14 août 2024

Un feu de camp avec des grillades - Photo de Gregorio Luiz Gomez sur https://unsplash.com/fr/photos/steak-sur-grill-au-barbecue-fIVYjndO_Fs
Bible

Où est le respect des animaux dans ces sacrifices demandés par Dieu dans l’Ancien Testament ?

Question posée :

Bonjour Monsieur le pasteur
Je pense qu’initialement je devrais poser ma question à des juifs mais je voulais avoir votre avis sur le sujet.
Dans l’ancien testament il est fait référence à de nombreux holocaustes. Je me suis posé des questions sur ces pratiques.

Où Dieu demande t il clairement ces holocaustes ?
Qu’est ce qui peut bien plaire à Dieu dans cette pratique: le fait que l’humanité se prive d’une nourriture qu’elle pourrait utiliser à son propre profit ? La souffrance d’un animal qui est abattu généralement dans la peur et qui se sent mourir lentement ? Le fait qu’on sacralise un animal (étymologie du terme sacrifice) mais pour Dieu n’est ce pas plutôt la vie qui est sacrée vu qu’il en est l’auteur ?

Je sais bien que dans la genèse, Dieu semble donner à l’humanité un droit de supériorité sur le monde animal et végétal mais ces sacrifices me semblent être en contradiction. Ne serait ce pas plutôt des restes des pratiques païennes où les esprits des morts absorbaient la force vitale des animaux sacrifiés (ce que l’on retrouve dans le mythe du Vampire – on peut d’ailleurs s’interroger sur les déclarations de Jésus à ce niveau là puisque lui aussi semble avoir hérité de ces croyances païennes du sang qui donne l’immortalité).
En vous remerciant de votre réponse, je vous souhaite une bonne journée et je vous retrouverais avec plaisir à la 2e initiation à la théologie.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Merci pour votre message. C’est bien intéressant et sensible.

Je reconnais que ces textes avec des sacrifices d’animaux pour plaire à Dieu sont assez épouvantables, littéralement et pour ce qu’ils signifient. Comment lire alors ces textes ? Il est possible de les spiritualiser.

Les sacrifices dans la Bible

La Genèse présente le sacrifice comme étant inventé par Caïn ! Ce qui n’est pas une figure très positive. Même si, lui sacrifie des poireaux et autres légumes. Dieu n’avait rien demandé.

À mon avis le sacrifice c’est un grand classique des religions. L’idée est un peu celle du pot de vin : on fait un petit cadeau pour attendre de grands cadeaux de la part du souverain. Mais on remarque que dans la Bible cela est  un acte de louange à Dieu, plus que pour « acheter » des bénédictions de Dieu. Heureusement.

Mais vous n’êtes pas seul à trouver cela bizarre que Dieu prenne le moindre plaisir à l’odeur des sacrifices. Il y a de grands antécédents dans la Bible elle-même.  Car la Bible est pluraliste. Le génie des hébreux est d’avoir compilé dans cette bibliothèque essentielle qu’est la Bible de multiples courants, et non pas un unique courant :

  • elle intègre dans sa bibliothèque des livres considérant comme essentiel de sacrifier des animaux sur des autels construits ou improvisés. Cela jalonne les 5 ou 6 premiers livres de la Bible (le pentateuque, ou hexateuque) . Ces courants religieux les considéraient comme essentiels (surtout peut-être les prêtres qui en faisaient leur fonds de commerce).
  • D’autres voix s’expriment dans la Bible qui ne placent pas la question sur le plan des sacrifices à Dieu mais plutôt dans la foi, la prière, et la justice. Il y a par exemple aussi : des courants de sagesse (pour lesquels l’enjeu n’est pas dans les rites) mais de chercher un juste chemin de vie.
  • Il y a des courants spirituels comme les Psaumes qui sont plus centrés sur la prière sincère et confiante en Dieu, osant dire la louange et la plainte, le doute ou la révolte. Nous y trouvons par exemple au Psaume 51 : « Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé: O Dieu! tu ne dédaignes pas un coeur brisé et contrit. » : un cœur sincère et aimant, un cœur de chair et non un cœur de pierre.
  • Il y a des courants prophétiques qui s’opposent souvent aux sacrifices de façon radicale comme dans ce texte formidable d’Amos 5:21-25 où Dieu déclare avec force « Je hais, je méprise vos fêtes, Je ne puis sentir vos assemblées. Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, Je n’y prends aucun plaisir; Et les veaux engraissés que vous sacrifiez en actions de grâces, Je ne les regarde pas. Eloigne de moi le bruit de tes cantiques; Je n’écoute pas le son de tes luths. Mais que la droiture soit comme un courant d’eau, Et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit. M’avez-vous fait des sacrifices et des offrandes Pendant les quarante années du désert, maison d’Israël?… »
  • Jésus écarte le système de change dans le temple de Jérusalem qui permettait aux voyageurs de faire des sacrifices, et Jésus rappelle que la maison de Dieu est plutôt la prière de tous les peuples, et l’essentiel n’est pas les rites mais d’aimer : écouter et aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même.

Comment lire ces textes avec des sacrifices ?

