jésus d’être si dur en paroles à l’égard des gens ?

Par : pasteur Marc Pernot

Rembrandt : Jésus chassant les marchands du temple (musée des Beaux-Arts Pouchkine - Wikicommons)

Jésus chassant les marchands du temple

Question posée :

Bonjour Monsieur le Pasteur,

je vous félicite et vous remercie tout d’abord pour la qualité de votre site, qui est une authentique source de réflexion pour guider chacun dans sa voie spirituelle.

Ma question concerne Jésus. Je me demande souvent pourquoi lui arrivait-il d’être si dur en paroles à l’égard des gens ou même de ses apôtres ?

Il existe en effet plusieurs passages des Évangiles où il traite les gens de  » races de vipères « , (Luc 3;7), d’hommes sans intelligence (Luc 24;25), de serpents (Matthieu 23;33). Parfois il semblait s’exaspérer et perdre patience comme en témoigne Matthieu 17;17 ou Marc 9;19.

C’est d’autant plus troublant que cela place Jésus en contradiction avec sa recommandation dans Matthieu 5;5 « Heureux les doux » et 5;22 « Quiconque se met en colère contre son frère est passible de jugement… »

Merci infiniment pour le temps que vous allez consacrer pour votre réponse.

Respectueusement.

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Et merci pour les encouragements, c’est très sympa.

Oui, il est bon de revenir aux sources et de décaper l’imagerie pieuse qui fait écran à ce que les évangiles nous disent de Jésus. Et la personnalité de l’homme Jésus, le vrai, ayant vécu, marché sur les chemins, mangé avec les gens… ce Jésus là est à deviner encore entre les lignes. Et ce n’était pas ce mièvre et doux blondinet que l’on représente parfois.

Jésus avait du charisme, de la personnalité, il avait la parole provocante, un peu rude parfois, souvent troublante, déstabilisante, libre, libérale et sans tabous… Mais son attitude, c’est vrai, était même alors pleine d’un réel intérêt pour la personne, une recherche de la sauver.

Et cette contradiction entre « heureux les doux » et sa bordée d’injure est intéressante. Elle permet de mieux comprendre le mode d’emploi de ces textes des évangiles. Ce mode d’emploi était, je pense, intuitif pour les personnes de l’époque et de cette culture, il l’est moins pour nous aujourd’hui.

Ces textes ne forment pas un code de loi, mais un excellent réservoir de questions. « Heureux les doux » n’est pas un ordre mais une espérance, une question, une suspension qui nous est proposée dans nos réactions parfois trop rapides, quitte ensuite à parfois taper le poing sur la table comme le fait Jésus, mais à bon escient, en connaissance de cause, en l’ayant vraiment discerné et choisi, non pas avec humeur. 

Ces contradictions sont formidablement utiles, car elles ouvrent un espace de questionnement, de liberté et de créativité à l’homme, cela permet de tenir compte de chaque cas particulier, de chaque vocation personnelle, et de la sensibilité de chacun. Ces contradictions sont un bon rempart contre l’intégrisme et le fondamentalisme. Mais bon, c’est vrai qu’avec plein de bonne volonté, et pas mal de mauvaise foi, on arrive quand même à trouver des personnes pour y arriver… Mais les paroles de l’Evangile ne devraient pas pouvoir être lues comme ça. Par exemple quand Jésus dit de ne pas résister au méchants, de donner sa tunique si on nous vole notre manteau, et de tendre l’autre joue si l’on nous frappe… ce n’est évidement pas un modèle de société, à moins que l’on veuille laisser torturer les enfants, massacrer les personnes âgées, violer les femmes, braquer les banques… Mais ce texte interroge l’évidence qu’il y a de supprimer la personne qui nous pose des problèmes, soit en l’éliminant soit en coupant avec elle. Parfois, dans un couple, avec un collègue ou avec un enfant il est bon de laisser passer une agression sans ne rien dire, car ce n’est pas le moment, que cela envenimerait encore, qu’il vaut mieux envisager un travail en amont du symptôme, sur un autre rythme que la réaction immédiate ? Ou mille autres réponses possibles à une agression en fonction des circonstances, et selon notre inspiration (soufflée par notre cœur, notre intelligence, et parfois par Dieu).

Donc, il y a un temps pour la douceur et un temps pour déballer ce que l’on pense. Comme le dit Jésus, c’est un bonheur de pouvoir vivre la douceur. Mais ce n’est pas toujours possible. Alors, comment savoir ? Saint Augustin, dans son commentaire de la 1e lettre de Jean nous propose ceci :

Une fois pour toutes,
Ce bref commandement t’est donné :
Aime et fais ce que tu veux.
Si tu te tais, tais-toi par amour
Si tu parles, parles par amour
Si tu corriges, corriges par amour
Si tu pardonnes, pardonne par amour.
Aie au fond du cœur la racine de l’amour
De cette racine, il ne peut sortir que du bien
« En cela consiste l’amour.
Dieu a fait paraître son amour pour nous,
en envoyant son Fils unique dans le monde,
afin que nous vivions par lui.
Et voilà en quoi consiste cet amour :
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu,
mais c’est lui qui nous a aimés le premier »

C’est fidèle au souffle de liberté et de responsabilité qu’a apporté Jésus-Christ. Mais encore nous faut-il aimer pour que ce commandement marche, et il faut ensuite savoir ce que l’on veut. Ni l’un ni l’autre ne vont de soi.

Seul Dieu peut nous donner d’aimer véritablement, cela nous encourage à nous ouvrir profondément et régulièrement à lui par la prière.
Et seule une réflexion personnelle peut nous donner de savoir ensuite ce que l’on veut, cela aussi demande une pratique régulière pour nourrir et exercer notre intelligence.

Bonne lecture de la Bible.
Et qu’à travers cela, Dieu vous inspire le meilleur !

pasteur Marc Pernot, église protestante de Genève

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