C’est vrai que ce cri des prophètes résonne fortement et avec eux il me semble totalement surréaliste de penser que Dieu aurait eu besoin de sacrifices d’animaux alors que son amour pour nous est premier et sans condition. Et cette relecture que proposent des psaumes et des prophètes me semble une bonne piste de lecture pour ces textes datant de temps reculés croyant aux sacrifices.

Donc, quand je lis un passage parlant d’un sacrifice ou d’un holocauste dans la Bible, j’y vois un encouragement à la louange à Dieu, et aussi un encouragement à essayer de m’impliquer plus concrètement, plus matériellement dans ma foi et ma théologie, qu’elles s’incarnent dans des actes, dans des priorités.

D’ailleurs le mot même « holocauste » en hébreu signifie « montée », c’est un appel à faire monter notre âme, notre pensée, notre prière vers Dieu, élever nos sentiments et notre façon d’être en ce monde. C’est bien ce qu’espère Dieu pour nous.

Comment alors comprendre la croix du Christ ?

Serait-ce un sacrifice de plus, un sacrifice ultime pour calmer la fureur d’un Dieu terrible ? Dieu et sa soif de justice attendant avec gourmandise le sacrifice d’un innocent (le Christ) pour s’en satisfaire ! C’est absolument épouvantable et aux conséquences ravageuses pour l’idée que nous nous faisons de Dieu et de ce qui est juste dans notre vie. Par contre, la croix du Christ un profond geste de dévouement de Jésus, et donc un geste d’amour inspiré par sa foi en Dieu qui aime, un geste de responsabilité dans sa vocation, un geste d’amour pour l’humanité. Je ne pense pas que Jésus soit du tout dans la logique d’acheter le pardon de Dieu. Ce qu’il met en avant c’est au contraire la grâce de Dieu (son amour complètement gratuit et sans condition, qui n’a donc pas à être acheté par des sacrifices), ce que Jésus met ensuite en avant c’est la foi (c’est à dire la confiance en Dieu), c’est d’aimer Dieu et aimer un peu son prochain, appendre à s’aimer soi-même en vérité… Mais jamais, jamais le sang ! Heureusement, parce que imaginer que Dieu puisse tirer satisfaction du sang versé… peut vite conduire à absolument n’importe quelle violence (au nom de Dieu, bien sûr). Quand Jésus parle de « sang » c’est culturel : c’était un signe d’alliance nous engageant profondément, et son sang : c’ets sa vie qu’il nous donne à assimiler pour aimer à notre tour. Ce n’est pas un appel à la violence et à la destruction, au contraire.

Le statut des animaux ?

Pour le statut des animaux, à mon avis, on n’est pas obligé de lire la Genèse comme donnant un droit de domination de l’homme sur l’animal. Ni même de supériorité. L’humain est créé avec les animaux, béni avec eux, et quand Dieu fait alliance avec Noé il fait aussi alliance avec les animaux. Et attire notre attention sur chaque vie. Je dirais que cela nous appelle à la responsabilité. C’est vrai que l’humain est, avec Dieu, au centre de la Bible, c’est normal : la Bible a été écrite par des humains pour des humains, ce livre traite donc de la responsabilité de l’homme sur le monde. Cela ne veut pas dire qu’il ne pourrait pas exister un évangile des pingouins traitant de la place du pingouin dans le monde.

Mais néanmoins, l’homme reçoit pour mission de ne manger que de l’herbe verte, et la mission de nommer les animaux, c’est à dire de leur reconnaitre une valeur, une vocation particulière à chacun.
Le droit de manger des animaux n’est donné qu’après le déluge, comme un pis aller tenant compte de la violence naturelle de l’humain.

Cela dit, c’est une réalité biologique que nous avons besoin de manger du vivant pour vivre. Or le vivant est un tout, la salade n’est pas moins vivante que l’agneau ou que nous. Dan sun sens la salade est plus innocente, a moins de défense car elle ne peut fuir ni faire des yeux doux pour nous apitoyer. Comment faire ? Nous sommes obligés de sacrifier du vivant pour vivre. A mon avis, cela demande de le faire en conscience, sans gâcher, dans la reconnaissance pour cette vie, qui vivra encore à travers nous. Dans un certain sens.

Bravo pour votre sentiment de responsabilité plein de sens.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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3 Commentaires

  1. Anne Marie dit :

    Même Descartes que l’on ne peut pas accuser d’être quelqu’un qui se fait remarquer par son ignorance, dit que les animaux sont des machines et qu’ils ne souffrent pas quand on les torture: leurs cris sont des réflexes qui ne signifient pas qu’ils souffrent.
    Il en aura fallu du temps pour comprendre nos compagnons de tous les jours!

    1. Marc Pernot dit :

      Oui, comme quoi il y a des progrès. Et on sait maintenant qu’une forêt est un organisme vivant et que les arbres peuvent faire preuve de solidarité altruiste entre eux.

  2. Daniel dit :

    On ne peut pas lire correctement la Bible sans contextualiser les textes. Il ne viendrait (j’espère) à personne aujourd’hui l’idée de lapider une femme adultère…La Bible a été rédigée sur plusieurs siècles. Il y a des choses qui semblaient évidentes il y a 1000 ans et qui sont aujourd’hui inacceptables. Évitons tout litteralisme…

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